Comme le numérique avant elle, l’intelligence artificielle marque de son empreinte le tissu économique monégasque. La 13e édition du salon Monaco Business est là pour le rappeler avec une conférence entièrement dédiée au sujet. Le ministre d’État Christophe Mirmand l’a lui aussi rappelé dans son discours d’introduction de l’événement, témoignant de sa surprise relative "de voir à quel point l’IA prend quotidiennement, dans nos vies professionnelles et personnelles, une part extrêmement importante".
La question n’est donc plus d’intégrer ou non l’IA, mais plutôt comment. Et à quelle vitesse. "On en parle de plus en plus parce qu’il y a une véritable accélération, explique Mounir Mahjoubi, ancien secrétaire d’État chargé du Numérique en France et également entrepreneur. Contrairement à d’autres technologies, nous sommes à une époque où on va dix fois plus vite qu’avant. Internet avait mis cinq ou six ans à arriver dans les entreprises. Là, tous les collaborateurs se sont mis à utiliser ChatGPT et autres en moins d’un an. Les entreprises voient leurs concurrents les utiliser, entendent des promesses de performance et donc se lancent dedans."
Des usages variés et un gain de temps considérable
Les usages sont aussi nombreux que les secteurs concernés: écriture de mail, de texte, faire un résumé, des traductions. Ces quatre exemples regroupent à eux seuls 20% du travail d’un cadre, estime l’entrepreneur.
Ainsi, l’IA générative accélère le travail de ces personnes et le gain de temps est considérable. "L’IA permet aussi de faire de la recherche et du traitement de données compliquées. Nous avons d’énormes jeux de données – pour les avocats ce serait une loi, pour un ingénieur un résultat de recherche – et pour arriver à un objectif donné, il aurait traditionnellement fallu plusieurs mois voire années pour parvenir à ses fins. Mais avec l’IA, on gagne énormément de temps avec des productions intellectuelles de haut niveau", expose l’ex-secrétaire d’État français.
Si les bénéfices sont largement avantageux, l’utilisation de l’IA dans le milieu de l’entreprise à Monaco reste très récente. Françoise Milatos, directrice adjointe de Monaco Digital, l’estime à l’an dernier seulement. "On commence seulement à avoir des cas d’emploi opérationnel avec ce qu’on appelle le passage à l’échelle. On passe du concept – le modèle réduit – à un modèle de plus en plus étendu dans l’entreprise."
Une démocratisation qui implique une connaissance de l’outil, un enjeu au sein des firmes. "Ce n’est pas facile pour l’entreprise de se lancer dans l’IA. On conseille de passer par les cas d’usages les plus faciles. Il y a aussi un gros travail à faire sur les données récoltées, aussi bien dans le milieu interne que dans le secteur d’activité de l’entreprise concernée. Mais il faut d’abord faire monter le degré de maturité au sein de l’entreprise en faisant de la formation sur la compréhension de ce qu’est l’IA. Il faut réfléchir collectivement sur les cas d’emploi qui pourraient apporter le plus de valeur le plus rapidement possible." S’ensuivent des essais avant de passer, donc, à plus grande échelle.
Monaco, bon élève?
Concurrencée par d’autres pays en termes d’attractivité, Monaco doit se distinguer pour continuer à attirer un portefeuille d’entrepreneurs. Le déploiement et l’utilisation de l’IA – et plus globalement l’innovation – font sans aucun doute partie des atouts pour séduire ces investisseurs.
Voilà pourquoi la Principauté a rapidement sauté dans le train de l’intelligence artificielle. Et, surtout, propose un cadre idéal pour son développement. "C’est un outil indispensable. Celui qui ne l’utilise pas prendra forcément du retard par rapport aux autres, toutes activités confondues. Monaco a tous les atouts pour développer l’IA avec le programme Extended Monaco, avec Monaco Cloud. La Principauté s’est préparée à avoir à la fois la puissance de calcul et la souveraineté des données nécessaires pour créer une IA de confiance. Tout est là pour avancer vite et en faire un facteur d’attractivité pour Monaco", poursuit Françoise Milatos.
Mounir Mahjoubi abonde. "Par sa taille, Monaco peut s’adapter plus vite aux changements comme l’IA. Le pays peut aller plus vite que son voisin la France par exemple. Et ça, c’est aussi grâce au tissu d’experts présent en Principauté. Car l’une des conditions de la réussite de l’entreprise, c’est d’être accompagné. De trouver des prestataires. Un salon comme aujourd’hui est important parce que tous ces prestataires sont réunis au même endroit. Donc si une entreprise monégasque veut former ses collaborateurs et mettre en place un cloud avec un agent IA, elle trouvera des gens pour le faire et c’est très important."
Quelle place pour l’humain?
Oui mais voilà. L’IA peut aussi comporter des risques. Sécuritaires notamment. Une menace que l’ancien secrétaire d’État au Numérique balaie d’un revers de la main. "On a eu la même discussion avec Internet dans les années 1990-2000. Les gens mettaient leur vie dedans. Ils disaient tout à leur moteur de recherche. Aujourd’hui, c’est pareil avec ChatGPT. On a appris à nos enfants à rester méfiants. Il faut développer un esprit critique et garder à l’esprit que l’IA c’est le monde réel."
Quant à la crainte de voir le rôle de l’humain s’effacer face à la technologie, Françoise Milatos se veut rassurante. "L’IA est au service de l’humain et elle ne remplacera pas l’humain. On parle d’intelligence artificielle, c’est-à-dire qu’elle utilise des règles données par l’humain pour essayer de les reproduire."
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