"Des milliers de résidents n’habitent pas en Principauté", soutient l'ex-policier Christian Carpinelli jugé dans l'affaire des faux résidents belges à Monaco

Dans le procès dit "Carpinelli" traitant de la résidence fictive de 14 Belges à Monaco, le principal prévenu a soutenu que la pratique d’habiter en Principauté sans réellement y résider était courante de longue date et de notoriété publique.

Thibaut Parat Publié le 04/06/2025 à 08:30, mis à jour le 04/06/2025 à 08:50
Le procès doit se poursuivre jusqu’au 18 juin. Archives Monaco-Matin Crédit photo Web uniquement.

Ce mardi, au deuxième jour du procès dit "Carpinelli", les juges du tribunal correctionnel ont débuté le fond du dossier des 14 "vrais-faux" résidents belges ayant obtenu puis conservé de façon indue des cartes de séjour en Principauté, contre des présumés pots-de-vin et/ou cadeaux. "Les constatations à Monaco et les interrogatoires en Belgique ont montré qu’ils ne résidaient pas du tout à Monaco. La plupart sous-louaient leur logement permettant de réduire le montant du loyer et simuler une présence, notamment en termes de consommation électrique. Les raisons de cette domiciliation fictive étaient fiscales et successorales", a introduit le président Florestan Bellinzona.

Dans cette affaire née fin 2016 d’écoutes téléphoniques et de dénonciations, 11 personnes comparaissent jusqu’au 18 juin à la barre, dont 3 fonctionnaires de la Sûreté publique ayant officié de longues années à la sensible Section des résidents, en charge des délivrances et renouvellements: deux ex-policiers désormais à la retraite, Christian Carpinelli et Serge D., et un attaché administratif toujours sous le coup d’une suspension, René J.

Interprétation diverse des textes

Avant d’amorcer cette après-midi le volet "corruption et trafic d’influence", le magistrat s’est, ce mardi, attelé à décrypter le fonctionnement interne du service, leurs rôles respectifs et liens hiérarchiques et les modalités d’attribution de ces documents administratifs.

Outre l’impérieuse nécessité de justifier d’une bonne moralité et de ressources financières suffisantes, le candidat doit disposer d’un logement et y résider au moins trois mois dans l’année, selon une note d’un haut gradé de la Sûreté publique fournie à l’instruction. Une interprétation des textes que ne partagent pas lesdits prévenus. "Aucune effectivité de résidence n’est demandée pour les cartes dites "temporaire" et "ordinaire". Ce n’est que pour la demande de carte privilégiée, au bout de 10 ans, qu’un contrôle est effectué, soutient Christian Carpinelli, ancien commissaire-divisionnaire et chef de la section des résidents de 1993 à 2013, acteur clef de l’affaire et du procès. Une enquête a été faite sur 14 ressortissants belges mais le reste a été ignoré. Des milliers de personnes fortunées résident à Monaco mais n’habitent pas dans leur logement, cela représente peut-être un tiers de la population. Il y a des joueurs de tennis, des pilotes automobiles. C’est connu des locaux. J’ai demandé une enquête, mais cela a été refusé."

Un constat que Serge D., successeur de Christian Carpinelli après sa retraite, met sur le compte de "la politique d’attractivité" voulue par les autorités du pays. Avant d’expliquer, en totale contradiction avec la stratégie de défense des policiers, avoir déjà retiré un titre de séjour pour cause de non-résidence.

Le (très) privilégié Pierre Salik

Les débats ont ensuite tourné autour du principal bénéficiaire de ces documents administratifs, l’industriel belge Pierre Salik, surnommé "roi du jean" après avoir fait fortune en développant l’entreprise textile de son père. En février 1987, après l’accueil favorable donné à la demande écrite du prince Alexandre de Belgique au prince Rainier III pour faciliter l’installation de Pierre Salik à Monaco, il obtient sa première carte de séjour temporaire.

Christian Carpinelli s’occupe de son dossier au début des années 1990 et, malgré une alerte sur une consommation électrique faible, lui renouvelle systématiquement ses cartes. "Au moment de lui délivrer sa carte de résident privilégié, on aurait dû vérifier sa résidence effective. Mais je n’étais provisoirement pas aux commandes." Mais pour le renouvellement en 2009, oui. À la barre, il prêche le caractère spécial du résident et l’intervention princière d’alors. "Je n’allais pas revenir en arrière", clame-t-il.

"Donc Pierre Salik avait un passe-droit à vie, un statut privilégié du fait de cette lettre?", questionne le président. "Pour moi, oui", répond Christian Carpinelli, s’abritant également derrière sa hiérarchie d’alors. "Le fait du Prince", n’a cessé de prononcer son conseil Me Pierre-Olivier Sur.

Personne aux domiciles

Autour des années 2010, Pierre Salik (décédé début 2025 à 95 ans) va œuvrer pour faire bénéficier de ce précieux statut de résident à 13 personnes de son cercle familial et amical, avec le concours de son désormais ami Christian Carpinelli. Lequel, même après sa retraite en mars 2013 et jusqu’en 2016 va continuer de gérer ces dossiers en faisant l’intermédiaire entre les Belges et ses deux anciens subordonnés. "Cela s’est fait ponctuellement qu’il me demande de renouveler et ce n’était pas quelque chose d’organisé. Si le dossier était correct ou acceptable administrativement, il n’y avait pas de raison que je refuse", répond René J.

En novembre 2016, lors de la vérification simultanée des appartements loués par les Belges, aucune trace de ces derniers. Certains concierges avouent ne les avoir jamais croisés; certains logements contiennent des courriers postaux au nom de sous-locataires, d’autres présentent des placards et frigos vides; un autre est inoccupé mais les lumières allumées. Dans les prochains jours, les méthodes mises en place pour simuler une présence, et ainsi passer sous les radars des autorités, seront dévoilées.

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