La tempête médiatique, les affaires, la course pour se conformer aux standards de lutte contre le blanchiment... Comment l’Élysée observe la tourmente autour de la Principauté?
La question m’est souvent posée et il me paraît important de confirmer le plein soutien du président de la République au prince souverain. Non seulement dans l’amitié de nos traités multiséculaires, mais aussi dans une relation d’estime personnelle et de confiance entre les chefs d’États. La vision qu’a Emmanuel Macron d’Albert II est celle d’un homme moderne, un homme de réformes notamment sur les enjeux de transparence financière. Mais aussi un homme d’idéal et de projets sur de grands enjeux contemporains, particulièrement la protection des océans. Si le Président a cette confiance dans le Prince, c’est aussi parce qu’il a un bilan de pratiquement vingt ans de règne dont on voit les résultats. Vingt ans, ce n’est pas le fruit d’un héritage, c’est le fruit de vingt ans de travail! La croissance extraordinaire de Monaco, cette prospérité, cette capacité d’attractivité, cette concentration de fortunes sont le résultat d’un travail. Et c’est quelque chose pour lequel la France a le plus grand respect. Notre intérêt fondamental c’est évidemment la prospérité et la stabilité de Monaco. Et notre devoir amical est d’être attentif à ses besoins dans le maintien de cette prospérité.
Particulièrement aujourd’hui alors que la Principauté est soumise à l’appréciation de Moneyval et du GAFI en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux?
La France sera toujours aux côtés de Monaco pour l’aider techniquement selon ses besoins exprimés et arriver à se mettre en conformité. Cette démarche est fondamentale dans un contexte géopolitique tendu. Avec la guerre en Ukraine, les États prêtent une attention très forte à tout ce qui peut être contournement de sanctions, sur la Russie en particulier. Et à tous les circuits financiers qui peuvent se prêter à des détournements. L’attente des experts de Moneyval ou du GAFI est plus forte dans un monde qui a changé ces dix dernières années, ce qui explique l’exigence d’aujourd’hui. C’est au prince Albert II que l’on doit l’engagement de la Principauté dans la clarification, dans l’adoption de mesures pour se mettre en conformité avec les normes internationales. On sait que la mobilisation de toutes les institutions monégasques s’est faite sous l’impulsion du Prince. Et le président Macron en est très conscient.
"La volonté et l’engagement de Monaco ne font aucun doute"
L’arsenal législatif est voté. La France, désormais, peut-elle avoir un poids diplomatique ou politique auprès des instances pour témoigner que Monaco opère des changements?
La France fait partie du groupe de travail du GAFI. Sa position vis-à-vis de tout État, est de s’engager à se prononcer selon les mérites propres d’une situation ou d’un dossier. On ne fonctionne pas sur la lutte contre le blanchiment par intervention politique. Ce qu’on peut faire, c’est faire ressortir tout ce qui a été fait. Sur ce point, la volonté et l’engagement de Monaco ne font aucun doute. Je me fais d’ailleurs l’ambassadeur auprès de Paris, de la très forte détermination des pouvoirs publics monégasques à remplir les objectifs. Le gouvernement princier l’a dit, il se battra jusqu’au bout. Et je salue cet engagement. Mais la France se déterminera au mérite propre au moment où le dossier sera présenté au groupe de travail. Si on ne faisait pas ainsi, chaque membre du groupe de travail interviendrait selon des préférences politiques, ce qui fausserait l’évaluation.
Si Monaco atterrit sur liste grise, qu’est-ce que ça changerait à la relation franco-monégasque?
Espérons que le résultat soit positif, mais si le résultat est négatif, cela créerait évidemment des difficultés en termes d’attractivité, de transferts financiers. Le plus important est de tracer un cap. Si la réponse était négative, il faut savoir déjà que l’on peut en sortir. Et l’investissement est tel aujourd’hui que l’on peut objectivement penser que Monaco ressortirait de la liste grise au bout d’un certain délai. Pour la France, Monaco ne sera pas écarté, parce que nous avons une relation d’amitié.
"Plusieurs projets sont sur la table"
Le gouvernement a présenté son plan pour la mobilité. Là encore l’amitié franco-monégasque doit être active pour trouver des solutions, notamment en matière de transport…
Dans nos enjeux transfrontaliers, la question de la mobilité est centrale. C’est un enjeu social pour les salariés qui, tous les jours viennent à Monaco, une question de respect des personnes. Il y a aussi un enjeu économique. Pour apporter les compétences humaines au développement de Monaco, il faut pouvoir aller chercher des collaborateurs et qu’ils puissent se transporter facilement. Il ne m’appartient pas de dire ce qui est souhaitable de faire. Le débat se porte sur des hypothèses de travail entre le territoire de collectivités territoriales et la Principauté. à titre personnel, je pense que la question serait tout autre si la Principauté se saisissait d’un projet, l’étudiait et après étude, estimait que c’est le projet qu’elle veut porter. Nécessairement, l’État français se devrait de se saisir aussi de la question et l’examiner avec la bienveillance à laquelle nous sommes engagés par traité et par amitié.
N’est-ce pas le cas déjà pour la liaison souterraine envisagée depuis la Brasca jusqu’à l’entrée Ouest de Monaco?
En effet, le projet fait l’objet d’une discussion officielle entre les deux États. Plusieurs projets sont sur la table, pour réfléchir aux dix à quinze années qui viennent. À court terme, le télétravail est une réponse rapide pour améliorer la situation. Le déploiement en 2027 de la technologie ERTMS sur la ligne ferroviaire en est une autre. Des résultats ont déjà été observés sur d’autres segments ferroviaires transfrontaliers et notamment entre la Suisse et la France, où le cadencement du Léman Express a été très sensiblement augmenté, de l’ordre de +50%.
Vous êtes en poste en Principauté depuis six mois, quel regard portez-vous sur la communauté des Français de Monaco ?
Elle est une communauté historique qui joue un rôle très important dans l’identité de Monaco. D’abord par la langue française, puis par la participation à l’histoire de Monaco, par son attachement au Prince. Il me paraît évident qu’elle joue un rôle stabilisateur de la Principauté.
Évidemment, le souhait des autorités est que cette communauté puisse se maintenir. Je sais que les conditions matérielles pour exaucer ce souhait ne sont pas données de manière évidente. C’est pour cela que revenir sur l’idée d’un cap, avec des projets structurants, c’est important pour répondre à cette question de l’avenir de la communauté française à Monaco. C’est un travail collectif!
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