Question de Lucien
La France ne pèse rien dans les émissions mondiales. Est-ce vraiment à nous d’agir contre le réchauffement climatique?
Cher Lucien,
A l’occasion de la 28e Conférence des parties sur le climat des Nations unies (Cop 28), qui se tient jusqu’au 12 décembre à Dubaï, la rédaction répond tous les jours aux interrogations de lecteurs. Vous vous demandez si c’est vraiment de la responsabilité de la France d’agir contre le réchauffement climatique alors que le pays pèse peu dans les émissions mondiales de gaz à effet de serre.
Faisons le point, grâce notamment à l’expertise de François Gemenne, politologue spécialiste des questions climatiques et président du conseil scientifique de la Fondation pour la nature et l’Homme.
Le lourd poids historique de la France
"D’une part, ce n’est pas vrai de dire que la France ne pèse ‘rien’ dans les émissions mondiales: comme le changement climatique est un problème d’accumulation des gaz à effet de serre au cours du temps, la France a une lourde responsabilité historique", pose le chercheur.
Si la France n’émet aujourd’hui sur son territoire que 1% des émissions de gaz à effet de serre mondiales, "le pays se place au 8e rang des nations pour les émissions cumulées conduisant au réchauffement actuel", précisent le climatologue Christophe Cassou et la paléoclimatologue Valérie Masson-Delmotte dans le livre Parlons climat en 30 questions (éd. La documentation française).
L’impact caché des émissions importées
Ce 1% d’émissions totalisées par la France ne représente que celles générées dans l’Hexagone.
"Le poids de la France dans les émissions mondiales doit être pondéré selon que l’on prend en compte les émissions par habitant, ou les émissions importées, c’est-à-dire les émissions associées à des biens produits à l’étranger mais consommés en France", rappelle François Gemenne.
Or, nos vêtements, nos smartphones et tant d’autres objets qui meublent notre quotidien sont produits ailleurs dans le monde, notamment en Chine.
Un rapide coup d'œil à cette carte, réalisée par Our world in Data, permet de comprendre la réalité du problème. Plus le pays est rouge, plus il importe de CO2 par la consommation d’objets fabriqués ailleurs. Plus il est bleu, plus il exporte son CO2 pour les besoins d’autres habitants du Globe.
Conclusion: la France, qui s’est massivement désindustrialisée au fil du temps, émet moins sur son sol pour mieux émettre ailleurs.
"L’empreinte carbone de la France, qui inclut les émissions générées dans d’autres pays pour produire les biens qui sont importés et consommés en France, est 1,5 fois plus élevée que les émissions produites sur le territoire français", rappelle le Haut conseil pour le climat dans son rapport annuel de 2023.
Pourquoi tous les pays doivent se mobiliser
Face à ce constat, que fait-on? "Personne ne demande à la France d’agir en premier. Mais il y a des secteurs où la France est plutôt en retard: le transport routier ou les énergies renouvelables, par exemple", note François Gemenne, président du conseil scientifique de la Fondation pour la nature et l’Homme.
Ainsi, le Haut conseil pour le climat rappelle que "les émissions du secteur des transports ont augmenté de 2,3% en 2022 en France (...). Les baisses d’émissions observées entre 2019 et 2021 ont été en partie dues à des effets conjoncturels, avec le confinement et la hausse des prix des carburants."
"L’action internationale face au changement climatique dépend évidemment des engagements de tous les pays", conclut François Gemenne. Dont la France.
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