L’engagement social jalonne tout son parcours professionnel. Que ce soit auprès de l’Union des Syndicats ou pour la commune de Roquebrune-Cap-Martin, Christophe Glasser en a fait son domaine de prédilection. Depuis quelques mois, il a pris la direction de Fight Aids Monaco. L’association porte tout l’engagement et l’énergie de la princesse Stéphanie qui, en 2004, avait choisi de soutenir les personnes vivant avec le VIH et prévenir les nouvelles générations que le sida, contre lequel des armes existent, est toujours une réalité. Les chiffres de l’ONUSida le rappellent: 1,3 million de nouvelles contaminations en 2023 et près de 40 millions de personnes qui vivent avec le VIH dans le monde.
En deux décennies, Fight Aids Monaco s’est structuré en soutenant ceux qui subissent la maladie, développant la prévention et le dépistage en Principauté. Mais aussi créant en 2010 à Carpentras, la Maison de Vie, refuge pour des séjours de reconstruction. Aujourd’hui, la princesse Stéphanie a choisi Christophe Glasser pour encadrer l’ensemble de ces actions. Un défi au quotidien.
Avant de prendre la direction de Fight Aids Monaco, vous avez travaillé une année avec l’ex-directeur Hervé Aeschbach. Une passation en douceur?
C’était nécessaire d’abord pour les personnes que nous accompagnons. On ne voulait pas créer de rupture brutale car Hervé avait accompagné certains affiliés depuis vingt ans. Il fallait tout appréhender, se former, développer une expertise. Même si j’ai toujours œuvré dans le secteur social et qu’accompagner, écouter les personnes, fait partie de mon savoir-faire. Depuis sept mois, je suis seul à la direction. Et tout se passe bien car j’ai à mes côtés une présidente, la princesse Stéphanie, et un bureau hyper investis. Et des femmes et des hommes hyper engagés aussi. Leur investissement a facilité ma prise de fonctions.
Les chiffres montrent que le sida est toujours une réalité, mais la maladie semble invisibilisée?
Les traitements ont fait de gros progrès. C’est une prise journalière de médicaments, quasiment sans effets secondaires. Une génération a vécu des thérapies lourdes. Aujourd’hui le traitement n’a plus rien à voir, il est plus simple et peut permettre une espérance de vie "normale" en faisant attention à sa santé. C’est plus simple aussi de se faire dépister. Mais il ne faut pas pour autant normaliser la pathologie et le virus. C’est mieux de vivre sans le VIH, de ne pas l’attraper. Pourtant en France, on continue d’enregistrer 5.000 nouvelles contaminations connues par an. Et il faut sans cesse rappeler que c’est un virus qui touche n’importe qui, pas une communauté particulière, ni seulement les homosexuels ou les drogués. Une personne sur deux porteuses du VIH dans le monde, est une femme.
Les messages de prévention ne sont-ils plus entendus?
Nous allons reprendre de façon plus intense. Les messages de prévention ont perdu de leur visibilité, il faut imaginer de nouvelles campagnes. Et d’abord marteler un message fort: quand on a le VIH mais qu’on est sous traitement stabilisé, on ne le transmet plus. Si tout le monde se fait dépister, connaît son statut et que les personnes porteuses sont traitées, on peut arrêter la contamination. Mais à cause de la peur du résultat, beaucoup de gens ne se dépistent pas. Et on n’avance pas alors que nous en avons les moyens.
Vers qui doit être ciblée la prévention?
Vers tout le monde. Chez les jeunes, nous avons des outils de prévention concernant la protection et les rapports à risques qui peuvent découler de la consommation d’alcool ou de drogue. Mais il faut rappeler cette prévention aussi chez des quadragénaires, des quinquagénaires qui ne pensent pas aux risques. Et les dépistages montrent que les contaminations ne touchent pas que les jeunes. Je rappelle que le dépistage est fondamental et à la portée de n’importe qui. Nous avons un travail à continuer aussi face à la stigmatisation qui demeure des personnes vivant avec le VIH. Ça n’évolue pas beaucoup dans la tête des gens et la population a tendance à rester bloquer sur les images des années 80.
