Le procès "Carpinelli" à Monaco vire au grand déballage intime entre les ex-époux

Les ex-époux Carpinelli, Christian et Bernadette, se sont affrontés ce mardi sur un volet plus personnel du procès des vrais-faux résidents belges à Monaco. Leur vie intime a été dévoilée au grand jour.

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Thibaut PARAT Publié le 12/06/2025 à 09:15, mis à jour le 12/06/2025 à 10:34
Le procès devrait finalement s’achever ce vendredi, en avance sur le programme initial. Photo Thibaut Parat

L’affaire des vrais-faux résidents belges en Principauté a viré, ce mardi, à l’affrontement personnel et au grand déballage intime entre deux des protagonistes de ce procès retentissant. D’un côté, Christian Carpinelli, ancien commissaire-divisionnaire et chef de la section des résidents jusqu’en mars 2013, soupçonné d’avoir touché des pots-de-vin et des cadeaux contre la délivrance et le renouvellement de cartes de séjour.

De l’autre, son ex-épouse Bernadette L., à l’origine des dénonciations de corruption auprès de la Sûreté publique, le 7 octobre 2016, dans un contexte de divorce houleux. Quelques jours plus tôt, elle avait déposé une plainte pour "harcèlement sur conjoint" et "tentative d’extorsion de fonds".

"Prostitution forcée"

C’est dans ce volet du procès, et en sa qualité de partie civile, que cette Monégasque de 69 ans s’est avancée chétivement à la barre, plongeant alors l’assistance dans l’intimité du couple, alors marié depuis 2001, jusqu’aux pratiques sexuelles et soirées échangistes organisées à Paris. Consentement mutuel pour lui, "prostitution forcée" pour elle.

C’est d’ailleurs au terme d’une de ces parties fines, début septembre 2016, qu’elle exprimera son "profond dégoût" pour son mari d’alors et que le terme "divorce" sera prononcé pour la première fois.

Devant les juges, Bernadette L. décrit "l’enfer" subi les semaines suivantes avec une série d’épisodes aboutissant à ladite plainte contre Christian Carpinelli: un chantage aux photos intimes pour lui extorquer 94.000 euros placés sur un compte assurance vie - de l’argent provenant du Belge Pierre Salik, principal bénéficiaire des titres de séjour -; la menace d’une perquisition et d’une garde à vue pour avoir perçu illégalement une commission d’apporteuse d’affaire dans la vente d’un appartement par son fils*; et, enfin, l’affichage à leur domicile d’un cliché d’elle avec la mention "Affectueuses pensées à mon épouse décédée". "Je le vois avec un couteau dans la main et un sourire ironique. J’ai vu ma propre mort, mon propre féminicide. Je ne pourrais jamais l’oublier", déclare-t-elle, précisant toutefois qu’il n’a jamais été violent physiquement envers elle.

Durant ce monologue de 40 minutes, ponctué de pleurs et de cris du cœur, Bernadette L. a surtout dénoncé un climat d’"emprise" plus profond et ancien que ces faits inscrits à la prévention, "des menaces sur des années, des insultes quotidiennes". En face, le pointilleux président du tribunal correctionnel, Florestan Bellinzona, apparaît ennuyé: "Ces nouveaux faits que vous nous décrivez, on ne peut malheureusement plus les vérifier huit années après", regrette-t-il. Réponse de l’intéressée: "J’avais honte, j’ai besoin de sortir tout cela maintenant".

"Ce que j’ai entendu ce matin est odieux, incompréhensible"

Impassible tout du long, les bras croisés dans un costume sombre, Christian Carpinelli s’avance à la barre. Il y livre sa version des faits, forcément plus édulcorée. "Jusqu’au moment des faits, j’ai toujours énormément aimé ma femme. Cela se passait moins bien avec ses deux fils. Elle, je l’ai choyée, je l’ai gâtée, je l’ai protégée. L’accord sur la vie libertine était complet et total, introduit-il. Dès le 10 septembre 2016, elle ne me parle plus, ce qui me laisse penser qu’elle préparait la séparation depuis le début d’année. Ce que j’ai entendu ce matin est odieux, incompréhensible, fou. Je n’ai jamais eu le comportement qu’elle prétend."

