80 ans de "Nice-Matin": de "Combat" à "Nice-Matin", la véritable histoire

Chaque samedi, nous vous proposons un focus sur un événement ou une personnalité qui a marqué l’histoire de "Nice-Matin". Aujourd’hui : pourquoi a-t-on fêté les 50 ans du journal en 1994 et les 80 ans en 2025 ? Pour faire oublier une période de grande tension…

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Lionel Paoli Publié le 06/09/2025 à 09:15, mis à jour le 06/09/2025 à 09:36
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En 1951, la diffusion de "Nice-Matin" approche 92 000 exemplaires. En 1964, elle dépasse 196 000 sur une zone de diffusion élargie à Monaco, au Var, à la Corse et aux "Basses-Alpes". Photo archives N.-M.

Pour raconter l’histoire de Nice-Matin, il faut d’abord éclaircir un mystère : pourquoi a-t-on fêté les 25 ans du journal en 1969, les 50 ans en 1994 et les 80 ans… en 2025 ? Le quotidien, à l’instar de certaines douairières botoxées, a-t-il brusquement rajeuni avant de devenir octogénaire ? Que nenni. Le premier numéro a bien été livré dans les kiosques le 15 septembre 1945. Mais pendant plusieurs décennies, on a considéré que la véritable "naissance" du journal remontait à septembre… 1944.

L’aventure commence, en réalité, au printemps 1944. Une poignée de résistants, issus du mouvement Combat et du MRPGD (1), lancent un journal clandestin. Les premiers numéros de Combat de Nice et du Sud-Est sont diffusés sous le manteau (2).

On trouve, dans l’équipe des débuts, des personnalités comme Pierre Merli, futur maire d’Antibes ; Jacques Cotta, bientôt maire de Nice ; Claude Bourdet, Pierre Savigneau, Paul Draghi ainsi que deux hommes de caractère : Raymond Comboul, l’un des chefs de la Résistance maralpine, et Michel Bavastro, ancien journaliste à L’Éclaireur de Nice.

Les 7 et 8 septembre 1944, en application du droit d’exception sur la presse, ils obtiennent l’autorisation de faire paraître leur quotidien. Le préfet leur attribue les locaux, le mobilier et le matériel du Petit Niçois, dont les biens ont été placés sous séquestre (3). Paul Draghi obtient, simultanément, le feu vert pour publier L’Espoir, imprimé sur les mêmes rotatives.

Luttes de pouvoir

Dans cette période troublée, où les journaux se multiplient, Combat se distingue rapidement. Fin 1944, son tirage atteint 70 000 exemplaires, ce qui le place au sommet du podium régional. Mais, dès le printemps 1945, des divergences surgissent entre les fondateurs, qui dégénèrent en luttes de pouvoir sur fond de rivalités politiques.

En juin, le titre cesse de paraître.

Il est "remplacé", le 15 septembre, par Nice-Matin qui se présente comme "le successeur de Combat et de L’Espoir du Matin." La réalité est plus complexe ; certains administrateurs issus du réseau Combat, jugés indésirables, ont été écartés sans ménagement (4). Mais cette version simplifiée des faits va devenir, au fil des ans, la seule vérité. Les tensions originelles sont gommées du récit historique. Ce qui explique que les grands anniversaires de Nice-Matin aient été fêtés avec un an d’avance pendant plus d’un demi-siècle – comme si les deux journaux n’avaient jamais fait qu’un.

Conviction et pragmatisme

En 1949, alors que la pagination est toujours limitée en raison des restrictions de papier, le tirage du quotidien atteint 89 000 exemplaires. Tous les voyants sont au vert.

C’est pourtant cette année-là, alors que Nice-Matin rachète L’Espoir de sensibilité socialiste, que le premier p.-d.g. Paul Draghi est évincé au profit de Michel Bavastro. L’ancien directeur administratif, qui prend les commandes pour les 47 années à venir, dope les ventes et les rentrées publicitaires en droitisant la ligne éditoriale – autant par conviction que par pragmatisme. Les résultats sont spectaculaires. En 1951, la diffusion frôle 92 000 exemplaires. En 1964, elle dépasse 196 000 sur une zone de diffusion élargie à Monaco, au Var, à la Corse et aux « Basses-Alpes » (5).

Trois ans plus tard, le dernier concurrent de Nice-Matin dans les Alpes-Maritimes – Le Patriote de Nice et du Sud-Est – disparaît des kiosques. Il ne reparaît que quelques mois plus tard, avec un rythme hebdomadaire, sous le nom de Patriote Côte d’Azur.

Au début des années soixante-dix, alors que l’édition vespérale est abandonnée (6), Bavastro prépare le déménagement de l’entreprise vers la route de Grenoble, afin d’informatiser progressivement toute la chaîne de production. Les premiers journaux imprimés en offset paraissent en février 1977. Le 1er mai 1979, les locaux de l’avenue Jean-Médecin sont définitivement abandonnés. Une page se tourne.

La fracture de 1998

En interne, alors que les années soixante-dix marquées par "l’esprit post-68" avaient été chahutées sur le plan social, la décennie suivante démarre plus sereinement. L’élection de François Mitterrand ne bouleverse ni le paysage politique azuréen, ni les habitudes d’un « patron » qui prend de l’âge, mais reste résolument tourné vers l’avenir.

La véritable fracture intervient en 1998. Michel Bavastro, qui a dépassé les 90 ans et vient d’apprendre que son fils aîné est condamné par la maladie, vend ses parts au Groupe Hachette. Une nouvelle ère commence.


1. Mouvement de Résistance des Prisonniers de Guerre et Déportés.
2. Les trois premiers numéros, non-datés, ont été diffusés fin août. Le huitième, daté du 8 septembre, est le premier "officiel".
3. Le patron du Petit niçois, Albert Lejeune, fut un des seuls patrons de presse, avec Jean Luchaire, à être exécuté à la Libération.
4. En 1970, d’anciens membres du mouvement Combat ont revendiqué la propriété du titre Nice-Matin devant le tribunal de commerce. Ils ont été déboutés après cinq ans de bataille judiciaire et juridique.
5. Le département a été renommé "Alpes-de-Haute-Provence" en 1970.
6. L’Espoir s’interrompt le 31 décembre 1972. Sous la direction éditoriale d’Alain Lefeuvre, il est transformé en hebdomadaire – L’Espoir hebdo – jusqu’au 6 avril 1974.

Pendant un demi-siècle, la date de création de "Nice-Matin" a été confondue avec celle de "Combat de Nice et du Sud-Est" issu de la clandestinité. Repro L. P..

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