Après le Maroc, la Principauté de Monaco. Trois mois après sa prise de fonctions en qualité d’ambassadrice, déléguée interministérielle à la Méditerranée - juste avant la Conférence des Nations Unies sur l’Océan à Nice -, Nadia Hai effectuait ce jeudi sa deuxième visite de travail avec un partenaire majeur de la France.
L’ancienne députée macroniste et ministre déléguée chargée de la Ville a rencontré deux membres du gouvernement princier, dont le nouveau ministre d’État Christophe Mirmand, ainsi que les représentants de l’Institut océanographique et de la Fondation Prince Albert II, Robert Calcagno et Olivier Wenden.
Au terme d’une journée principalement focalisée sur les enjeux environnementaux, et à la veille de sa participation à la rentrée de Sciences Po Menton, Nadia Hai a accordé une interview à Monaco-Matin.
Quel était l’objet de votre visite à Monaco, deuxième pays que vous visitez après le Maroc?
La Principauté est un partenaire très important pour la France, notamment sur les questions environnementales portées de manière très forte par le prince Albert II et qui se traduisent dans l’action que mène aujourd’hui le pays à l’échelle internationale, particulièrement à l’échelle méditerranéenne. Il était donc primordial pour moi de rencontrer les décideurs et acteurs qui œuvrent en ce sens. Mon regard sur l’action de la Principauté dans cette zone est extrêmement positif. Il faut qu’on renforce davantage l’action de Monaco sur ces enjeux-là, qu’on aille beaucoup plus loin, qu’on frappe beaucoup plus fort. On veut se positionner comme un partenaire majeur de toutes les initiatives portées par Monaco et essayer de les accompagner avec tous les mécanismes et outils dont nous disposons.
À travers le programme J-MED, Monaco et la France financent des projets portés par la jeunesse méditerranéenne. En 2025, 15 lauréats ont bénéficié d’une somme totale de 240 000 euros. Comment cela se traduit-il sur le terrain?
À travers ce programme, nous souhaitons sortir des grandes théories et grands discours entendus dans les événements internationaux et avoir une action directe sur le quotidien des jeunes populations. J’ai d’ailleurs réitéré l’engagement de ma délégation dans ce programme franco-monégasque et on va continuer de s’investir à la même hauteur, voire d’aller chercher d’autres leviers de financements pour le porter à une échelle plus importante. Il y a eu, par exemple, tout un axe de travail sur la coopération économique pour promouvoir la place de la femme dans des associations dirigées par des femmes, notamment au Liban dans le domaine de l’éducation et de la formation professionnelle.
D’autres perspectives de coopération ont-elles émergé?
Oui, Monaco a ouvert plusieurs espaces de réflexion sur les enjeux environnementaux avec une volonté d’être moteur dans plusieurs initiatives liées à la préservation de l’espace marin, comme les aires marines protégées. Aujourd’hui, parmi les nouveaux axes que je dégage, il est important de mesurer l’impact des décisions prises sur l’économie, l’emploi et les secteurs d’activité et de réfléchir à la réconciliation entre l’écologie et l’économie. On a souvent confronté l’un et l’autre en les opposant. Il faut ouvrir un espace de dialogue avec le secteur économique sur la prise de conscience des phénomènes environnementaux.
L’ambition de 30% d’aires marines protégées d’ici 2030 - un cheval de bataille de Monaco - vous paraît-elle réalisable?
On sera toujours un partenaire pour porter cette ambition et la réaliser. Il est important de se donner tous les moyens d’atteindre ces objectifs.
Sur le sujet de la préservation de l’environnement, on pointe souvent l’inaction des pouvoirs publics. La clef n’est-elle pas du côté des investissements privés? À Monaco, en juin dernier, le Blue Economy and Finance Forum a permis de répertorier 25 milliards d’euros d’investissements et d’engager 8,7 milliards supplémentaires pour accélérer la transition océanique…
Aujourd’hui, les administrations et États ne peuvent plus avancer seuls et la clef est dans le développement du partenariat public-privé. D’ailleurs, dans tous les projets comme le Blue Mediterranean Partnership ou le pacte pour la Méditerranée, en négociation à la Commission européenne, il y a cette volonté de lever du financement privé.
"La paix ne naîtra que par la paix"
Entre tensions migratoires, transition énergétique et rivalité d’influence entre puissances régionales, la Méditerranée semble être redevenue un théâtre stratégique majeur pour la France?
Oui, ça l’est. Ma nomination à ce poste montre une volonté d’apporter une dimension géopolitique et géostratégique à tous les projets et événements conduits. Il y a un changement de paradigme voulu par le président de la République de voir les pays méditerranéens, et particulièrement de la rive sud, comme des partenaires et qu’on avance d’égal à égal. En tenant compte des intérêts individuels, des besoins des populations avant d’avoir une approche uniquement business. Des événements seront organisés pour embarquer certains pays à la marge dans une dynamique technologique - je pense notamment à l’intelligence artificielle - et ainsi réduire les déséquilibres sur le développement de nouvelles technologies et de nouveaux secteurs stratégiques.
Vous planchez aussi activement sur une réforme pour l’Union pour la Méditerranée…
Cette réforme, soutenue par la France, l’Espagne, le Maroc et l’Égypte, doit faire de cette instance de dialogue un outil de coopération des 43 États membres, dont Monaco, de le rendre plus efficace. Elle est aujourd’hui l’unique instance qui réunit des pays en conflit: Israël et la Palestine y siègent, comme d’autres pays qui connaissent des tensions politiques.
Ce vendredi, vous participerez à la rentrée scolaire de Sciences Po Menton. Allez-vous faire un message, peut-être politique, à ces jeunes de tous horizons? On sait que le conflit israélo-palestinien s’était invité dans l’enceinte de l’établissement…
Je pense que ce n’est ni le moment ni le lieu d’aborder la question de conflits. Le message que j’envoie à cette jeunesse, c’est que la paix ne naîtra que par la paix et il faut donc que chacun ouvre des espaces d’échange, de dialogue, de discussion pour essayer de résoudre ces conflits et que cela ne doit pas avoir un impact aussi direct sur les populations et les différentes diasporas, particulièrement dans les enceintes d’éducation et d’apprentissage. Il y a une nécessité d’apporter un peu de sérénité et de calme dans un conflit dramatique, qui a déjà une répercussion très grave dans la région, et d’éviter que ces répercussions arrivent jusqu’ici pour créer une fracture entre les jeunes générations. La paix doit aussi venir des jeunes et cela nécessite de résoudre ce conflit, d’apporter une réponse politique à un conflit qui n’a que trop duré. Cette conférence, qui va être présidée par l’Arabie Saoudite et la France, est une bonne étape.
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