Pratiquement un an jour pour jour après avoir été placé sur liste grise du Groupe d’action financière (GAFI) en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, voilà Monaco pointé cette fois par la Commission européenne qui a annoncé ce mardi le placement de la Principauté parmi sa liste de pays "à haut risque" en matière de blanchiment d’argent.
Bruxelles a choisi de suivre la même ligne que le GAFI qui, en juin 2024 à Singapour lors de sa réunion plénière, demandait à Monaco de "combler des lacunes stratégiques" notamment en termes d’enquêtes, de sanctions, de confiscations des produits du crime ou encore des moyens qu’elle accorde à sa Justice.
Dans un communiqué diffusé mardi en fin de journée, rédigé de telle manière que l’expression "pays à haut risque" n’apparaît jamais (méthode Coué?), le gouvernement princier annonce "prendre acte" de la décision. Ajoutant d’emblée un bémol, précisant que cette mise à jour sera actée si "toutefois le Parlement européen ou le Conseil de l’UE n’en décident pas autrement."
Dans une dépêche, l’AFP indique que "les eurodéputés et les États membres peuvent en effet contester cette nouvelle liste dans un délai maximum de deux mois". Après une visite d’État qui a célébré l’amitié franco-monégasque, où Emmanuel Macron a rappelé que la France sera toujours aux côtés de Monaco, Paris pourrait influer sur cette situation. Peut-être?
Autre option, le président du Conseil national Thomas Brezzo, accentue depuis plusieurs mois un lobbying auprès des élus européens pour militer pour les spécificités nationales. Un atout qu’il a mentionné hier soir, rappelant que "tout en tirant parti de la qualité des liens interparlementaires établis avec mes homologues au cours des derniers mois pour faire valoir la voix de Monaco, je m’engage à ce que l’Assemblée reste pleinement mobilisée aux côtés du gouvernement qui devra prendre les dispositions nécessaires pour démontrer l’effectivité de notre dispositif de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme afin d’obtenir, dès juin 2026, la sortie de la liste grise du GAFI."
Conséquence automatique?
Sur le Rocher, on veut croire à un orage passager. Et la position du gouvernement princier - pour l’heure - semble vouloir désamorcer une situation qui inquiète l’attractivité du pays. C’est ce qui transparaissait déjà dans les propos du conseiller de gouvernement-ministre pour l’Économie et les Finances publiques, Pierre-André Chiappori, qui avait pris la parole, mercredi dernier, aux premières rumeurs précisant que "les derniers rapports, y compris de l’OCDE, nous considèrent plutôt comme de très bons élèves. La liste européenne est mise à jour de façon régulière et de façon quasi automatique pour faire suite aux évolutions de la liste dite grise. La décision qui pourrait venir de l’Union européenne serait la conséquence automatique de cette décision du GAFI. Nous espérons que la sortie de la liste européenne, si nous devions y rentrer, serait aussi automatique."
Depuis Bruxelles, la décision actée ce 10 juin semble vouloir dire au "bon élève" monégasque, que les efforts sont encore à faire. La Commission européenne a placé dans sa liste de pays à haut risque sous surveillance accrue: l’Algérie, l’Angola, la Côte d’Ivoire, le Kenya, le Laos, le Liban, la Namibie, le Népal, le Venezuela et Monaco.
Elle a par ailleurs retiré les Émirats arabes unis, mais aussi la Barbade, Gibraltar, la Jamaïque, le Panama, les Philippines, le Sénégal et l’Ouganda. "L’identification et la liste des juridictions à haut risque demeurent un outil essentiel pour préserver l’intégrité du système financier de l’UE", a souligné Maria Luís Albuquerque, la commissaire européenne en charge des services financiers, citée par l’AFP.
Un point d’étape dans la semaine
Hier soir, le gouvernement monégasque a tenu à réaffirmer "l’engagement permanent des services et autorités concernés par la mise en place des actions convenues avec le GAFI." La cible en vue est la sortie de la liste grise à courte échéance. "Un point d’étape sur les progrès déjà réalisés interviendra lors de la prochaine plénière combinée GAFI-Moneyval à Strasbourg." La réunion a démarré hier et doit se poursuivre jusqu’au 13 juin. Sur place, le gouvernement princier fera valoir "les résultats de ses efforts déployés" les derniers mois avec notamment le vote d’un arsenal législatif et d’une mise en conformité de différentes strates dans le pays, "ce qui a permis de porter le nombre des recommandations (règles du GAFI) notées de manière positive à 39 sur un total de 40 recommandations."
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