Crise du logement : peut-on encore trouver des solutions?

Dans une étude publiée récemment, l'Institut Montaigne fait état de la toujours plus difficile accession au logement par les classes moyennes. En cause, l'insuffisance de l'offre, l'absence de politique adéquate, une société toujours plus fragmentée… Mais des solutions existent! Christophe Robert et Francis Vernède, respectivement délégué général et directeur PACA de la Fondation pour le Logement font le point et esquissent des pistes de réflexion.

Flora Zanichelli Publié le 13/09/2025 à 10:00, mis à jour le 15/09/2025 à 15:46
Le manque de logements, notamment sociaux, pénalise toute une frange de la population, particulièrement fragilisée par la crise. Sébastien Botella

Aujourd'hui, le logement est devenu le premier poste de dépenses des ménages. "C'est un des premiers sujets de préoccupation", constate Christophe Robert, délégué général de la Fondation Logement. Comment faire face alors que la précarité ne cesse de gagner du terrain, fragilisant les ménages? 

Un sujet toujours plus clivant

En moyenne, le logement représente 30% des dépenses des ménages. "Pour les ménages les plus modestes, cela monte même jusqu'à 40 à 50%", poursuit Christophe Robert. Cette hausse de la part du logement dans le budget des Français s'explique notamment par une baisse du nombre de logements construits. "En 2017, 430 000 logements ont été construits, constate encore le délégué général de la Fondation logement. En 2024, soit 7 ans plus tard, ils n'étaient plus que 265 000." Si on ne s'intéresse qu'aux logements sociaux, on en décompte 125 000 en 2016 contre 86 000 en 2024. Soit un peu plus d'un tiers en moins. 

Une crise qui ne date pas d'hier mais remonte à il y a déjà vingt ans, juge Christophe Robert. "Il y a eu un abandon de la politique du logement, juge-t-il. Associé à une chute de la construction." Coûts des chantiers en hausse en raison de la guerre en Ukraine, absence de politiques publiques incitatives, réduction des loyers solidaires… de nombreuses mesures ont pesé sur la situation du logement en France. Sans compter la société qui change, avec des ménages plus petits et plus nombreux, liés, notamment, à la multiplication des séparations. "Pour loger le même nombre d’habitants, il faut plus de logements qu’auparavant, et donc une surface habitable totale plus grande", constatait ainsi la Caisse des dépôts, dans une étude sur la dynamique du logement dans l'Hexagone depuis 2018.

Avec des conséquences non négligeables : "Le coût du logement pèse tellement sur les ménages qu'on voit des gens qui ne se chauffent plus, qui négligent d'autres dépenses", constate encore Christophe Robert qui ajoute : "Nous constatons de plus en plus d'expulsions." Le logement, facteur d'inégalité? 68% du parc immobilier est entre les mains de 24% des Français, constatait l'Institut Montaigne, dans une étude entièrement dédiée au sujet publiée à la fin de l'été. 

Des tensions spécifiques au Sud

A cela, ajouter que le Var et les Alpes-Maritimes, s'ils sont différents, partagent une façade maritime caractéristiques : la cherté des loyers lié, notamment, au phénomène de l'"héliotropisme", qui les rend très attractifs. "Du monde vient s'installer ici avec un effet, forcément, sur les loyers, constate Francis Vernède, directeur PACA de la Fondation Logement. Il poursuit : "La cherté des loyers a des effets immédiats : les gens baissent leur niveau d'exigence et vont donc vivre dans des espaces plus étroits, pas aux normes…" Sur la Côte d'Azur, l'habitat indigne est assez important. "Sans oublier que nous sommes sur l'un des territoires les plus carencés de France où les communes ne créent pas beaucoup de logements", explique encore Francis Vernède.

Un constat qui n'est pas une fatalité, veut croire l'observateur, par ailleurs sociologue qui prend volontiers l'exemple de Paris, dont il salue les efforts en la matière. "Dans le parc social, les efforts réalisés par la Ville ont été considérables : Paris est passée de 13,4% de logements sociaux et intermédiaires en 2001 à plus de 25% en 2024", rapportait ainsi la Fondation Jean-Jaurès. "Dans le sud, explique encore Francis Vernède, on paie le prix de décisions prises il y a 15 ans, celle d'avoir éclaté le foncier pour des zones pavillonnaires pour faire des villas avec piscine." Une décision qui n'a plus permis la construction de logements permettant de loger les ménages aux revenus plus faibles mais pourtant essentiels au développement de la région. "Comme les infirmières, les saisonniers de la restauration…"

Le cri d'alarme des observateurs dans une conjoncture peu favorable

Une situation qui inquiète. "Le cercle des "victimes" de la crise du logement s'élargit, constate Christophe Robert. C'est le jeune qui veut prendre son envol mais ne peut pas, le couple qui se sépare…" En 10 ans, constate la Fondation, le nombre de personnes sans domicile a doublé. Autrefois préservées, les classes moyennes peinent à joindre les deux bouts et les "dépenses liées au logement" se multiplient. Des mauvaises conditions d'habitat qui impactent forcément les conditions de vie et le moral de ceux qui les subissent. 

"Dans certaines régions, où les loyers sont particulièrement élevés et l'accession à la propriété particulièrement compliquées, les gens ne veulent même pas venir s'installer et pensent : "Si je viens ici, je vais m'appauvrir". Une inquiétude qui touche de plus en plus de Français. "Nous voyons de plus en plus de gens qui glissent doucement vers la pauvreté, en silence, constate Francis Vernède. Ce sont des gens qui vont rogner sur la nourriture, accepter des conditions de vie moins bonnes… les mal-logés ont souvent honte de leur situation." Une problématique toujours plus complexe qui pourrait, à terme, "faire vaciller les fondements de la République", alerte encore Francis Vernède. 

Repenser le logement et son accession, quelques dispositifs à surveiller

Pour répondre à la crise du logement, plusieurs leviers complémentaires peuvent être mobilisés. Des solutions innovantes comme le bail réel solidaire, un dispositif innovant qui permet d’acheter son logement à un prix réduit, en dissociant la propriété du bâti de celle du terrain, ou la propriété progressive, comme la location accession, offrent de nouvelles formes d’accès à la propriété. Le logement social doit aussi être revalorisé : il joue un rôle essentiel dans la vie locale, d'autant plus à l'heure où les ménages sont fragilisés, par les aléas de la vie mais aussi un coût de la vie qui a considérablement augmenté.

Changer le regard porté sur ce secteur, longtemps marqué par des représentations négatives, est indispensable, afin d'encourager les élus à prendre des dispositions fortes en matière d'habitat social. Dans les territoires contraints, la réhabilitation de l’existant et des dispositifs hybrides comme les pensions de famille apportent des réponses concrètes. Comme à Cagnes-sur-mer où une ancienne villa va être rénovée et une pension de famille verra le jour, d'ici début 2026. Enfin, l’encadrement des loyers, déjà expérimenté avec succès dans certaines grandes villes, pourrait être étendu pour limiter la flambée des prix.

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