Entre deux concerts à Monaco, le groupe IAM se confie sur sa musique, Emmanuel Macron, les "Gilets jaunes"...

Deux soirs d’affilée, les rappeurs marseillais ont enflammé la scène de l’opéra partagée de manière inédite avec l’Orchestre philharmonique de Monte-Carlo

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PROPOS RECUEILLIS PARCEDRIC VERANY Publié le 28/11/2019 à 08:32, mis à jour le 28/11/2019 à 08:35
Kephren + Akhenaton + Kheops + Shurik’n = IAM. Photo Cyril Dodergny

Le feu ! La Salle Garnier aussi chaude que le Vélodrome un soir de victoire de l’OM. Via, planète Marseille, deux fois cinq cents personnes ont dansé le mia sous les ors de l’opéra, mardi et mercredi soir. La venue du groupe de rap IAM restera comme l’un des événements du Monte-Carlo Jazz Festival. D’autant plus qu’ils ont partagé la scène avec l’orchestre philharmonique pour un concert en tandem redorant les tubes du plus populaire groupe de rap français depuis trente ans. « On avait cette appréhension de se dire que l’on joue dans un opéra où les gens sont forcément assis et qu’il va falloir qu’ils se lèvent », raconte le leader, Akhenaton, au sortir de la première prestation. « Mais on s’est rassurés quand a la moitié du concert, tout le monde était debout, même le premier rang », renchérit Shurik’n. Entre les deux rounds de leur marathon salle Garnier, le groupe marseillais s’est livré sur son parcours et ses projets.

Cela a été compliqué de trouver l’alchimie pour partager la scène avec l’orchestre?
Akhenathon: Cette expérience, nous l’avons faite plusieurs fois. Elle tient d’abord sur une dimension humaine, et de ce côté, ça a collé avec l’orchestre philharmonique, habitué aux collaborations et ouvert à d’autres musiques. Nous avons eu un bon feeling, ils sont très pros.
Kheops: On a répété un après-midi, on avait l’impression qu’ils avaient fait ça toute leur vie !

C’est une mise en danger artistique ce genre de collaboration?
Akhenathon: On aime les échanges qui se font toujours sur le fil du rasoir. C’est l’histoire d’IAM. On a fait des morceaux avec des grands noms de la soul. On a partagé la scène avec des musiciens traditionnels égyptiens ou chinois. La part de danger doit être présente, on doit toujours avoir l’impression de franchir des étapes artistiques. Le public qui nous suit est habitué à cette prise de risques, alors on ne se gêne pas pour faire des choses complètement déroutantes. On en a besoin.
Shurik’n: C’est vrai que l’on a toujours mélangé notre musique, on n’a jamais hésité à travailler avec des cordes, des cuivres. On a toujours aimé cette atmosphère.

Avez-vous vu évoluer votre public?
Akhenathon: Il nous est arrivé quelque chose sur la dernière tournée qui était bluffant. Il y avait des 15-16 ans, filles et mecs, qui connaissaient les morceaux de notre dernier album mais qui ne connaissaient pas nos classiques. C’est du jamais vu! Perso, je trouve ça presque rassurant. Même si à Marseille, on nous dit souvent: vous tournez toujours? [rires]. Mais on continue à faire des albums, on reste un groupe ancré dans la création. On fait les albums qui nous plaisent et on va les défendre auprès des gens. Avoir des morceaux très connus, c’est super car ça permet d’avoir la communion où des gens chantent avec nous. Mais on aime bien se mettre en danger. La prochaine tournée contiendra moins de classiques, va falloir repartir à la baïonnette chercher les gens [rires].

C’est le secret de la longévité de ce groupe ?
Akhenathon: Oui, mais aussi l’amitié, la fraternité. On supporte les qualités et défauts de chacun, on s’aime beaucoup et on a toujours cette excitation de faire de la musique.
Shurik’n: On a toujours fait passer le plaisir d’abord. Ça a pu nous porter préjudice, mais cette ligne de conduite a évité de se prendre la tête sur plein de petits détails. On prend notre musique au sérieux, mais on ne se prend pas au sérieux. On reste de grands gamins, on s’amuse d’un rien. Si on a fait ce bout de chemin pendant trente ans, c’est parce qu’on a ce côté Pieds nickelés!

Votre dernier album, Yasuke, est très optimiste…
Akhenathon: Parce que dans la société, on passe le MACH 10 du pessimisme. Il y a certes des choses qui ne vont pas, mais des choses peuvent s’améliorer si chacun fait un effort. Si les gens vivent avec leur téléphone pointé sur leur visage sans regarder ce qui se passe autour, c’est problématique. Un combo incroyable d’informations en boucle, de réseaux sociaux et de téléréalité a été détonnant pour le pays. Il faudrait une bonne dose d’humilité pour que nous, les Français, nous comprenions que nous ne sommes pas 60 millions de sélectionneurs de football, d’analystes politiques ou d’économistes. Si le système a des défauts, il faut changer les vis à l’intérieur du système…

Râler reste quand même dans l’ADN tricolore non?
Akhenathon: Il faut râler pour les bonnes choses! Quand râler devient le moteur culturel et que la râlerie donne une culture de destruction, de toujours dire "c’est nul", je dis non. Quand je vois comment le président français est traité, tu ne peux pas traiter Emmanuel Macron quand tu es un Emmanuel Micron. Le président est élu, il est là. Il y a des présidents qui par le passé me plaisaient encore moins que celui-là, mais j’ai serré les dents, j’ai fermé ma gueule. Je les ai regardés s’embrouiller avec des pêcheurs sur des parkings, dire qu’ils vont passer la cité au Karcher ou que les policiers ne sont pas faits pour jouer au rugby… Toutes ces diatribes qui ont amélioré la situation du pays! Il faut serrer les dents et construire autre chose. Mais, marcher sur les autres, ça ne sert à rien. Les révolutions se sont toujours retournées contre les gens qui employaient la violence.

C’est pourquoi vous aviez déclaré sur la question des "Gilets jaunes", qu’il y avait cinquante nuances de jaune…
Akhenathon: Oui, on ne peut pas avoir un avis unique sur cette question. Il y a des gens extraordinaires qui se battent pour leurs idées et d’autres qui ont une chemise noire sous le gilet jaune. Nous, au travers de la musique, nous communions avec les gens, qui partagent ensemble dans une salle de concert. Dans la culture, il n’y a pas d’opposition. Il ne faut pas que l’opposition devienne une culture.

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