C’était d’ailleurs le sens de la création de Fight Aids Monaco il y a vingt ans, d’accompagner et aider les personnes vivant avec le VIH…
Et c’est toujours notre cœur de métier. Nous avons 120 affiliés que nous recevons par groupe de 15 à 20 personnes au quotidien. C’est une activité débordante grâce à la générosité d’intervenants qui viennent offrir leurs services pour proposer massages, cours de yoga, peinture, activité théâtrale. Nous proposons cette offre avec le soutien aussi de nos sept bénévoles accompagnants formés.
Vous avez aussi pris la direction de la Maison de Vie qui, depuis quinze ans, offre des séjours de repos aux personnes vivant avec le VIH. Comment se porte l’établissement?
C’est aujourd’hui financièrement le pôle le plus conséquent de dépenses avec neuf salariés. La Maison a accueilli plus de 2.000 personnes depuis son ouverture et tout est intégralement financé par la collecte de dons. Nous proposons des séjours de 8 à 11 jours, centrés sur la qualité de vie. L’objectif est de permettre de poser ses valises émotionnelles, d’échanger aussi avec des personnes qui ont des parcours ressemblants. Et puis, de donner des outils pour repartir du bon pied.
Tout est gratuit?
C’est notre philosophie, oui. Il y a une participation de principe qui varie de 6 et 24 euros par jour. Mais la plupart des profils sont aux minima sociaux. On s’est toujours aussi refusé de rentrer dans des obligations administratives, en faisant intervenir des aides sociales. Notre cœur de métier, c’est l’accompagnement. Et donc, on ne veut pas rentrer dans toutes ces obligations où on aurait un financement partiel, mais des obligations qui mettraient à mal notre qualité d’accompagnement. On reste indépendants.
Quelles sont vos ressources aujourd’hui?
Essentiellement des dons et la collecte de fonds. Le gouvernement nous octroie une aide pour les frais de fonctionnement de la structure de Monaco. Nous avons besoin d’événements pour constituer notre budget. Un exemple, la Fight Aids Cup, menée par Louis Ducruet a permis de collecter 200.000 euros grâce aux sponsors. L’engagement de la princesse Stéphanie facilite la collecte de fonds. Mais ce n’est pas simple aujourd’hui, même de plus en plus dur. Notre activité s’équilibre entre les événements que l’on porte nous-mêmes et des événements portés par d’autres structures au profit de Fight Aids Monaco. Enfin des entreprises nous apportent aussi un mécénat de compétences qui compte beaucoup.
L’engagement de l’association à l’international est moins connu…
Pourtant nous intervenons depuis longtemps à l’île Maurice, à Madagascar, en Afrique du Sud et au Burundi. Nous finançons des projets avec des associations locales essentielles, là où il n’y a pas d’accès au soin, au traitement, au dépistage. Nous essayons de faire partager notre savoir-faire en cofinançant des projets que l’on juge solides et qui favorisent l’autonomisation des populations vulnérables, sur place. En bénéficiant de l’expertise du gouvernement princier qui intervient dans ces pays et en essayant de collaborer avec d’autres acteurs de la vie associative et humanitaire monégasque.
La mutualisation avec d’autres forces de la Principauté, c’est un moyen selon vous pour s’étendre?
Partout où on peut mutualiser les moyens et les synergies, il faut le faire. Fight Aids peut jouer un rôle de structure ressource. On a un savoir-faire qui n’est plus à démontrer. On sait accompagner, on peut aider encore davantage. La princesse Stéphanie est sensible aux personnes vulnérables, stigmatisées. En termes de prévention, combiner ses messages avec l’action d’autres acteurs peut avoir plus d’impact.
Fight Aids a eu vingt ans en 2024, comment envisagez-vous la prochaine décennie?
J’espère continuer à cultiver l’excellence de cette association. Au niveau de la Maison de Vie, je pense que nous avons les équipes et l’expertise pour accueillir davantage de monde encore. Et il faudra continuer de se battre pour collecter des fonds.
Ce nouveau rôle vous laisse-t-il encore le temps pour vous investir dans votre rôle d’élu à Roquebrune-Cap-Martin?
Je suis élu depuis 2008, j’ai énormément appris grâce au maire, Patrick Césari. Mais mes missions d’aujourd’hui ne me permettent plus la même implication et je ne me représenterai pas aux prochaines élections.
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