Emmanuel Macron vous a nommé, par décret, le 7 juillet dernier, ambassadeur de France en Principauté, avec quelle feuille de route?
Le président de la République m’a nommé juridiquement au Conseil des ministres, mais il m’a nommé aussi personnellement. En me donnant une instruction très simple: le plein soutien au Prince dans la stratégie de clarification qu’il met en œuvre aujourd’hui. Une ligne en pleine cohérence avec l’amitié que la France porte à Monaco et la qualité exceptionnelle de la relation personnelle que le Prince et le Président entretiennent. Ils se parlent, s’apprécient, se respectent.
Cette stratégie de clarification, ce sont les efforts engagés en Principauté, placée sous surveillance du comité Moneyval en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme?
En effet, c’est un sujet qui concerne tout le monde dans un monde globalisé et un sujet extrêmement important pour la réputation, avec aussi des conséquences concrètes qui ne doivent pas être négligées, notamment sur les relations interbancaires. Il faut mesurer le risque concret d’être sur la liste grise de Moneyval pour les personnes qui décident de s’installer en Principauté. C’est un sujet qui peut avoir un côté agaçant ici, qui peut donner l’impression d’intrusion d’une instance internationale dans un modèle qui a ses équilibres et qui fonctionne avec un grand succès économique. Mais, en même temps, c’est vraiment l’intérêt de la Principauté et l’intérêt de la France dans ses relations avec Monaco que tous les efforts soient entrepris pour que la Principauté soit plutôt présentée comme un exemple en matière de lutte contre le blanchiment. Beaucoup de choses ont déjà été faites, je salue l’action du gouvernement, la détermination du pouvoir judiciaire. Je sais l’engagement du Prince sur ces questions. C’est certainement un des sujets, pour le risque réputationnel de Monaco, qui doit être une priorité.
La France peut avoir du poids pour appuyer les efforts de Monaco face aux instances de Moneyval?
La France est en fait engagée dans le dossier très directement puisque le contrôle bancaire est assuré par la Banque de France. Quelque part, la France est aussi concernée car bien des agents publics détachés en Principauté sont d’origine française et que le sort de Monaco, victoire ou défaite, c’est aussi quelque chose où nous porterons une part de responsabilité. Il me semble également que ce n’est pas l’intérêt de la France de laisser croire que dans un pays aussi proche et aussi ami, il y aurait une sorte de complicité. Le souhait profond des autorités françaises, en respectant la pleine souveraineté de Monaco, c’est d’abord la stabilité et la prospérité de la Principauté. Quand Monaco va bien, c’est bon pour la France.
Le 15 septembre dernier, Monaco et la Commission européenne ont suspendu leurs échanges sur un éventuel accord d’association. Vous avez au cours de votre carrière, accompagné les processus d’adhésion de pays à l’Union européenne. Quel conseil pourriez-vous être sur ce dossier?
La France, au plus niveau, a reconnu la légitimité des lignes rouges et les a défendus. C’est peut-être le meilleur témoignage d’une compréhension de la singularité de Monaco et d’un attachement profond. D’autre part, la France respecte la souveraineté de Monaco, et a dit que, quelle que soit la décision de la Principauté, elle serait à ses côtés, comme elle l’a fait tout au long de ces huit années de négociation. Le gouvernement princier a très bien joué la fin de partie de la négociation et a su la suspendre dans les meilleures conditions avec la Commission européenne qui a été, en quelque sorte, assez reconnaissante de la franchise de la Principauté. Ce qui permet de garder les relations ouvertes pour l’avenir. Dans ce cadre, le rôle que nous pouvons avoir à l’ambassade est un rôle technique de conseil, entre les administrations. Mais pas conseil sur le fond de la position. Désormais, il conviendra d’attendre la mise en place d’une nouvelle Commission européenne après les élections du Parlement Européen. Mais la priorité aujourd’hui est très claire : c’est la lutte contre le blanchiment, bien avant la question européenne. En tout état de cause, l’accord d’association n’aurait pas été possible s’il apparaissait, in fine, que la Principauté ne remplit pas les critères de Moneyval. Passer par la question Moneyval, est au fond un préalable à la question européenne.
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