Procès "Carpinelli": jusqu’à 4 ans de prison ferme requis, les plaidoiries de la défense ce vendredi

Dans l’affaire des résidents belges fictifs à Monaco, et au terme de 6 jours de débats à la barre du tribunal correctionnel, le représentant du ministère public a livré ses réquisitions. Contre Christian Carpinelli, ex-haut gradé de la Sûreté publique et principal prévenu, il a requis 4 années de prison ferme.

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Thibaut Parat Publié le 13/06/2025 à 07:40, mis à jour le 13/06/2025 à 18:47
Le procès va s’achever, ce vendredi, avec les plaidoiries des avocats de la défense. Photo Thibaut Parat

Huit années d’instruction judiciaire, 75 tomes, six jours de débats à la barre du tribunal correctionnel. Le procès dit "Carpinelli" résulte d’un "dossier titanesque", de l’aveu même du premier substitut du procureur général, Julien Pronier, qui a livré ce jeudi ses réquisitions à l’encontre des 11 prévenus assis à sa droite. Difficile, s’excuse-t-il presque, de dresser un résumé exhaustif.

Pour autant, pendant près de 4 heures, le représentant du ministère public a minutieusement déroulé son argumentaire pour dénoncer "un système" qui a permis à 14 ressortissants belges, gravitant autour du richissime industriel et "roi du jean" Pierre Salik, d’obtenir une carte de séjour en Principauté, renouvelée à plusieurs reprises, alors même que "leur résidence était non effective", selon une interprétation des textes que la défense conteste âprement. En d’autres mots: des résidents fictifs. "Chacun de ceux qui ont permis cette obtention indue ont contribué, à leur niveau, à une complicité de fraude fiscale", estime Julien Pronier. Le précieux sésame leur permettant, in fine, de tromper le fisc belge en obtenant une exonération d’impôts.

Des faits qui ont "sali la tenue et la profession de policier"

C’est contre le principal prévenu du procès, Christian Carpinelli, ex-commissaire divisionnaire et chef de la section des résidents jusqu’en mars 2013, accusé d’avoir touché de nombreux pots-de-vin (principalement des espèces, mais aussi des virements) et cadeaux, sous le coup de 8 chefs de prévention, que Julien Pronier a requis la plus lourde peine: 4 ans de prison ferme, 180.000 euros d’amende et une interdiction de rentrer en contact pendant 5 ans avec son ex-épouse, Bernadette L., à l’origine des dénonciations de faits de corruption, fin 2016, et avec qui le procès a tourné au grand déballage intime ce mardi . "Que les faits qui nous préoccupent aient pu autant salir cette tenue et profession de policier, ce serment de commissaire et cette institution, semblent nécessiter une répression à la hauteur de la gravité."

Christian Carpinelli, alors retraité de la Sûreté publique, avait aussi usé de son influence entre 2013 et 2016 auprès de deux ex-collaborateurs pour faire accélérer des dossiers, notamment belges, et ainsi favoriser leur validation. Contre Serge D., le successeur de Christian Carpinelli qui avait touché 5.000 euros et bénéficié de deux abonnements à l’AS Monaco au nom des Belges, ont été requis 1 an de prison ferme et 50.000 euros d’amende. "Il est devenu le faiseur de documents administratifs (...) il avait un rôle moins important, certes, mais était très dynamique dans la réalisation de sa mission", a estimé le procureur.

Lui aussi, à sa retraite, s’est placé en intermédiaire auprès de René J. pour "faire perdurer le système ". Contre ce dernier, "au rôle plus secondaire" et qui est intervenu sur trois dossiers, le premier substitut a requis 1 an avec sursis et 20.000 euros d’amende.

