Les enfants d’aujourd’hui seront les adultes de demain. Et c’est certainement pour cette raison que la jeunesse incarne si souvent l’espoir: celui d’un monde meilleur, plus juste, plus tolérant. Mais peuvent-ils le bâtir sans être exposés à la vérité? Et comment faire pour qu’ils expriment la leur? C’était le sujet abordé ce mercredi, lors de la première matinale de la semaine PhiloMonaco: "L’éducation à la vérité". Philosophes, professeurs, psychologues cliniciens, écrivains: de nombreux intervenants étaient présents pour échanger, entre eux mais aussi avec le public, autour de cette thématique.
"La question de la vérité est absolument fondamentale pour les adolescents parce qu’ils sont, de plus en plus, ballottés entre une espèce de relativisme mou car bombardés d’informations et d’un autre côté un dogmatisme de plus en plus assumé, qu’il soit religieux ou politique. Alors, ce qu’on doit faire dans les classes, c’est amener les élèves à désirer, à chercher la vérité", souligne Jean-Philippe Vinci, directeur de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports.
Car oui, la vérité se cherche. Que les parents, professeurs ou éducateurs imposent la leur aux plus jeunes : il n’en est pas question. L’objectif est qu’ils les accompagnent, au mieux, dans cette recherche de la vérité. Mais alors, comment?
"Faire rentrer la société civile dans l’école"
Vanessa Springora, éditrice et écrivaine tente d’apporter un élément de réponse. "J’ai fait beaucoup d’interventions dans les collèges et les lycées autour de la question du consentement mais aussi d’autres choses. Et je pense que c’est très important de faire rentrer la société civile dans l’école. Bien sûr, l’éducation à la vérité ne doit pas uniquement reposer sur les épaules des enseignants. Mais quand je suis allée dans les établissements scolaires, j’ai pu vérifier les statistiques des violences sexuelles commises sur les enfants et les adolescents parce qu’à chaque fois il y en avait 2 ou 3 qui venaient me livrer leur vérité. Celle qu’ils n’arrivaient pas à dire dans un autre cadre. Donc, ce que je constate c’est que l’entrée dans l’école de la société civile, d’une manière ou d’une autre, est toujours signe de production de la vérité."
"Éviter ensemble un dogmatisme"
Laurence Joseph, psychologue clinicienne semble aller dans ce sens. "J’interviens dans les collèges et les lycées à Monaco depuis plusieurs années, notamment pour parler de santé mentale. Et il arrive très souvent, qu’à la fin des interventions, les élèves viennent se confier. C’est la preuve qu’à chaque fois que quelqu’un va pouvoir incarner une position marginale par rapport à la répétition des habitudes, cela va créer des effets de vérité et libérer la parole."
Son homologue Sébastien Talon rebondit alors: "Quand on est clinicien, il faut accepter que l’on ne sait rien et que c’est le patient qui doit savoir. Et il faut aussi avoir cette posture-là face à certains savoirs. Quand on est enseignant par exemple, c’est de pouvoir dire: 'Voilà les propositions que je vous fais'. Mais dans le fond c’est notre éthique du dialogue qui va nous permettre d’éviter ensemble un dogmatisme sans affirmer que tel ou tel espace est la vérité."
Pour accompagner la jeune génération dans cette quête de la vérité, une chose est primordiale: le dialogue. Mais pas que! Sébastien Talon insiste également sur un mot: "L’écoute". "L’enfant va toujours poser la question qui va déranger: "Pourquoi telle personne est comme ça?", "Pourquoi j’observe ça?". Donc l’école peut justement transmettre à partir du moment où elle sait écouter. L’enfant fait et défait l’adulte parce qu’on a tous été à sa place. Donc notre capacité à réviser l’évidence c’est aussi parfois notre capacité à retrouver la part infantile qui est en nous."
"Déconstruire la notion d’une seule vérité"
Entre l’école et la maison, un adolescent peut rapidement glaner plusieurs vérités, plusieurs faits qui se contredisent et c’est pour cela que Marie Rose Moro, professeure en psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent souligne un point essentiel: "La pluralité des récits". "Il y a en a forcément plusieurs et ils sont tous nécessaires. C’est un principe d’enseignement. Si on aide les adolescents à avoir plusieurs types de récits, sur la guerre d’Algérie par exemple, on déconstruit alors, par définition, la notion d’une seule vérité qui s’impose à tous. Il faut que le savoir de l’école, de la famille et de la société puissent coexister. Si ce n’est pas le cas, cela donne l’impression qu’il y a ceux qui savent et ceux qui ne savent pas, ceux qui ont un savoir légitime et ceux qui ne l’ont pas. Et à ce moment-là, on n’est pas dans la transmission."
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