À Los Angeles, on a visité l'endroit où sont fabriqués les rovers de Venturi, qui iront sur la Lune dès 2026
Aux côtés de Gildo Pastor et de ses équipes de Venturi Space, la rédaction Monaco-Matin a visité les locaux de leur partenaire stratégique américain où sont conçus et testés les rovers qui iront sur la Lune, et assisté à une étape clef: l'intégration des batteries haute performance, développées à Monaco, dans le châssis du rover.
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À Los Angeles, Thibaut Parat Publié le 04/07/2025 à 09:40, mis à jour le 04/07/2025 à 10:15
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Dans le ciel de Hawthorne, berceau de l’aérospatial américain niché au sud de Los Angeles, le premier étage du lanceur spatial Falcon 9 de SpaceX est repérable depuis de nombreux blocs environnants. C’est au cœur d’une zone industrielle, à deux pas de l’usine historique de la florissante société d’Elon Musk, que la société Venturi Astrolab Inc. a pignon sur rue.
Derrière l’humble façade en briques rouges, plus de 120 personnes s’attellent à concevoir, fabriquer et tester des engins robotisés - des rovers - qui seront envoyés sur la Lune d’ici 2030 pour le transport de matériel à des fins commerciales ou scientifiques, d’abord, puis d’astronautes si la NASA la choisit parmi ses deux autres concurrents pour un mirobolant contrat à 1,9 milliard de dollars.
De 2 à 124 employés en 5 ans
Ils n’étaient pourtant que deux quand, en janvier 2020, l’homme d’affaires monégasque Gildo Pastor, à la tête de Venturi Space, scelle un partenariat stratégique avec cette société américaine fondée et dirigée par Jaret Matthews, un ancien de la NASA et de SpaceX. "Les lieux étaient désaffectés, remplis de poussière. Il n’y avait que quelques chaises au centre. Le Prince était présent ce jour-là. Je lui ai confié qu’on irait sur la Lune avec ces rovers. Il a dû me prendre pour un fou", sourit Gildo Pastor, dont les équipes leur fournissent les batteries haute performance (Monaco), les roues hyperdéformables (Suisse) et les systèmes électriques associés (France).
Les batteries haute performance conçues à Monaco résistent aux radiations solaires et à des températures extrêmes allant de -240°C à +130°C.Photo Venturi/Hathaway.
Et pourtant, cinq ans après ce "jour zéro", les locaux de Venturi Astrolab paraissent déjà trop exigus, et une extension du site semble même se dessiner. Surtout, grâce aux centaines de millions de dollars investis, la course à l’exploration lunaire n’a jamais été aussi proche de se concrétiser. En février 2026, grâce à la Falcon Heavy de SpaceX et l’alunisseur d’Astrobotic, le rover Flip de Venturi Astrolab sera envoyé vers la Lune et déposé sur son sol hostile.
"From Monaco to the Moon"
Dans la foulée du salon du Bourget à Paris, où elles ont présenté leur rover 100% européen, les équipes de Gildo Pastor ont assisté à Los Angeles à une étape capitale du partenariat stratégique avec leurs homologues américains: l’intégration, au cœur d’une "salle blanche" vierge de particules polluantes, des packs de batteries au châssis de Flip. Un produit conçu pour résister aux contraintes majeures du pôle Sud lunaire que sont les températures cryogéniques et les radiations solaires, entre -240°C et +130°C.
C’est ici, dans une salle blanche, que les équipes de Venturi Astrolab et Venturi Space ont intégré les batteries haute performance (développées à Monaco) dans le châssis du rover Flip. Ces éléments iront sur la Lune en 2026.Photo Venturi/Hathaway.
Sur une discrète plaque, on y lit le patronyme des 21 membres de Venturi Space à Monaco - où les batteries ont été conçues, testées et même bénies avant leur envoi vers les États-Unis - ainsi que la mention dédicace "From Monaco to the moon".
"On voit un produit qui va partir sur la Lune. Cela rend tout le travail accompli vraiment concret, glisse, ému, Franck Baldet, directeur technique de Venturi Space à Monaco. Les packs batteries ont été dessinés dans une optique de fiabilité. Le véhicule ne doit pas tomber en panne car il n’existe pas de garage sur la Lune. Alors, même en cas d’anomalie comme un emballement thermique, cela doit continuer de fonctionner. Il faut pouvoir garantir le retour des astronautes, vivants, à leur camp de base ou à l’alunisseur."
Ces prochaines semaines, l’assemblage mécanique et avionique va se poursuivre avant que ne débute, à la fin de l’été, une campagne de tests approfondis."On va réaliser des tests de chocs et de vibrations car le rover, lors du lancement puis en chemin vers la Lune, va être malmené. On va aussi simuler l’environnement lunaire auquel il sera confronté avec de fortes variations de température, détaille Jaret Matthews. Nous prévoyons d’envoyer le rover au site de lancement fin octobre."
Une confidentialité de mise
Activités sensibles obligent - "Space and defense" dit-on aux USA - il nous est défendu de photographier de trop près les écrans d’ordinateur, certaines pièces mécaniques ou encore cette salle confidentielle où sont développés certains capteurs de navigation. Au nom de l’"export control", même l’équipe de Venturi Space n’est parfois pas autorisée à participer à certaines réunions.
En revanche, dans l’arrière-cour protégée de fils barbelés, une boîte remplie de sable nous attend pour une série de tests de Flip, dans sa version allégée, lequel est doté de capteurs reliés à des caméras disposés tout autour afin de diriger le rover avec une précision millimétrée. "C’est similaire à ce que les acteurs mettent sur leurs corps pour les films d’Hollywood [motion capture, N.D.L.R.], compare Jaret Matthews. Ici, on essaye notamment de comprendre la poussière lunaire et ses impacts. Elle s’immisce partout, peut changer les propriétés de certains éléments du rover et s’avère extrêmement abrasive. On reproduit, aussi, la gravité lunaire afin de simuler la sortie du rover de l’alunisseur."