"L’agence all inclusive"

Julien Pronier s’est, aussi, attardé sur l’autre acteur majeur dudit système, l’agence immobilière Immobilia 2000, où 7 des prévenus travaillaient à l’époque des faits avec des grades et responsabilités diverses. "Je l’ai appelée l’agence all inclusive de la délivrance indue de documents administratifs, ironise Julien Pronier. Car elle propose toutes les prestations pour avoir un titre de séjour à Monaco. On a la participation de Jean-Louis C., à travers la mise en place et la coordination du système avec son accord systématique pour les sous-locations. On a André C. qui peut être décrit comme la petite main du système avec l’augmentation artificielle des factures d’électricité et la collecte du courrier. On a Marco Di G. qui élabore notamment les dossiers administratifs (contrats de bail, certificats d'hébergement, sous-locations...)."

Contre le premier, du fait de son "rôle prépondérant", il requiert 2 ans de prison ferme et 180.000 euros d’amende. Contre les deux autres: 1 an de prison avec sursis et 20.000 euros d’amende. Quant aux quatre autres employés, accusés d’abus de confiance ou de complicité de cette même infraction, les peines requises oscillent entre 1 mois et 1 an de prison avec sursis.

En novembre 2016, quand les policiers perquisitionnent les appartements loués par les Belges, aucune trace d’eux. Un système qui, selon Julien Pronier, ne se cantonnerait pas aux résidents belges mais pourrait s’étendre à d’autres catégories fortunées, à l’instar de pilotes automobiles. "Jean-Louis C. et Christian Carpinelli ne sont pas des philanthropes qui ont dégagé une énergie aussi importante pour les beaux yeux des résidents belges", martèle-t-il. Il est d’ailleurs reproché à Jean-Louis C., et à son agence, d’avoir perçu "des commissions sur les sous-locations".

Les principaux avocats de la défense plaideront ce vendredi pour tenter de convaincre les juges de l’innocence de leur client et obtenir une relaxe.

Quelles peines requises contre les onze prévenus

Après six jours de débats menés par le président du tribunal, Florestan Bellinzona, la parole était au ministère public. Son représentant, le premier substitut du procureur général Julien Pronier, a requis pendant près de 4 heures. Voici le détail des réquisitions:

Christian Carpinelli, ex-commissaire divisionnaire et responsable de la section des résidents (complicité de délivrance indue de documents administratifs; corruption passive; corruption active sur agent public national; trafic d’influence passif; trafic d’influence actif; blanchiment; harcèlement sur conjoint; tentative d’extorsion): 4 ans de prison ferme, 180.000 euros d’amende et une interdiction de rentrer en contact pendant 5 ans avec Bernadette L., son ex-épouse.

Serge D., ex-policier et successeur de Christian Carpinelli à la tête de la Section (complicité de délivrance indue de documents administratifs; corruption passive par agent public national; corruption active sur agent public national; trafic d’influence passif): 1 an de prison ferme et 50.000 euros.

René J., attaché administratif à la section des résidents (complicité de délivrance indue de documents administratifs): 1 an de prison avec sursis et 20.000 euros d’amende.

Jean-Louis C., à la tête de l’agence immobilière Immobilia 2000 (complicité de délivrance indue de documents administratifs; corruption active; blanchiment; abus de confiance): 2 ans de prison ferme et 180.000 euros d’amende.

Marco Di G. et André C., négociateur et ex-livreur pour Immobilia 2000 (complicité d’obtention indue de documents administratifs): 1 an de prison avec sursis et 20.000 euros d’amende.

Bernadette L., ex-épouse de Christian Carpinelli (recel et blanchiment): 1 an de prison avec sursis et 20.000 euros d’amende.

Mathilde V., ex-agente immobilière à Immobilia 2000 (abus de confiance): 1 an de prison avec sursis et 20.000 euros d’amende.

Christine C. (ex-secrétaire comptable), Julie R. (ex-secrétaire standardiste) et Ludovic S. (ex-comptable) pour Immobilia 2000 (complicité d’abus de confiance): respectivement 6 mois, 1 mois et 6 mois de prison avec sursis et entre 5 et 10.000 euros d’amende.

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