"À cinq minutes près, je le perdais": entre larmes et colère, Odette et son fils rescapé racontent l’accident de bus au Plan-du-Var
Deux adolescents ont été grièvement blessés dans le spectaculaire accident de bus à Plan-du-Var. Ils ont quitté l’hôpital mais ils sont profondément marqués.
Article réservé aux abonnés
Christophe CIRONEPublié le 20/01/2024 à 06:45, mis à jour le 20/01/2024 à 08:42
Odette et son fils de retour près des lieux de l’accident, ce jeudi, le long de la voie ferrée. En toile de fond, on distingue un bus et les plots qui situent la chute.(Photo Dylan Meiffret)
"Je suis traumatisé par l’accident. Je ne sais pas comment je suis encore en vie..."
Le regard triste d’Alexandre (1) se pose une centaine de mètres plus loin, près des rives du Var. Des plots rouges et blancs balisent le bord de la RM 6202, côté fleuve. Les rails des Chemins de fer de Provence courent cinq mètres plus bas. Plus rien en vue. La carcasse du bus a été enlevée. Mais son image obsède l’adolescent meurtri.
Le traumatisme d’Alexandre date d’une semaine exactement. Il est 9h55, ce vendredi 12 janvier, quand un bus de la ligne 59 du Réseau Lignes d’Azur bascule dans le vide. Parti de Nice pour Plan-du-Var (commune de Levens), le véhicule heurte la montagne sur son flanc droit, juste avant d’arriver au village. Il chute côté opposé. Il finit sur le flanc, en travers des rails. Alexandre, 15 ans, et son meilleur ami, Raphaël, 16 ans, sont les deux seuls passagers. Ils sont grièvement blessés.
"Mon pote a levé la tête. Et le bus a tapé la montagne. On a crié en même temps. Quand l’avant du bus a tapé, j’ai perdu connaissance quelques instants. J’ai repris conscience quand il a fini sur le côté", se remémore Alexandre sur un ton morne, l’élocution encore chancelante.
"J’ai cru qu’il était mort"
Traumatisé, l’un des adolescents rescapés regarde la RM 6202 depuis laquelle a basculé le bus.Dylan Meiffret / Nice Matin.
Le jeune Levensois a une dent cassée, sept points de suture sous la lèvre inférieure, trois autres au cou. Mais c’est sa cuisse, criblée d’éclats de verre, qui l’a fait le plus souffrir. Alexandre a pu quitter l’hôpital Lenval lundi. Raphaël, lui, n’a regagné son domicile de Mougins que jeudi soir. Son état était particulièrement inquiétant.
C’est d’ailleurs la santé de Raphaël qui est évoquée d’emblée, quand nous rencontrons Alexandre et sa mère, Odette, ce vendredi matin. "On se connaît depuis la primaire. C’est comme un frère pour moi", insiste Alexandre. Ce frère, il a "cru qu’il était mort" en le voyant inanimé, prisonnier du piège de tôle dont les pompiers finiront par le désincarcérer.
La veille, Raphaël est venu dormir à la maison, à Levens. Le 12 janvier à 8h, il accompagne Alexandre à son collège de Saint-Martin-du-Var. Seul un cours de musique est au programme. Découvrant cela, Alexandre décide de rebrousser chemin. C’est au retour que survient l’accident.
"J’ai la rage"
Ce collégien a une dent cassée, dix points de suture et des blessures aux jambes.Dylan Meiffret / Nice Matin.
Sitôt alertée, Odette accourt toutes affaires cessantes. Paniquée, en pleurs, cette mère de quatre enfants découvre "le bus sur les rails. Je n’avais qu’une envie: récupérer mon fils et casser le gueule du chauffeur. Je l’aurais tué!"
Le conducteur, âgé de 31 ans, n’est que légèrement blessé. Les gendarmes de Levens le placent en garde à vue. On apprendra dans la journée qu’il était positif à la cocaïne et au cannabis. Placé sous contrôle judiciaire depuis, il est mis en examen pour "blessures involontaires par conducteur ayant fait usage de stupéfiants".
Voilà pourquoi Odette est "en colère. J’ai la rage, même. Une rage phénoménale! Comment a-t-il pu conduire avec de la coke et du shit dans le sang? Et pourquoi ne font-ils pas plus de contrôles? Il a manqué de tuer deux ados!" Alexandre acquiesce: "Au début, je n’étais pas énervé contre le chauffeur. Un mauvais geste, ça peut arriver. Mais là, il a pris le volant avec nos vies dedans. On n’avait rien demandé..."
Nuits de cauchemars
Odette, mère de quatre enfants, éprouve "une rage phénoménale" en songeant que le conducteur était sous l’emprise de stupéfiants.Dylan Meiffret / Nice Matin.
En chemin vers les lieux de l’accident, on croise un bus affichant "59: Plan-du-Var". Quelques instants plus tôt, c’est le train des Pignes qui est passé. "À cinq minutes près, je perdais mon fils", frémit Odette en regardant Alexandre.
Depuis sa sortie d’hôpital, Alexandre n’a pas repris les cours. Ni les transports en commun. Il dort peu, cauchemarde beaucoup. "La nuit, il appelle tout le temps: « Raphaël, Raphaël! Réveille-toi!" » C’est ce qu’li a fait dans le bus. Des témoins et les secours l’ont pressé de sortir. De la fumée s’échappait du moteur.
Jeudi, Odette et Alexandre a reçu la visite d’Evelyne Abel Dit Delamarque, conseillère municipale à Levens, venue représenter le maire Antoine Véran. Odette remercie tous ceux qui les ont soutenus, notamment cette femme qui l’a alertée. En revanche, sa famille a déposé plainte contre le conducteur du bus. "J’ai un désir de justice. Je veux qu’il paie, fulmine Odette, un sanglot dans la voix. Ce qu’il a fait à ces deux petits, c’est inadmissible! Et impardonnable!"
(1) Les prénoms des mineurs ont été modifiés afin de préserver leur anonymat.
Vous pouvez le désactiver pour soutenir la rédaction du groupe
Nice-Matin qui travaille tous les jours pour vous délivrer une
information de qualité et vous raconter l'actualité de la Côte d'Azur
Et nous, on s'engage à réduire les formats publicitaires
ressentis comme intrusifs.
Si vous souhaitez conserver votre Adblock vous pouvez regarder une seule publicité vidéo
afin de débloquer l'accès au site lors de votre session
Nous avons besoin de vos cookies pour vous offrir une expérience de lecture optimale et vous proposer des publicités personnalisées.
Accepter les cookies, c’est permettre grâce aux revenus complémentaires de soutenir le travail de nos 180 journalistes qui veillent au quotidien à vous offrir une information de qualité et diversifiée. Ainsi, vous pourrez accéder librement au site.
Vous pouvez choisir de refuser les cookies en vous connectant ou en vous abonnant.
commentaires