L’histoire de la perquisition? "Quand je découvre certaines opérations bancaires douteuses, je lui dis qu’on peut être inquiétés et voir les services de police arriver à notre domicile." L’épisode de la photo avec le funeste mot? "C’était une façon ironique de répondre à sa précédente injonction 'Considère que je suis morte à tes yeux'. C’était de l’humour noir, certes déplacé, mais pas une menace de mort." Et quid du chantage aux clichés intimes? "L’argent m’appartenait. On était dans une discussion conflictuelle, mais pas agressive. Et puis, cela a dérapé. Elle a menacé de dévoiler des problèmes [intimes] me concernant. Je lui ai répondu de ne pas aller sur ce terrain-là et que je dévoilerai ses pratiques sexuelles dans Monaco." Et de déclarer: "Je pense qu’elle a été conseillée par des gens à la police."

"Atteinte aux droits de la défense"

L’une de ses trois conseils, Me Sarah Caminiti-Rolland, s’est d’ailleurs montrée particulièrement offensive en questionnant Bernadette L., dans l’optique de démontrer que des conversations préalables entre celle-ci et des officiers de police judiciaire avaient eu lieu hors procédure (seuls des SMS figurent au dossier d’instruction), une semaine avant sa dénonciation des faits de corruption. "J’ai fait une allusion que mon ex-mari recevait de l’argent, très certainement, mais je n’ai pas employé le mot corruption", a-t-elle déclaré.

Suffisant pour qu’elle et Me Jérémy Gutkès déposent des conclusions de nullité à la barre, estimant que cela constituait "une atteinte aux droits de la défense et au droit à un procès équitable", avant de réclamer la nullité des poursuites pénales.

Pour le président du tribunal mais aussi le premier substitut du procureur général, Julien Pronier, ce point-là a déjà été tranché durant l’instruction par la chambre du conseil de la Cour d’appel puis par la Cour de révision.

L’incident a été joint au fond, permettant à Me Michel Cardix du barreau de Nice de plaider pour la partie civile, Bernadette L..

Blanchiment: l’ex-épouse complice ou sous emprise?

L’avocat reprendra la parole ce soir ou demain, après les réquisitions du ministère public, cette fois pour défendre sa cliente accusée de "recel" et de "blanchiment" aux côtés de son ex-mari. Sur ce second point, il leur est reproché d’avoir blanchi la somme de 110.000 euros, remise en espèces à l’agent immobilier Jean-Louis C., autre acteur phare du dossier car suspecté d’avoir mis les moyens de son agence immobilière pour créer une résidence fictive aux Belges. Celui-ci a ensuite viré l’argent aux époux Carpinelli sur un compte en Suisse par le biais d’une de ses sociétés. Les fonds étaient ensuite versés à Pierre Salik en vue d’une rétrocession ultérieure (augmentés de 40.000 euros), sous prétexte d’une donation de son épouse décédée. L’argent blanchi étant ensuite scindé en deux, entre les époux d’alors, et placés sur des assurances vie.

À l’audience, ce premier a soutenu que ces 110.000 euros n’étaient pas le fruit d’actes illicites mais "des économies de toute une vie". La seconde, elle, a assuré n’avoir jamais rien su de ces 110.000 euros - bien qu’a priori présente lors de la remise initiale -, mais a déclaré avoir déposé avec son ex-mari 150.000 euros en espèces directement sur le compte suisse.

Un dépôt, dont la trace n’a jamais été retrouvée par les enquêteurs, a contrario des divers mouvements d’argent.

La question que devront désormais trancher les juges étant de savoir si, pour ces faits-là, Bernadette L. était complice ou, comme elle le prétend, sous emprise.

*Elle a été condamnée pour complicité d’abus de confiance dans cette affaire.

La décla'

"Ce volet-là du procès aurait dû être jugé une autre fois, à huis clos. Là, on se retrouve dans le club échangiste, comme des voyeurs. Certes, le dossier [de corruption, ndlr] part de là mais c’est une affaire différente.", Un avocat de la défense, mal à l’aise devant ce déballage intime entre les ex-époux Carpinelli.

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