La vie romanesque du bâtisseur du quartier de Monte-Carlo François Blanc et de son frère jumeau, Louis
François Blanc, le créateur de la Société des Bains de Mer et du casino de Monte-Carlo au XIXème siècle, avait un frère jumeau dont on entend peu parler .
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André PeyregnePublié le 23/06/2025 à 14:45, mis à jour le 23/06/2025 à 14:45
François Blanc, privé de son jumeau, aidé de sa femme Marie, avait su transformer le hasard en destin, entraînant dans le sien celui de Monaco.Photo DR
Tous deux sont nés un matin d’hiver, le 12 décembre 1806, dans la petite localité de Courthézon dans le Vaucluse. Lorsqu’ils couraient pieds nus dans la campagne, rien ne semblait préparer les deux jumeaux François et Louis Blanc à devenir des bâtisseurs de royaumes. C’est pourtant ce qu’ils devinrent. Auprès de leur père, receveur des impôts, ils contractèrent la passion de l’argent.
Devenus agents de change à Bordeaux, ils mirent au point un trafic qui les rendit millionnaires. Le principe était simple: afin de connaître les variations de la bourse de Paris avant celle de Bordeaux, ils utilisaient l’invention moderne du télégraphe. Ils avaient des complices. Un fonctionnaire à Paris introduisait dans les messages officiels des codes secrets signifiant "marché en baisse" ou "marché en hausse". Un correspondant à Bordeaux leur donnait l’information et effaçait aussitôt les codes frauduleux. Ainsi avaient-ils les renseignements boursiers avant leurs concurrents. Ainsi firent-ils fortune.
Un procès et une relaxe
Leur stratagème fut découvert au bout de deux ans. Un procès eut lieu. Les jumeaux Blanc furent défendus par le célèbre avocat de l’époque Gustave Louis Chaix d’Est-Ange: "Monsieur le Président, Messieurs les jurés, mes clients n'ont causé de tort à personne, en particulier à aucun investisseur privé. Naguère, les Rothschild utilisaient des pigeons voyageurs pour avoir des informations avant les autres. Les frères Blanc ont fait de même en utilisant des moyens modernes. Aucune loi n’interdit de recevoir une quelconque information par télégraphe. Vous n’avez aucune raison de condamner mes clients!" Et c’est ainsi qu’en mars 1837 la Cour d’assise de Tours acquitta ainsi les frères Blanc.
François Blanc, le bâtisseur de MonacoPhoto DR.
Casino et amour du Luxembourg
Les jumeaux Blanc préférèrent quand même s’exiler au Luxembourg. Ils le firent la tête haute et les poches pleines. Ils construisirent un casino. C’est là, autour des tapis verts, que François Blanc rencontra Madeleine Huguelin. Son cœur craqua pour elle. Elle devint sa compagne et lui donna deux fils, Charles et Camille. Oui, Camille, le futur président de la S.B.M. et maire de Beausoleil! On croit souvent, par erreur, qu’il était le fils de la deuxième épouse de François Blanc, la célèbre Marie Blanc, mais sa mère était bel et bien la première compagne de son père avec laquelle il ne fut pas marié.
Les frères Blanc ne vont pas rester longtemps à Luxembourg. Le landgrave Louis-Guillaume de Hombourg va en effet les solliciter pour créer chez lui une station balnéaire.
Les frères Blanc acceptent. Les réalisations s’enchaînent: salles de jeux, établissement thermal, théâtre, salle de bal, jardins, restaurants, palaces. Une publicité est faite dans la presse internationale. La roulette tourne pour la première fois le 23 mai 1841. Elle ne comporte qu'un zéro au lieu de deux, ce qui favorise les joueurs. Ceux-ci arrivent en foule de toute l’Europe, entraînant avec eux un public mondain. L’écrivain russe Dostoïevski sera parmi eux.
Marie Blanc, sa femme.Photo DR.
Destin impitoyable
Mais voilà que le destin tourne, plus impitoyable que la roulette. En 1852, Louis Blanc tombe malade et meurt. François, veuf de son jumeau, comme amputé d’une partie de lui-même, choisit de travailler pour deux. Il tient le coup. Mais le sort le frappe à nouveau. Madeleine meurt elle aussi, la même année. François est désemparé. Il se retrouve seul avec ses deux fils.
Son soutien est sa garde d’enfants, Marie Hensel, fille de cordonnier qu’il a engagée lorsqu’elle avait 14 ans. Elle en a à présent dix-neuf, affiche une beauté resplendissante. Son regard clair et ses manières franches finissent par séduire François Blanc. Mais Marie voudra-t-elle de ce petit homme trapu, myope et d’allure plutôt quelconque? Il va tenter sa chance :
"- Marie, veux-tu devenir ma femme? - Mais, Monsieur, je suis encore mineure! - Je le sais, nous attendrons deux ans! D’ici là je t’enverrai dans un pensionnat à Paris pour parfaire ton éducation, ce qui te permettra par la suite de resplendir dans le monde. - Oui, je le veux!..."
Deux ans passèrent. Comme prévu François Blanc épousa à Paris le 20 juin 1854 celle qui allait régner plus tard sur la vie culturelle de la Principauté jusqu’à sa mort: une mort jeune à l’âge de 47 ans. Car Monaco allait devenir la destination du couple Blanc.
On était au début des années 1860. Le prince Charles III, qui était à la tête d’une Principauté au bord du naufrage financier, proposa au "magicien de Hombourg" de venir à Monaco et de créer un casino. François Blanc accepta. Charles III lui signa le 1er avril 1863 un contrat de concession des jeux pour une période de cinquante ans pour 1,7 million de francs-or, et une rente annuelle de 50.000 francs assortie de 10% des bénéfices nets. Ce fut un bienfait pour Monaco.
On connaît la suite: la création de Monte-Carlo, son casino, ses palaces. Et ces villas qui poussent comme des champignons sur l’ancien plateau des Spélugues! Et l’Europe des aristocrates qui arrive en frac, en soie et en dentelles! Les jeux et les fêtes s’installent. La prospérité est enfin là.
Construction du nouveau bâtiment du casino et de l’Opéra par Charles Garnier.
27 juillet 1897
Mort de François Blanc.
25 juillet 1881
Mort de Marie Blanc.
1881
Camille Blanc, président de la S.B.M.
1904
Camille Blanc, maire de Beausoleil.
1927
Mort de Camille Blanc.
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