"Il y a une vie incroyable juste au bord de l’eau": Jean-Vincent Vieux-Ingrassia photographie la faune et la flore des petits fonds
Vigie de l’0céan (5/10). L'Azuréen Jean-Vincent Vieux-Ingrassia photographie la faune et la flore marine à moins d'1,5m de profondeur. Son objectif: susciter l’étonnement et amener à plus de respect de la nature sauvage. Rencontre baie des Fourmis à Beaulieu-sur-mer.
Sophie Casals-scasals@nicematin.frPublié le 02/05/2025 à 08:18, mis à jour le 26/05/2025 à 10:12
photos
Jean-Vincent Vieux-Ingrassia photographie les espèces qui vivent au bord de l’eau, juste à nos pieds.Photo Jean-François Ottonello
Il a le regard bleu. Comme la Méditerranée qu’il explore sans relâche depuis plus de 10 ans. A la recherche des plus beaux clichés d’espèces animales et végétales.
En cette fraîche matinée de printemps, Jean-Vincent Vieux-Ingrassia, 31 ans, s’apprête à plonger dans la baie des Fourmis à Beaulieu-sur-Mer, au pied d’un luxueux hôtel 4 étoiles.
Masque et tuba suffisent. "J’ai choisi de me concentrer sur les petits fonds, entre 20 cm et 1,5 mètre. Il y a une vie incroyable là, juste au bord de la plage."
Il regarde le ciel, la surface de la mer, assez calme pour que la houle ne perturbe pas ses prises de vue. C’est une bonne journée, il va pouvoir plonger.
Le déclic d’une passion
S’il a appris enfant à nager en mer et aimé ce contact avec le milieu marin, son intérêt pour la vie qu’elle abrite a été plus tardif. "Il a fallu attendre la Fac, j’ai eu à Nice des professeurs passionnants,Patrice Francour malheureusement décédé et Paolo Guidetti, biologiste marin."
Ces mentors, spécialistes des systèmes côtiers méditerranéens, lui transmettent leur savoir.
"La passion est partie de là, de ces rencontres. Très vite j’ai su comme une évidence que c’était dans ce domaine que je voulais travailler."
Avec d’autres bénévoles, il participe notamment à l’enlèvement de filets fantômes. "Perdus par les pêcheurs, ils continuent de pêcher. Il y a un très gros travail pour les repérer, les évaluer et ensuite les retirer si nécessaire."
"L’idée c’est d’amener vers d’autres façons de voir la nature. Susciter l’étonnement, pour que les gens se disent: là où je me baigne je trouve une nature diverse, riche, colorée, avec plus ou moins de fragilité. Je veux montrer qu’il y a beaucoup de vie au bout de nos pieds, une vie qui peut être difficile à conserver. La surprise ça peut amener à des changements radicaux de comportements", estime-t-il.
A des écoliers étonnés de le voir réussir à tirer le portrait de crabes, alors qu’ils s’enfuient quand les enfants tentent de les approcher, il répond simplement.
"Si je prends des codes d’animaux marins, je peux me faire accepter par eux et découvrir un monde différent."
Par ce nouveau récit, il espère "susciter une autre émotion". Et déclencher un après.
Il croise le chemin d’espèces rares à observer et photographier comme le cline argenté, les pontes de porte-écuelles…
Ponte de poissons porte-écuelle.Photo Jean-Vincent Vieux Ingrassia.
"J’ai pris des photos avec ma compagne de ces larves au niveau des pieds des gens."
Peu importe ce que pensent les baigneurs de son drôle de manège, de ses contorsions, caméra en mains, dans quelques centimètres d’eau. Il poursuit sa mission, avec passion.
"Il y a peu d’effort pour prospecter ces lieux où ça foisonne vraiment. Et là c’est le meilleur moment. Au printemps on va avoir les pousses algales, avec des couleurs sublimes et ça va attirer des prédateurs. C’est très beau à voir."
Algue LaurenciaPhoto Jean-Vincent Vieux-Ingrassia.Un bernard l'hermite dans l'objectif de Jean-Vincent Vieux-Ingrassia.Photo Jean-Vincent Vieux Ingrassia.
Les principales menaces qui pèsent sur le milieu marin
Il pointe du doigt l’urbanisation du littoral et la nécessité de ne plus bétonner la Côte d’Azur.
