Rentrée, IA, Parcoursup et réformes: le directeur de l’Éducation nationale Jean-Philippe Vinci décrypte les grands défis de l'année scolaire à Monaco

À quelques heures de la reprise des cours le 8 septembre, Jean-Philippe Vinci trace les orientations de l’année scolaire

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Cédric Verany Publié le 04/09/2025 à 07:14, mis à jour le 04/09/2025 à 10:01
interview
Jean-Philippe Vinci, directeur de l’Éducation nationale et ex-professeur de philosophie, entame sa deuxième année scolaire à ce poste. Photo Jean-François Ottonello

Le système éducatif doit aujourd’hui se réinventer face à la progression de l’intelligence artificielle. Comment continuer à convaincre des élèves d’apprendre alors que ChatGPT leur promet des réponses rapides à leurs questionnements?

Nous sommes fermes face à l’addiction aux écrans. Et en même temps on propose des formations sur l’IA pour les profs et les élèves. C’est nécessaire. Je suis persuadé que dans quelques années l’IA sera l’analogue de la calculatrice en mathématiques. Pédagogiquement, cette technologie a des répercussions qui bouleversent les écoles et les universités. Les devoirs à la maison sont devenus impossibles. Et cela change le rapport au savoir. Que se passe-t-il quand apparemment tout est accessible immédiatement et qu’une machine compile pour soi? Je crois qu’il faut surtout développer l’esprit critique de nos élèves. L’IA satisfait immédiatement le désir de savoir, et tue l’envie d’apprendre. Savoir, ça prend du temps. C’est un vrai débat de fond, il ne faut pas reculer, il faut former les élèves. Ce qui m’inquiète, c’est l’idée fascinante de l’immédiateté et que l’on pense tout savoir sans avoir cherché, comparé, trié. La pédagogie c’est prendre du plaisir à apprendre, et là le professeur sera irremplaçable. Mais cela va nous obliger à repenser ce qu’est un cours. Si on ne réagit pas, on est mort.

Comment le corps professoral vit cette révolution?

Tout le monde est inquiet, on est dans une transition qui va très vite. On sait aujourd’hui avec tous ces outils, qu’on ne peut plus donner de devoir à faire à la maison. Certains professeurs ont pris le train en marche, demandent à être formés. Notre force est aussi que l’on fait cours ensemble, dans une salle, et que l’on apprend des autres, des interactions que l’on peut avoir. Lire un texte seul, même le meilleur que l’on peut trouver sur un sujet ne remplacera jamais la force d’apprendre ensemble.

Vous annoncez 528 enseignants pour cette rentrée, les classes ne manqueront pas de professeurs?

Nous avons réussi à avoir les recrutements que nous voulions, c’est-à-dire une vingtaine de professeurs français détachés. Certains professeurs viennent des lycées français de l’étranger. Nous avons aussi cinq Monégasques qui ont réussi les concours, et je les incite à les passer. Aujourd’hui, plus de 70% de nos professeurs sont des Français détachés, nous les remercions d’être là, et eux sont contents également. Pour le primaire, nous avons mis en place cette année, en anticipation, une brigade de remplaçants, en faisant les recrutements nécessaires, pour répondre à un manque en cas d’absence.

Les effectifs des élèves (5.686) demeurent dans la moyenne classique…

Oui et nous voulons des effectifs stables. Je comprends la tristesse de ceux qui n’ont pas obtenu de dérogation. Mais une des clés de la réussite, ce sont des classes à effectif raisonnable, surtout dans le primaire. Au-delà d’un certain nombre, on ne s’occupe pas des élèves de la même manière.

À côté de cela, avec plus de 800 élèves, l’International School n’a jamais été aussi plébiscitée. Comment l’expliquez-vous? Comme en France, beaucoup de familles font le choix du privé…

Nous n’avons pas à Monaco, ce même rapport avec le privé. Et nous avons d’ailleurs l’établissement FANB en privé. Concernant l’ISM, je suis très content de leur activité car ils proposent des examens différents des nôtres, avec un baccalauréat totalement international. C’est un autre système et nous ne sommes pas concurrents. Des résidents font le choix de ce système pour leurs enfants et c’est très bien. D’ailleurs nous les soutenons en leur prêtant des locaux et des équipements sportifs.

Lors de votre prise de fonctions, l’an dernier, vous visiez préparer les élèves à des parcours d’excellence, notamment pour la suite de leurs études après le bac. Comment cette ambition se traduit-elle?

J’ai souhaité deux choses. La première est de commencer à préparer des élèves volontaires aux Olympiades de Mathématiques. Ce sont des concours nationaux et mondiaux où l’on peut travailler en équipe. Et cette expérience peut être une porte d’entrée pour tenir le choc, ensuite, dans les classes préparatoires. La deuxième est une Prépa métiers en classe de 3e qui sera cinq heures de cours par semaine au lycée Rainier-III, pour faire découvrir aux collégiens des métiers. Et peut-être, pour les élèves qui ont des soucis en classe, déterminer une orientation choisie et non pas subie.

Sur l’orientation, pour les lycéens aujourd’hui, l’algorithme de Parcoursup détermine tout…

C’est vrai et ils sont tous angoissés par Parcoursup. Parfois à dossier équivalent l’un est pris pas l’autre, ce n’est pas clair et on n’a pas la main. Je sais que le gouvernement français réfléchit sur ces problématiques. Aujourd’hui, la véritable épreuve c’est Parcoursup pour un lycéen, ce n’est plus le bac. Notre solution, à l’échelle monégasque, c’est de mieux les préparer à diversifier leurs choix, à ne pas se braquer sur une idée ou un papier, à ouvrir le panel des possibilités.

L’actualité de cette rentrée, c’est aussi le transfert provisoire du lycée Albert-Ier pour un an dans l’ancien collège à l’Annonciade. Les délais seront tenus pour la rénovation du bâtiment du lycée sur le Rocher?

C’est ce qu’on a prévu, il n’y a pas de raison que ça n’ait pas lieu. Les travaux ont commencé en juin, ils avancent à un bon rythme et permettront une mise en conformité, mais aussi des améliorations substantielles. En parallèle, nous avons fait de gros efforts à l’Annonciade pour livrer des espaces fonctionnels, propres. Les lycéens auront même plus de place. Et un gymnase neuf, repeint, avec un parquet posé au sol pour jouer au basket-ball.

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