Vieillissement et cancer: Ils veulent percer le secret de la jeunesse éternelle des anémones de mer pour améliorer la santé humaine

ILS INVENTENT LE MONDE DE DEMAIN. A Nice, Eric Röttinger, directeur de recherche CNRS, et son équipe étudient les anémones de mer et les coraux. Pour comprendre comment ces organismes marins arrivent à vivre si longtemps et à régénérer leurs cellules aussi rapidement. L'objectif: pouvoir transférer ces découvertes à l'homme d'ici 5 à 10 ans.

Sophie Casals et Franck Fernandes - scasals@nicematin Publié le 30/06/2024 à 08:15, mis à jour le 30/06/2024 à 08:15
reportage

Au 7e étage de la Faculté de Médecine de Nice, il pousse la porte du laboratoire où des coraux et anémones de mer sont maintenus dans de grands aquariums. "Dans cette armoire, nous avons 20.000 petites anémones que nous utilisons pour nos recherches."

Si Eric Röttinger, directeur de recherche (CNRS)*, et son équipe s'intéressent à ces organismes marins, c'est pour comprendre comment ils arrivent à vivre si longtemps et à régénérer leurs cellules si rapidement.

L'objectif: pouvoir à terme transférer ces découvertes à l'homme et ainsi tenter de lutter contre les maladies liées au vieillissement telles que la dégénérescence des tissus.

"Le but, c'est de trouver des moyens de permettre aux hommes de vivre et vieillir en meilleure santé. Mais pas forcément de rallonger l'espérance de vie", pose ce Franco-allemand de 48 ans, fasciné depuis son enfance par la Méditerranée et le monde marin.

En 2013, le chercheur azuréen décroche des financements nationaux et monte au sein de l'Institut de Recherche sur le Cancer et le Vieillissement de Nice (IRCAN - Université Côte d’Azur, CNRS, INSERM), une équipe "Réponse au stress, régénération et longévité", forte de femmes et d’hommes d’origine internationale.
"Nous sommes le seul labo au monde à nous intéresser à l'anémone de mer sur ces thématiques combinées."

Quel est le problème ?

Vieillir en meilleure santé est un enjeu de taille. En effet, en 2050, plus d'une personne sur 3 en France aura plus de soixante ans, contre 1 sur 5 en 2000. Si l’espérance de vie à la naissance s’allonge régulièrement (elle est de 85,7 ans pour les femmes en 2024, et de 80 pour les hommes), ces années supplémentaires ne sont cependant pas toutes nécessairement vécues "en bonne santé".

L’espérance de vie sans incapacité à 65 ans est de 12,6 ans pour les femmes et 11,3 ans pour les hommes, en 2021 (d'après la DREES).

"Le vieillissement est un processus multifactoriel qui ne dépend pas que de la génétique mais aussi du mode de vie et de l'environnement dans lequel on vit, éclaire Eric Röttinger. Et c'est là qu'on arrive à faire le lien avec le changement climatique. L'humain souffre de plus en plus. Face à la chaleur, par exemple, ou à l’augmentation du rayonnement solaire global. Alors comment le corps peut-il s'adapter à ces changements?"

La fascinante longévité des coraux et anémones de mer

L'équipe, composée de chercheurs du monde entier, travaille au sein de l'IRCAN à Nice. Photo Franck Fernandes.

L'équipe d'Eric Röttinger s'intéresse à la façon dont les organismes marins, eux, réagissent.
"Certaines espèces de coraux, et anémones de mer ont une longévité extrême. Ils ont été datés à presque 1000 ans, certains coraux des profondeurs à plus de 4000 ans. Et quant aux anémones de mer, on pense qu'elles peuvent être éternelles."

Elles ont aussi un niveau de résistance à certains facteurs de stress élevé.
"Par exemple, si on se met sur la plage pendant une journée sans protection. On prend un coup de soleil et si on répète ça tous les jours, on a des risques sérieux d'avoir des cancers de la peau."

"L'anémone de mer ou les coraux dans les récifs coralliens sont exposés aux rayons du soleil du matin au soir toute l'année pendant des années mais ils ne développent pas de maladies comme les cancers."
Eric Röttinger, directeur de recherche

"C'est-à-dire qu'ils ont des capacités soit à se protéger, soit à réparer les dommages qui sont causés par ces rayons UV."

Et les chercheurs tentent d'en percer les raisons.
"On pense que les mécanismes de réparation de l’ADN couplé à une capacité régénérative accrue maintenue durant toute leur durée de vie seraient de forts atouts dans cette résistance."

L'exceptionnelle capacité de régénération des anémones de mer

A première vue, la similitude entre un être humain et une anémone de mer ne saute pas aux yeux. Et pourtant. Photo Franck Fernandes.

L'anémone de mer a en effet une aptitude à se régénérer exceptionnelle.

Le chercheur illustre: "Dans l'équipe on travaille sur Nematostella vectensis. On est arrivé à la couper en 10-15 petits morceaux, et chaque morceau est capable de régénérer un polype entier en moins d'une semaine. Donc, on essaie de comprendre les processus moléculaires et cellulaires qui sous-tendent cette faculté."

Ils avancent dans cette quête de connaissance. "On a identifié une structure nécessaire à cette régénération et on creuse pour déterminer quels sont les gènes inducteurs de cette capacité."

Une fois cette étape franchie, "on pourra mettre en place des collaborations avec des collègues de l'IRCAN pour essayer de voir si ces gènes peuvent induire une réponse régénérative chez certains mammifères, par exemple dans le rein de la souris."

Quelles applications pour la santé humaine?

"Il y a à peu près 80% des gènes présents chez l'humain qui sont aussi présents chez l'anémone de mer et organisés de la même façon entre les deux génomes." Photo Franck Fernandes.

S'ils n'en sont qu'aux premières étapes, Eric Röttinger a bon espoir que les travaux de recherche fondamentale de son équipe pourront être "transférés dans d'autres modèles plus proches de l'humain et ensuite voir potentiellement dans le futur des applications biomédicales."

"On travaille avec nos collègues de l'Institut afin de tenter de trouver de nouvelles solutions pour lutter contre des maladies liées à l'âge, comme la neurodégénérescence ou la défaillance de certains organes qui commencent à faiblir avec le vieillissement."

Quand on lui demande à quel horizon, Eric Röttinger répond avec prudence: "Avec un soutien financier nécessaire pour ce projet ambitieux, des applications pourraient être envisageables en 5 à 10 ans".


* Eric Röttinger est également directeur de l'Institut Fédératif de Recherche - Ressources Marines qui regroupe 10 laboratoires et deux formations de l'Université Côte d’Azur dans la thématique marine.

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