Pierrot, 45 ans, est autiste et vit dans un foyer médicalisé. Déterminée à lui offrir une vie digne, sa sœur Camille le prend chez elle et se met en quête d’un endroit adapté à sa différence. Le chemin est long mais c’est la promesse d’une nouvelle vie, au sein de laquelle chacun trouvera sa place. Tel est le synopsis du long-métrage réalisé par la comédienne, autrice et réalisatrice Hélène Médigue. Cette dernière, dont le frère est autiste, s’est engagée pour cette cause en créant en 2019 l’association Les Maisons de Vincent, destinée à accueillir des adultes autistes. Une première maison ouvre à Mers-les-Bains en 2021. La même année, elle est nommée Chevalier de l’Ordre national du Mérite. Rencontre.
Contrairement à ce qu’on peut penser, il ne s’agit pas d’un film sur l’autisme…
Exactement. Je n’avais pas du tout envie de faire un film sur ce sujet. J’ai déjà traité ces thématiques lors de ma première réalisation, j’ai également publié un récit chez Flammarion il y a 15 ans, Entre deux vies, je suis fondatrice de l’association Les Maisons de Vincent… Je voulais passer à autre chose. La thématique du film, ce sont les aidants. Et ça va même au-delà: j’ai voulu réaliser un film qui parle du lien et de la différence. Le lien, c’est ce qui fait qu’on se rencontre, qu’on se côtoie, qu’on se connaît, et qu’on s’aide. C’est finalement ce qui nous anime tous. La question de la limite de ce lien est également posée: à quel moment est-on libre de sa filiation?
Vous êtes-vous tout de même inspirée de votre vie personnelle?
Ce que le film montre, je l’ai effectivement vécu avec mon frère autiste. En revanche, le personnage de Pierrot n’a rien à voir avec la personnalité de mon frère Vincent. Mon frère m’a apporté sa vérité, et ça m’a façonnée dans ma manière d’aborder le monde, mais aussi d’appréhender mon métier. J’ai voulu créer un récit autour du lien à travers le retour à la vie d’un homme différent.
Comment avez-vous sélectionné les deux acteurs principaux?
À mes yeux, il n’y avait qu’un acteur en France qui pouvait interpréter le rôle de Pierrot: Grégory Gadebois. Il incarne à merveille la sensorialité, la temporalité, la part d’enfance: c’est tout ce que je voulais montrer. C’est un acteur organique. Avec Marie Gillain, qui interprète Camille, ils avaient déjà joué ensemble dans Les Choses simples. Marie m’a comblée, c’est une vraie actrice, et Dieu sait que je ne suis pas facile avec mes acteurs! Je leur ai demandé de traverser une succession d’états qui n’étaient pas simples, ça demandait de réellement s’abandonner.
La musique occupe une place importante dans ce long-métrage… Est-ce symbolique?
Le film est très musical, il intègre dès le départ du scénario "la chanson de Pierrot" qui ponctue le récit. J’ai fait le choix de Ce n’est rien de Julien Clerc qui symbolise l’impermanence. Tout passe… On traverse tous l’ombre et la lumière. Pour moi, cette chanson était comme une évidence, elle est thérapeutique pour Pierrot au moment où il subit l’envahissement de ses troubles. Je souhaitais également choisir une chanson qui rassemble, qui fait appel à notre mémoire collective.
Quel message avez-vous cherché à faire passer?
Je ne souhaitais pas réduire le film à l’autisme, à ma propre histoire ou au handicap. Mais plutôt traiter ce que conditionne l’expérience de la différence, en lien avec l’évolution de notre société: la charge mentale des aidants, la solidarité, la quête puissante d’inventer des solutions adaptées pour retrouver du sens et la place de chacun. J’ai voulu mettre en lumière le quotidien des aidants. Et comment traduire la difficulté de mes personnages à vivre dans leur époque. C’était mon objectif.
> D’Hélène Medigue. Avec Stéphane Cabel, Avec Marie Gillain, Grégory Gadebois, Patrick Mille... 1h39. Comédie dramatique. Notre avis: 4/5.
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