Dans une boîte remplie de sable, le rover Flip dans sa version allégée est régulièrement soumis à de nombreux tests.Photo Thibaut Parat.
Ces tests sont opérés depuis une salle de contrôle où officient 3 opérateurs devant des écrans. Là même où seront pilotés à distance les rovers pour les missions commerciales sur la Lune, sans astronautes aux commandes, donc. "Deux personnes sont nécessaires au pilotage. Il y a de bonnes cartes de la Lune mais il n’y a pas de points de repère. Les zones se ressemblent et, comme elle est plus petite que la Terre, l’horizon est plus proche", indique John Muratore, responsable du programme des rovers lunaires chez Venturi Astrolab.
Une fois là-haut, Flip fera office d’éclaireur et de démonstrateur technologique pour son successeur et grand frère Flex, un rover pensé pour devenir un acteur référence de l’économie lunaire (lire plus loin). Tous à Venturi Astrolab et Venturi Space attendent le jour J, en février 2026, avec une impatience non feinte. De voir ce projet privé, mené à vitesse grand V, aboutir. "Entre 2004 et 2010, j’ai travaillé à la NASA sur le programme Constellation qui a été abandonné. À l’époque, je l’ai vécu comme une frustration. Là, on a notre destin entre nos mains. On ne dépend pas d’un président américain", témoigne Vivake Asnani, ingénieur mobilité chez Venturi Astrolab.
Flex, dans sa version lunaire, avec astronautes.Photo Venturi Astrolab.
Trois missions sur la Lune d’ici la fin de la décennie
Le partenariat stratégique entre Venturi Astrolab et Venturi Space va accoucher d’ici 2030 de trois missions au pôle Sud de la Lune, une zone stratégique pour l’établissement d’une présence humaine durable.
Février 2026
Flip sera le premier des rovers de Venturi Astrolab à rouler sur la Lune au terme d’un voyage à bord de la Falcon Heavy de SpaceX. Pour faire alunir son astromobile de 480 kg sur la Lune, l’entreprise américaine a profité du report par la NASA du rover Viper pour prendre place à bord du Griffin-1 d’Astrobotic. Outre la commercialisation d’emplacements pour 40 kg de charge utile pour des industriels privés, des entités scientifiques et des marques, sa mission principale sera de collecter de précieuses données et de démontrer l’efficacité des technologies critiques (batteries haute performance, roues hyperdéformables, avionique, capteurs, logiciels...). Ce retour d’expérience permettra ainsi d’améliorer Flex, la version "grande taille". 2027
À la mi-2027, ce sera donc au tour de Flex d’embarquer à bord du Starship de SpaceX pour une mission purement commerciale. Plus robuste avec sa taille SUV, ce rover sera capable de transporter jusqu’à 1.500 kg de charge utile. "Il est extrêmement versatile et pourra servir un grand nombre de clients et de cas d’utilisation", précise Jaret Matthews, fondateur et P.-D.G. de Venturi Astrolab. Les emplacements de charge utile sont déjà à la réservation. "On en a vendu environ 30%. Un kilogramme amené sur la surface de la Lune équivaut à 1,3 million de dollars", rajoute Antonio Delfino, directeur des affaires spatiales de Venturi Space et membre du conseil consultatif de Venturi Astrolab.
D’ici 2030
La troisième mission dépend d’une réponse de la NASA attendue pour novembre. En avril 2024, le rover Flex a été présélectionné avec deux autres concurrents par l’agence spatiale américaine pour véhiculer les astronautes du programme Artémis. "Une mission magnifique que le retour de l’humain sur la Lune. Nous avons de grandes chances d’être sélectionnés mais soyons humbles et modestes, tempère Antonio Delfino. La NASA risque d’en garder un second pour un petit bout de chemin." À la clef: un contrat de 1,9 milliard de dollars pour 5 ans de développement et de construction du rover et 10 ans d’opération sur la Lune. "70% de l’utilisation sera dédiée aux missions de la NASA. Pour les 30 % restants, elle nous permet d’avoir des activités commerciales."
L’économie lunaire en plein boom
Les chiffres donnent le tournis. Selon une étude, l’économie lunaire représentera 170 milliards de dollars d’ici 2040. Parmi les dizaines d’entreprises privées et de nations (USA, Chine, Japon, Inde…) qui développent des technologies pour alunir et exploiter la Lune, on retrouve donc Venturi Astrolab et ses rovers Flip et Flex. "La surface de la Lune est équivalente à la taille de l’Afrique. C’est comme si nous avions accès à un nouveau continent", image Jaret Matthews, son P.-D.G.
Avec sa capacité d’exploration et de transport de fret, Flex se montrera précieux pour soutenir les opérations humaines sur la Lune et faire évoluer et perdurer les futurs avant-postes humains vers d’autres horizons, dont Mars : réalisation d’expériences scientifiques et collecte de données, construction d’infrastructures énergétiques et de communication mais aussi extraction de ressources. "La mobilité lunaire est d’une importance capitale, à l’image de celle qui a eu lieu il y a 120 ans sur Terre et qui a permis une économie florissante. La lune est très riche en matériaux [titane, aluminium, eau sous forme de glace, oxygène, N.D.L.R.], dont un qui se trouve en quantité colossale et qui pourrait résoudre une fois pour toutes le problème d’énergie sur Terre: l’hélium-3", décrypte Antonio Delfino. Une ressource qui attire, de fait, les convoitises.
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