Organiser une rentrée solennelle le jour de naissance de Louis XIV, c’est l’assurance de rayonner. Surtout quand on célèbre soi-même ses vingt ans. Ou plutôt, ses noces de porcelaine avec Menton, comme le souligne la sous-préfète Laura Raynaud. Le campus de Sciences Po était en ébullition, hier, pour le point d’orgue des festivités. Bien que la direction se soit attachée à célébrer tout le long de l’année. "Nous avons commencé en juin, quand dix étudiants ont travaillé à la conférence des Nations unies pour l’océan. Puis quand deux autres ont été invités à monter les marches au festival de Cannes", pose le directeur, Youssef Halaoua. Glissant que deux réjouissances restent à venir, en automne: la participation à un tournoi international de tennis universitaire, et un spectacle des étudiants – spécial 20 ans – au Palais de l’Europe.
Étude, calme et stabilité
Oubliées, les turbulences de l’an dernier? Entre incidents liés au conflit israélo-palestinien et menace de voir le campus quitter Menton… Dans les traditionnels discours de rentrée, jamais elles n’auront été mentionnées. Mais pour qui sait entendre entre les lignes, le message est bien là. L’heure est à réaffirmer l’identité de l’établissement comme "campus de la paix". Et quel meilleur symbole, pour ce faire, de coupler l’anniversaire avec un hommage à Gisèle Halimi [nous y reviendrons dans une prochaine édition]?
Introduit par la maîtresse de cérémonie, Malak Ktata, le directeur de Sciences Po Paris, Luis Vassy, est le premier à invoquer ces valeurs. "Dans l’université, on construit un espace de liberté. Il s’agit de faire cohabiter des points de vue différents. Penser contre soi-même est ici, sur le campus dédié à la Méditerranée et au Moyen orient, une exigence bien plus importante qu’ailleurs. Le diplomate que je suis sait que la paix est en recul. Il est important de comprendre que la conflictualité fait partie du fonctionnement international, sans pour autant renoncer au maintien de l’aspiration à la paix", déclare-t-il.
Concernant l’implantation du campus de Sciences Po à l’extrême est des Alpes-Maritimes, Jeanne Lazarus, la doyenne du collège universitaire, va droit au but. "Sans le soutien des collectivités – mairie, Principauté de Monaco – le campus n’existerait pas. Leur soutien indéfectible est la condition pour être ici à Menton", clame-t-elle. Avant d’adresser un message de responsabilité aux étudiants, cette fois-ci.
"Les grandes crises mondiales nous touchent, l’actualité résonne dans nos murs. Les antagonismes ne restent pas à la porte du campus et peuvent finir par nous déstabiliser. Or, l’étude nécessite calme et stabilité. Nous devons nous appuyer sur les valeurs de l’université: c’est un lieu de connaissance, d’apprentissage, où l’on doit refuser toute intimidation ou ostracisme. Être communauté ne veut pas dire être d’accord, mais se respecter les uns les autres", les apostrophe-t-elle. Incitant à apprendre, argumenter, chercher. À s’inscrire dans un cheminement, aussi. "Ce qui est vrai et convainquant à une époque donnée ne le sera plus forcément demain. Mais cela ne veut pas dire qu’on doit effacer le passé." En ce sens, l’interdisciplinarité offerte par Sciences Po est une chance, d’après elle. Car les élèves pourront s’initier à plusieurs façons de raisonner. Droit, économie, histoire, sociologie. "Vous allez apprendre à prendre du recul, à mettre vos certitudes à l’épreuve. C’est la meilleure manière de respecter la pensée."
Dans la bouche des uns et des autres, on rappelle les maîtres mots de Sciences Po. Excellence et diversité.
"Plus bel ambassadeur"
Le maire de Menton, Yves Juhel, concède que le campus a fait débat. "La longue histoire d’amour entre Menton et Sciences Po suppose des frictions. Mais l’osmose entre Sciences Po, Menton et les Mentonnais est parfaite. Chaque fois, quand il y a eu des problèmes, nous n’avons pris que quelques minutes pour les régler", poursuit-il. Vantant les mérites de la tolérance, dont il faut s’imprégner tous les jours. "Sciences Po est à Menton pour longtemps. Nous avons une chance extraordinaire de vous avoir, vous êtes un des plus beaux ambassadeurs de la ville", conclut-il. Alors que le bail concédé à l’institution vient d’être reconduit pour deux ans.
Invité surprise, le chef triplement étoilé Mauro Colagreco n’est pas là pour parler université. Mais parce que lui aussi célèbre ses vingt ans d’union avec Menton. "J’ai dédié ma vie professionnelle à la comprendre et la mettre en valeur. Elle est pleine de richesse et de confrontation. Entre mer et montagne. Entre Français, Italiens et Monégasques." Le chef en veut pour preuve la guerre sur l’origine des barbajuans. Au rang des conflits internationaux, celui-ci n’est pas à minimiser.
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