Une lettre de rupture de Marlon Brando à une résidente monégasque mise aux enchères aux Etats-Unis

Ecrite à la photographe Solange Podell, qui l’a conservée précieusement à Monaco jusqu’à son décès en 2020, la missive réapparaît lors d’une vente aux enchères en cours aux États-Unis. Récit.

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Thomas MICHEL Publié le 08/02/2023 à 10:30, mis à jour le 08/02/2023 à 10:36
Solange Podell, qui a vécu près de 50 ans en Principauté, s’est éteinte au Centre hospitalier Princesse-Grace le 3 mars 2020, à l’âge de 92 ans. Marlon Brando (ici en 1953 dans L’Équipée Sauvage et en 1972 dans Le Parrain) est décédé le 1er juillet 2004, à 80 ans. Photos MaxPPP et DR

Près de 20 ans après sa mort, Marlon Brando reste un mythe aux États-Unis. Alors quand une lettre de rupture écrite de sa main réapparaît sur le marché des enchères, c’est tout le pays qui est en émoi. D’autant que la destinataire française de la missive est une inconnue outre-Atlantique. Du Times à CNN, les journaux tentent ces derniers jours de décrire la relation entre "Bud" et Solange Podell, celle qui vécut près de 50 ans et mourut, à Monaco.

La rencontre avec Brando à Broadway

Nous sommes au milieu des années 40. Après quelques apparitions comme figurante en France, Solange Podell s’envole pour Hollywood. Et déchante rapidement. En 1947, elle rompt un contrat de 7 ans avec un studio pour intégrer une troupe de danse qui parcourt l’Amérique. À l’approche de la côte Est, elle embarque seule dans un train, déterminée à percer à Broadway.

Là voilà à New York, à vivre à l’hôtel avec sa mère dans l’attente d’un rôle pour lancer sa carrière. Sur les conseils de sa professeur d’art dramatique de Los Angeles, elle se rend à une représentation de la pièce Un Tramway nommé Désir. Un carton populaire où, paraît-il, un jeune homme brûle les planches. Un certain Marlon Brando.

La suite, c’est Solange Podell qui la raconte dans un enregistrement réalisé en fin de vie par son biographe, Cyriaque Griffon. Nous sommes en 1948. "On m’avait recommandé de rencontrer ce jeune acteur prometteur. Un soir je suis allée en coulisses juste après sa performance dans Un Tramway nommé Désir, et il m’a dit de revenir chaque soir pour qu’il ait quelqu’un avec qui partager son dîner. J’habitais avec ma mère dans un hôtel à Broadway et je passais des auditions. Un jour, il m’a demandé pourquoi on vivait à l’hôtel. Il devait être payé à la semaine et il m’a donné 900 dollars pour que je prenne un appartement avec ma mère. Avant cela, il était venu à notre hôtel. Ma mère avait fait à dîner sur un réchaud parce qu’on vivait la vie d’artiste. Il est arrivé habillé avec un costume bleu assez éclatant [rires], il était très beau! Tous les dimanches, il venait me chercher avec son copain Wally et on partait sur sa moto. On allait dans la campagne du New Jersey. On s’arrêtait sous un arbre sur une petite colline, et on mangeait des pommes."

"Un tempérament frivole et instable"

Pudique jusqu’à son décès, en 2020, à l’âge de 92 ans, Solange Podell ne confiera jamais avoir croqué le fruit défendu. Pour autant, Cyriaque Griffon n’a aucun doute sur la "romance" entre Brando et Podell.

"Certainement épisodique, car Brando devait voir d’autres femmes. Il est connu pour ça. Mais ils se sont fréquentés pendant plus d’un an", assure le confident.

D’où le ton et le propos de la lettre aujourd’hui livrée au grand public. Un document de trois pages au style plutôt direct, parsemé de quelques fautes. Là encore, un enregistrement subsiste de la lecture de cette lettre de rupture par Solange Podell. Brando s’adresse à sa "chère Solange" pour confesser "un tempérament frivole, instable et inconstant". "Je ne t’ai vu qu’en fonction de mes humeurs et malheureusement mes émotions sont instables, poursuit le tombeur en pleine gloire.

Le futur Vito Corleone dans Le Parrain écrit "à cœur ouvert" et regrette "de ne pas avoir fait plus d’efforts", mais qu’il se souviendra de Solange "avec tendresse et respect". "Lorsque nous nous rencontrerons en France (peut-être en octobre), j’espère que mon comportement sera un peu plus adulte", espère l’acteur qui glisse en post-scriptum un mot pour la mère de Solange Podell. "S’il vous plaît, donnez mes aimables remerciements à votre mère, si elle les accepte."

La première et la dernière page d’une lettre de trois pages écrite par Marlon Brando à Solange Podell. Repro RR Auction.

12 enchères à ce jour

The Times note qu’il n’est pas fait mention de Solange Podell dans les mémoires de Marlon Brando parues en 1994. L’acteur retenant de cette époque "qu’il y avait sept ou huit filles qui attendaient chaque soir devant ma loge".

Sur le site RR Auction qui vend la lettre dont la fille unique de Solange Podell a hérité, douze enchères étaient enregistrées ce mardi. La plus haute atteignant 4.102 dollars. D’ici demain, jour de clôture de la vente, les experts espèrent en tirer 15.000 dollars. Un montant assez conséquent sur le marché épistolaire.

"Il existe une deuxième lettre, ou plutôt une note"

En 2015, Cyriaque Griffon a publié une biographie de Solange Podell intitulée Mademoiselle Trystram. Cinq ans auparavant, il avait retrouvé la trace à Monaco de ce "personnage romanesque" alors qu’il était en quête de témoignages pour la rédaction de son livre (Havana 505) sur un contre-révolutionnaire cubain dont Solange Podell était réputée très proche.

L’auteur avait alors découvert que, bien avant que la princesse Grace ne lui ouvre les portes de la Principauté comme photographe, Solange Podell avait eu mille vies.

Femme très courtisée, elle fréquente des génies comme Andy Warhol et Salvador Dalí, et suscite bien des fantasmes. Elle aurait refusé l’invitation d’un des frères Kennedy sur son bateau, comme celle d’un admirateur espagnol qui souhaitait passer la nuit avec elle dans une chambre d’hôtel rendue célèbre par le couple Joe DiMaggio - Marilyn Monroe.

Pendant la chasse aux sorcières (1950-1954), Solange Podell écrit même au sénateur McCarthy pour permettre le retour aux États-Unis de Charlie Chaplin, alors considéré comme un sympathisant du régime communiste. Et bien des mystères demeurent...

Cyriaque Griffon révèle d’ailleurs l’existence d’une seconde lettre de Marlon Brando, ou plutôt une "note" qu’il a eue en mains et dont il exhume le contenu de son esprit. "Chère Solange, j’ai laissé pour toi des tickets pour ma pièce. Excuse-moi de ne pas t’avoir rappelée depuis longtemps mais j’étais assez nerveux et solitaire."

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