"Il donnait l’impression de glisser": retour sur l’accident de 1932 qui a mis fin au train mythique reliant Monaco à La Turbie
Alors que l’accident de la crémaillère Monaco – La Turbie en 1932 avait marqué les esprits, le drame du funiculaire de Lisbonne, ravive aujourd’hui la mémoire de ces catastrophes.
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André PeyregnePublié le 06/09/2025 à 15:00, mis à jour le 06/09/2025 à 15:00
Le 8 mars 1932, en pleine côte, le convoi repart en arrière. En peu de temps, il prend une vitesse folle, atteint les 80 km/h. Photo drCrédit photo Web uniquement
C’était une fierté du tourisme local: le train à crémaillère de Monaco à La Turbie.
Le projet datait du milieu du XIXe siècle, lorsque la nouvelle ville de Monte-Carlo venait de naître avec son casino, ses grands hôtels là où jadis s’étendaient les champs et les vergers, et où paissaient chèvres, vaches et moutons.
Il fallut pourtant attendre 1894 pour que le projet soit réalisé.
Le petit train était composé d’une locomotive et d’un wagon. Pendant quarante ans, on vit son panache de fumée gravir la pente au milieu des oliviers, avec une lenteur de sénateur: sept kilomètres à l’heure.
Il était lent, parfois capricieux mais... présenté comme sûr. Il faisait partie du paysage. On l’aimait.
Une jolie affiche de la compagnie des Chemins de fer P.L.M. - comme il y en avait beaucoup de très belles à l’époque – faisait sa publicité dans toute la France.
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Vingt minutes de trajet
Le petit train partait d’une gare située au-dessus des jardins du Casino, à deux pas du boulevard du Jardin exotique, près du Palais Gallia.
Il franchissait l’actuelle place de la Crémaillère à Beausoleil, suivait la montée du même nom (la Crémaillère) et s’attaquait à la montée en direction de La Turbie, gravissant la pente avec obstination au-dessus du lieu-dit la Bordina, accomplissant une courbe élégante sur un viaduc de pierre avant d’atteindre son terminus.
Les deux kilomètres et demi du trajet étaient parcourus en une vingtaine de minutes. 200m au-dessus de la gare de Monte-Carlo se trouvait une dérivation qui permettait d’amener les riches voyageurs (par l’actuelle rue de la Crémaillère) à la porte du somptueux hôtel de l’époque, le Riviera Palace à Beausoleil.
Pour les habitants de La Turbie, la crémaillère était devenue une ligne vitale, les reliant avec Monaco pour le travail, les affaires, le commerce.
Le petit train transportait non seulement les ouvriers mais aussi, en première classe, les touristes chics et les dames endimanchées. Ils découvraient l’un des plus beaux trajets panoramiques de la Côte.
À l’époque où l’automobile était rare, le petit train représentait une certaine modernité au cœur de la Riviera de la Belle Époque.
Le train avant l’accident couvrait deux kilomètres et demi de trajet. DR.
Cinq passagers à bord
Mais le 8 mars 1932, c’est le drame. Le premier train du matin part de Monaco à 8h avec le wagon poussé par la locomotive. Ce matin-là, il n’y a que cinq passagers pour monter vers La Turbie – tous en seconde classe.
Au retour, depuis La Turbie le wagon est prévu pour être plein. Le train a parcouru 200 mètres au-delà de l’embranchement vers le Riviera Palace et a franchi une courbe en aval de l’actuel boulevard Maréchal-Foch lorsque la vitesse ralentit.
Le train s’arrête. Le convoi en pleine côte repart alors en arrière.
En peu de temps, il prend une vitesse folle, atteint les 80km/h. "Le train donnait l’impression de glisser", diront plus tard des ouvriers qui se trouvaient au bord de la voie.
Au niveau de l’aiguillage, le wagon sort des rails. Il poursuit sa course en rebondissant sur le sol. Un passager est éjecté. Un autre est grièvement blessé.
Dans la locomotive, le conducteur lui aussi, a été éjecté tandis qu’il manœuvrait le frein de secours. Aux commandes, il ne reste que le mécanicien, François Tansini.
Le convoi est hors de contrôle. Le mécanicien ne peut plus rien faire. Un bruit affreux. Le wagon finit sa course en s’encastrant dans le mur de la gare de Monte-Carlo. La locomotive, elle, chute trois mètres en contrebas du quai.
Le mécanicien trouve la mort aux commandes de sa machine. Des témoins raconteront à L’Éclaireur de Nice"avoir aperçu le mécanicien affaissé, tenant son frein à la main, la tête ouverte, la poitrine défoncée".
Cet Italien qui était en service depuis trente-deux ans devait prendre sa retraite le mois suivant.
Le bilan officiel fera état de deux morts sur le coup – le conducteur, le mécanicien – tous les passagers blessés dont un, grièvement, qui mourra plus tard.
L’enquête conclura à une rupture du pignon du mécanisme de crémaillère. L’exploitation de la ligne fut immédiatement suspendue. Elle n’a jamais repris.
C’était il y a près d’un siècle. Lorsqu’on se promène aujourd’hui dans les rues ou les places de la Crémaillère à Beausoleil ou à La Turbie, on a oublié l’existence de ce train qui faisait la joie du tourisme de jadis et termina sa course en un terrible drame.
Sur le moment, toute la presse régionale et française parla de l’accident. Comme on parle avec consternation de la tragédie de Lisbonne…
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