Grand déballage à Monaco: mais qu’est-ce qui pousse l'ancien administrateur des Biens du Prince, Claude Palmero, à aller aussi loin?

Après avoir saisi la Cour européenne des Droits de l’Homme, l’ex-administrateur des Biens du prince de Monaco commente et livre des secrets princiers dans les colonnes du Monde. Pourquoi ?

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Thomas Michel Publié le 24/01/2024 à 15:07, mis à jour le 24/01/2024 à 19:13
Si ses dernières sorties dans la presse dépassent son combat initial, Claude Palmero est déterminé à redorer son image via les médias. Capture d’écran France TV

Le 6 juin 2023, un mois pile avant ses 67 ans, Claude Palmero était invité à prendre la porte du Palais princier après 22 années au service de la famille Grimaldi. Le lendemain, le prince Albert II saluait sobrement "le professionnalisme dont il a fait preuve tout au long des années passées au sein de l’Administration de (s) es biens et de la Maison Souveraine".

"Né fortuné, grâce à l’héritage paternel, qu’il a su faire fructifier", comme Le Monde le rappelle, le discret Claude Palmero aurait alors pu tourner la page et vivre une paisible retraite au soleil. Les pieds en éventail, délesté de son costume anthracite et sa calculette.

Mais aux premiers jours de l’été, le Prince évoquait une confiance rompue dans la presse. La goutte d’eau? L’affaire dite des "Dossiers du Rocher" et l’absence de réponses convaincantes de son administrateur des Biens, suspecté d’ourdir dans son intérêt personnel, notamment sur des questions immobilières. Odieux selon l’intéressé qui, selon nos informations, aurait mis de l’eau dans son vin à condition d’obtenir un rétropédalage du Prince en tête-à-tête. En somme, que le Souverain lui présente des excuses. Trop tard pour ce dernier, qui aurait aussi été heurté par la manière dont Claude Palmero, blessé, se serait adressé à lui dans son bureau.

"Claude Palmero, c’est Monte-Cristo"

L’amour-propre en berne, Claude Palmero se tournait, en vain, vers le Tribunal Suprême de Monaco. Et, dans l’attente que la Cour européenne des Droits de l’Homme n’étudie son recours, poussait les portes du tribunal médiatique au point, aujourd’hui, d’être au cœur d’une virulente croisade contre la famille princière, dans laquelle - presque - tous les coups sont permis. "Nos limites sont celles des droits de la personne au sens de la loi, et de l’intimité des membres de la maison souveraine au sens de la morale", précise à Nice-Matin l’un de ses avocats, Me Pierre-Olivier Sur.

Mais pourquoi un tel acharnement? "Palmero, c’est Monte-Cristo. Pour l’intérêt général", résume l’ex-bâtonnier de Paris, concédant n’avoir pas encore percé tous les secrets de la psyché de son client. Avocate "historique" de Claude Palmero, engagée dans sa défense dans l’affaire des "Dossiers du Rocher", Me Marie-Alix Canu Bernard l’assure: son client était disposé à passer à autre chose après son éviction. "Être limogé sans ménagement, M. Palmero pouvait s’y résigner en dépit des promesses faites, mais certainement pas accepter d’être sali et humilié sans raison." Référence aux prises de parole du prince Albert II aux premiers jours de l’été, notamment le 12 juillet dans les colonnes du Figaro lorsque le Souverain annonçait avoir "diligenté un audit, auprès d’un cabinet neutre qui n’a aucune attache dans la Principauté, pour faire toute la lumière sur cette histoire".

Ex-HEC décrit comme un austère comptable qui, bien que richissime, montait chaque jour sur le Rocher au volant de sa Clio, Claude Palmero aurait alors décidé de rendre coup pour coup. Quitte à prendre la lumière. "Mon client attendait, en retour de la confiance dont il bénéficiait, un peu plus de considération", confie Me Sur, niant tout enrichissement personnel et rappelant que son client agit aussi au nom de son père, André, dont il avait poursuivi l’œuvre auprès de la famille princière.

Des révélations qui diluent le propos

"Il a toujours agi en toute transparence et confiance, au vu et au su de ses mandataires", oppose Me Canu-Bernard à l’avocat du prince Albert II, Me Jean-Michel Darrois, qui, dans Nice-Matin, révélait avoir dû enclencher des plaintes pour obtenir la restitution du patrimoine des Grimaldi. "Même si des explications arrivent avec retard, les faits restent juridiquement constitutifs d’un abus de confiance. Et nous n’avons pas encore les explications sur tout."

