Depuis plusieurs années, Franck Bessière s’emploie à nous rendre la pieuvre familière. Expositions photo, documentaires et un compte Instagram riche de rencontres qui donne l’envie immédiate de plonger dans son sillage.
Avec Le Mariage du loup (Tana éditions), Franck Bessière accroche une nouvelle corde à son arc artistique en écrivant un premier roman. Une dystopie qui interroge notre rapport au vivant.
Le pitch? Dans un futur proche, dans un monde en profonde mutation où l’homme doit faire face à la "révolte animale" et à la transespèce (naître dans un corps humain mais avec une identité animale), Simon, qui travaille à la cellule de crise du ministère des Affaires étrangères, croise la route d’un vieux loup en quête de sa louve. Un lien inexplicable se noue entre ces deux êtres, pas si éloignés l’un de l’autre.
Le loup, "symbole du vivant"
Réchauffement climatique, écoterrorisme, humanisme et humanité, le récit est nourri d’années d’observations, d’écoute du monde. D’actualité aussi: "J’ai tiré sur les fils existants", sourit l’auteur, rencontré quelques dizaines de minutes avant une dédicace organisée à la librairie La Joie de Lire, à Toulon.
Et clairement, Le Mariage du loup interpelle. Il interpelle sur "l’empreinte humaine sur le monde du vivant". "Elle est tellement énorme, on ne se rend pas compte que même des choses qui pourraient passer pour anodines ont un impact sur le monde du vivant. Même ici, à la terrasse d’un café, dans un endroit que l’on croit exclusivement humain, on n’a pas l’impression de gêner le vivant…"
Pas innocent d’avoir ainsi voulu nous pousser à lire à travers le regard de Canis Lupus, dont l’espèce nourrit les fantasmes, la littérature, autant que l’actualité. Le loup, "symbole du vivant" pour l’auteur qui tire le titre de son ouvrage d’une véritable légende maghrébine.
Un cri de détresse pour redevenir attentif
Logique d’en faire le miroir de Simon, lui qui contrairement à d’autres espèces animales qui cheminent depuis la création aux côtés des humains… "On vit aujourd’hui dans un monde fait par les humains, pour les humains, qui n’est plus du tout adapté aux autres espèces, et qui n’engage pas à s’intéresser au monde, à chercher à le connaître. On se déconnecte de plus en plus du vivant."
Une preuve si besoin était: "les enfants ne connaissent plus ce qu’est le chant d’une mésange charbonnière, un cri de détresse, la dispute de deux pies… Pourtant c’est la lecture du monde." Un monde animal dont l’humain est une espèce comme les autres. "Car c’est aussi cela la réalité, nous sommes des animaux. Nous faisons partie de cet environnement", dont on ne fait plus attention.
Son récit, c’est un peu ça: un cri de détresse pour redevenir attentif. Pas une mise en garde "sans valeur de menace, parce que je n’y crois pas à cette “révolte animale" à grande échelle », même si elle se nourrit d’éléments concrets comme le réchauffement climatique qui déboussole les espèces marines, par exemple.
À travers ses personnages, Franck Bessière parle aussi de transspécisme. "Ce n’est pas un choix dans le livre, c’est quelque chose qui s’impose à Simon." Un élément qui ouvre aussi une porte sur la question de la transidentité dans sa manière globale.
"Moi-même n’étant pas transgenre, ou transespèce, on pourrait croire que je moque, je tire le trait, je caricature, ces choses-là, poursuit Franck Bessière. Mais c’est tout le contraire. Ma mère a toujours été très ouverte sur la question, j’ai grandi avec cette ouverture d’esprit et cette question de transidentité. J’ai eu la chance de rencontrer des gens qui étaient en transition. Du coup, j’ai compris pourquoi… Je me suis dit, peut-être que dans un futur, certaines personnes ne se reconnaîtront plus dans le genre humain. Et ça, je pourrais le comprendre."
Reste un vibrant appel à l’écoute. De l’autre, de l’animal et "tout simplement de ses propres sens". Et un témoignage d’amour. "C’est une valeur universelle pour moi, qui transcende la barrière des espèces."
Le Mariage du Loup de Franck Bessière. Tana éditions. 224 pages. 17,90€.
L’auteur sera en dédicace ce samedi 20 septembre à 15 heures, à la librairie Charlemagne à Toulon.
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