"La propreté de l’eau s’est globalement améliorée. Mais on a malheureusement la pollution des micro et nano plastique qu’on retrouve dans les poissons.
"Les résidus médicamenteux qui s’accumulent dans l'eau ont un impact sur la faune. Des perturbateurs hormonaux tels que la pilule vont par exemple avoir un effet sur les espèces qui changent de sexe au cours de leur vie."
Il appelle de ses vœux une meilleure prise en compte de ces problématiques. "Via des stations d’épuration et de nouvelles installations dans les hôpitaux, les Ehpad… pour prétraiter l’eau qui sort de ces établissements, avec des filtres."
Il incite aussi les citoyens à avoir le réflexe de rapporter leurs médicaments aux pharmaciens, et surtout à ne pas les jeter à la poubelle.
Dans les menaces qui pèsent sur la vie marine, il cible aussi la pêche sous-marine et la pêche loisirs.
"Le souci, comme il n’existe pas de fédération, c’est qu’on connaît très mal le nombre de pratiquants. Mais les pêcheurs sous-marins visent les gros individus, ceux qui se reproduisent le plus. Plus un poisson vieillit, plus il va pondre et renouveler les stocks."
Il dénonce aussi les dérives des concours de chasse sous-marine.
"Les participants vont pêcher des dizaines de murènes, tuer des dizaines de poulpes, juste pour une compétition. Puis, des études estiment que 10 pêcheurs loisirs équivalent à peu près à 1 pêcheur professionnel en termes d’impact. Ils pêchent tout, y compris de petits individus au bord qui n’ont pas eu le temps de grandir et de devenir un stock de pêche. C’est un système qui détruit les écosystèmes côtiers assez rapidement."
Juvéniles de sars au bord de la plage.Photo Jean-Vincent Vieux Ingrassia.
Comment agir à son échelle?
Pour protéger la vie marine, le photographe invite les citoyens à davantage de respect.
"Accepter la nature sauvage telle qu’elle est, au bord de mer." Il s’interrompt, et nous montre le sol.
"Dans cet espace sauvage que nous partageons avec les animaux, il ne faut pas se comporter comme un humain qui vient tout détruire, et veut stériliser son milieu pour être tranquille et se baigner."
"Ici à Beaulieu, on a la chance sur la plage d’avoir une belle matte de posidonies, les feuilles mortes se déposent sur le sable. La première chose pour les habitants c’est d’accepter le fait qu’elles soient là et qu’elles protègent réellement leur côte, leur plage. Ce n’est pas une pollution, ce n’est pas mauvais. Il ne s’agit pas des algues vertes de Bretagne qui intoxiquent les gens quand elles pourrissent. La posidonie est imputrescible. Le deuxième point c’est, dans cet espace sauvage que nous partageons avec les animaux, ne pas se comporter comme un humain qui vient tout détruire, et veut stériliser son milieu pour être tranquille et se baigner."
Aussi appelle-t-il les parents à éduquer les enfants.
"On peut profiter de la plage pleinement sans faire du bruit comme un fou, ou attraper des crabes qu’on met dans un pauvre seau l’été. Au soleil l’eau peut monter à 30°C et potentiellement les tuer. Ce n’est pas la meilleure manière de s’amuser."
Face à face avec un crabe.Photo Jean-Vincent Vieux-Ingrassia.
commentaires
ads check
“Rhôooooooooo!”
Vous utilisez un AdBlock?! :)
Vous pouvez le désactiver pour soutenir la rédaction du groupe
Nice-Matin qui travaille tous les jours pour vous délivrer une
information de qualité et vous raconter l'actualité de la Côte d'Azur
Et nous, on s'engage à réduire les formats publicitaires
ressentis comme intrusifs.
Si vous souhaitez conserver votre Adblock vous pouvez regarder une seule publicité vidéo
afin de débloquer l'accès au site lors de votre session
Nous avons besoin de vos cookies pour vous offrir une expérience de lecture optimale et vous proposer des publicités personnalisées.
Accepter les cookies, c’est permettre grâce aux revenus complémentaires de soutenir le travail de nos 180 journalistes qui veillent au quotidien à vous offrir une information de qualité et diversifiée. Ainsi, vous pourrez accéder librement au site.
Vous pouvez choisir de refuser les cookies en vous connectant ou en vous abonnant.
commentaires