Aujourd’hui, les deux parties seraient en passe de boucler leurs différends financiers

Jusqu’ici inaccessible pour Nice-Matin, Claude Palmero a entre-temps accordé audience et ouvert les vannes face aux journalistes du Monde, Gérard Davet et Fabrice Lhomme. Sans bien sûr maîtriser quelles révélations seraient couchées sur le papier. Alors qu’il était monté à la charge pour laver son honneur et dénoncer un système de corruption à Monaco, Le Monde a jusqu’à présent choisi de révéler les dépenses et secrets de la famille princière ce lundi et, mardi, le rôle d’espion du comptable grâce à des fonds spéciaux

"Si Claude Palmero a accepté de répondre aux questions contradictoires des deux journalistes d’investigation, Messieurs Gérard Davet et Fabrice Lhomme, c’est uniquement dans une volonté de rétablir la vérité par rapport à la campagne surréaliste de dénigrement dont il est l’objet depuis juin 2023 et parce que les journalistes avaient été abreuvés de calomnies et de fausses informations", s’excusaient presque les avocats de Claude Palmero mardi, bien conscients que leur propos originel se diluait dans ce flot de révélations.

Pour autant, la boîte de Pandore est ouverte et la marche arrière de la Clio cassée. Des cadors de la presse internationale seraient en effet sur le dossier depuis des mois, attendant leur tour pour rentrer dans l’arène. Qu’il semble loin le temps où Claude Palmero tirait les cordons de la bourse dans l’anonymat de son bureau du Palais, s’arrangeant d’une Constitution monégasque qu’il entend aujourd’hui dénoncer devant l’Europe.

Le Monde révèle des missions secrètes effectuées par Claude Palmero

Ce mardi, Le Monde a publié le deuxième de ses quatre volets d’articles dédiés à Claude Palmero. À l’origine de ces révélations, cinq carnets de bord tenus par l’ex-administrateur des Biens de la famille princière, auxquels les journalistes Gérard Davet et Fabrice Lhomme auraient eu accès avant de confronter leur contenu à leur auteur.

"Ces cahiers lui avaient été confisqués par les autorités de police/justice pendant deux à trois semaines, à l’issue d’une perquisition à son domicile et ses bureaux", précisent ses avocats.

Après un premier article concernant les dépenses et secrets de la famille princière lundi. Hier, ce sont les missions secrètes confiées à Claude Palmero et financées par des fonds spéciaux qui étaient mises au jour.

Claude Palmero gérait ainsi un budget d’environ 150.000 euros par an - "jusqu’à 600.000 euros, en fonction des urgences", pour financer des "activités parallèles". L’argent était donné en partie "à des policiers monégasques" pour « des enquêtes en dehors de tout cadre procédural", ou "pour rémunérer des informateurs".

"Claude Palmero avait le contrôle de ces comptes, qu’il utilisait de sa propre initiative. S’il a rémunéré des informateurs, il n’en a jamais parlé au Prince, qui désapprouve ce genre de pratiques", a répondu au Monde Me Jean-Michel Darrois.

Selon Claude Palmero, ce fonds spécial aurait notamment permis d’enquêter sur Dmitry Rybolovlev ou encore le juge Edouard Levrault.

Ces fonds spéciaux auraient, par épisodes, permis de contribuer au mariage princier ou régler une affaire de photos "compromettantes". Faux, selon Me Darrois.

"Le Prince n’a jamais rien demandé de tel à M. Palmero - il n’approuve pas de telles démarches - et, de surcroît, n’a jamais eu connaissance d’avoir fait l’objet de demandes d’argent en de telles circonstances."

Les comptes presque à jour

Le 13 janvier dernier, l’avocat du Prince, Me Jean-Michel Darrois, confirmait à Monaco-Matin qu’une "très grande partie du patrimoine de la famille princière" avait été restituée par Claude Palmero, notamment après le dépôt d’une plainte pour vol et abus de confiance en septembre par le Prince et ses sœurs.

Ce mardi, Maîtres Marie-Alix Canu-Bernard et Christophe Llorca ont précisé à Monaco-Matin la façon dont travaillait leur client, Claude Palmero et la façon dont ont été restitués les fonds.

"Dans le cadre de la gestion des fonds qui lui étaient confiés, M. Palmero, comme tout bon gestionnaire de fortune, procédait par alignement d’intérêts avec ses fonds personnels, prenant ainsi les mêmes risques que ses mandants. Rien bien sûr qu’on ne puisse lui reprocher [...] Il a fallu que M. Palmero cède la société qu’il avait créée [Janus, ndlr] et que ses propres avoirs lui soient restitués. C’était techniquement complexe et long au regard des investissements effectués. Aujourd’hui bien entendu la famille princière est en possession de l’intégralité de ses différents avoirs. La famille princière reste encore à lui devoir un montant substantiel, au titre du remboursement des frais avancés par notre client et qu’il a continué à assumer après son éviction, dans l’attente de la reprise des engagements pris auprès des tiers."

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