Les vins de Porquerolles: les possibilités d'une île

Une fraîcheur tonique en bouche évocatrice de minéralité saline. Des notes mentholées, camphrées, de pinède. Les vins de l’île de Porquerolles ont cette caractéristique. Et un parfum d’étrangeté : «ceux qui n’ont jamais mis un pied sur l’île décrivent, dans leurs commentaires de dégustation, pourtant subjectifs, les paysages sans les avoir vus», reconnaît Hélène Perromat, chargée des relations publiques au Domaine de l’île. De quoi épaissir le mystère qui entoure la plus grande des trois îles d’Hyères, face à la pointe de Giens. Elle berce un vignoble ourlé par les grands arbres eucalyptus, qui peuplent la pinède.

L’île aux eucalyptus

«C’est leur présence qui marque nos vins. Au début, ces notes eucalyptol me dérangeaient, elles prenaient le dessus sur les autres arômes», assure Florent Audibert, maître de chai au Domaine La Courtade. Une typicité dont l’œnologue se réjouit à présent. Elle donne un profil de vins digestes, toujours frais, «et une personnalité unique à nos vins marqués par le terroir. À l’aveugle, on a du mal à les positionner en Provence», assure-t-il.

Surtout, cette approche permet de construire l’idée d’un vin insulaire totalement atypique, relativement hors de portée – on n’accède qu’en bateau à cette langue de terre de sept kilomètres sur trois –, et d’autant plus rare que deux domaines seulement se partagent le vignoble : La Courtade, propriété du financier Édouard Carmignac (qui y a également installé sa fondation d’art contemporain). Et le Domaine de l’île acquis par les Wertheimer (Chanel) en 2019.

Dans la pruine

Thym, ciste, romarin, etc. Certains arômes du vin viennent-ils des plantes présentes dans l’environnement de la vigne ? L’idée, bien que séduisante, n’a jamais pu être prouvée scientifiquement.. Jusqu’aux découvertes récentes de chercheurs de l’Australian Wine Research Institute sur l’arôme eucalyptol. En observant un phénomène de notes camphrées sur des vins issus de cépage pinot de la vallée de Yarra, au nord-est de Melbourne (Australie), ils ont montré que l’eucalyptol est un terpène volatile émis par les eucalyptus.

Les grands arbres aromatiques l’utilisent comme gaz chimique, mais la vigne y est insensible. Ce gaz se dépose sur la pruine, une substance cireuse qui recouvre la peau des raisins, et se retrouve dans les vins finis. «La pruine, c’est la crème solaire des raisins contre les rayons UV, c’est aussi une barrière contre les champignons et un capteur d’arômes», reconnaît Pierre Etcheberry, ingénieur agronome venu du château Lafleur, à Pomerol, pour prendre la direction du domaine de l’île.

Notes salines

Un autre caractère typiquement insulaire le séduit encore davantage : les notes salines en finale caractéristiques des vins blancs et rosés, à l’aromatique fraîche iodée, que l’on retrouve aussi dans la structure des vins, avec une sensation de sel en bouche. Fraîcheur saline Pour autant, «les vins ne surgissent pas d’un caillou comme l’eau minérale, ils passent par l’intermédiaire de la plante», note-t-il non sans humour. Cette salinité, que Pierre Etcheberry souhaiterait voir un jour expliquer par des données scientifiques solides, serait davantage due à l’équilibre entre sols sablonneux des plaines, sols schisteux métamorphiques, et au climat tempéré par la présence de la mer. Eucalyptol d’un côté, notes salines de l’autre, les vins de Porquerolles affirment une constante : le terroir s’exprime avec évidence, dans les productions des deux domaines de ce tout petit vignoble.