"On recherche avant tout de la quiétude": face à une demande croissante, des établissements de tourisme se spécialisent dans l’accueil de clients sans enfants

Pour répondre à une demande croissante de clients en recherche de tranquillité, l’offre touristique réservée aux 16 ans et plus se développe sur la Côte d’Azur et dans le Var.

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Margot Dasque et Olivier Bouisson Publié le 12/05/2025 à 07:15, mis à jour le 12/05/2025 à 07:36
Un choix de plus en plus assumé qui ouvre des opportunités. Photo Frank Muller

Un havre de paix. Voici ce que recherche Sylvie B. quand elle part en voyage. Son critère inconditionnel? Réserver uniquement des séjours "adult only". Comprenez: des établissements qui accueillent les jeunes gens à partir de 16 ans. "Je suis déjà partie en Espagne, en Grèce mais aussi en Allemagne pour le côté bien-être", indique-t-elle, ravie d’opter pour des endroits où les plus petits ne gambadent pas. "Nous n’avons pas d’enfant, on recherche avant tout de la quiétude. En plus, on peut partir en haute saison, juillet ou août, on ne se retrouve pas serrés comme des sardines." Un choix de plus en plus assumé qui ouvre des opportunités.

En témoigne la récente ouverture d’un nouvel établissement: La Villa Sainte-Valérie à Juan-les-Pins. Si ce 4 étoiles est le septième établissement du groupe La Villa Hôtels, il s’agit du premier que ses propriétaires, Stéphanie et Vincent Prieux, ont destiné uniquement aux adultes. "Cette demande était déjà présente chez nos clients - à 80% étrangers. Le cadre ici s’y prêtait particulièrement alors nous tentons l’aventure." Après quatre mois de rénovation, l’esprit de charme de la Provence infuse dans les trente chambres tournées vers le jardin et la piscine. Eux-mêmes parents de trois enfants, les dirigeants ne voient pas ce parti pris comme un marché allant contre les bouts de chou. "Quand des familles nous appellent pour réserver ici, on leur explique le concept et nous les accompagnons vers un autre de nos établissements plus adapté." Entre Nice, Antibes, Cannes et Juan, ces professionnels de l’accueil proposent un joli éventail. "Mais ici on se retrouve principalement avec des jeunes de moins de trente ans. Mais aussi des couples qui partent le temps d’un week-end sans enfant ou encore des grands-parents qui ont besoin de repos après avoir gardé les petits-enfants justement!"

Mamie et papi ont aussi besoin d’un break de temps en temps.

 

La Villa Sainte-Valérie, hôtel 4 étoiles à Juan-les-Pins, a ouvert en mars en prenant le parti pris du "adult only". Photo Dylan Meiffret.

"Les enfants, ça fait quarante ans qu’on les supporte!"

Direction le centre-Var, du côté de Cotignac. Annie et Claudine sont cousines germaines originaires de Moselle. "Au pays du charbon et des trois frontières", au carrefour de l’Allemagne et du Luxembourg. Depuis plusieurs années, elles sont installées avec leurs maris dans le Sud, respectivement à Saint-Apollinaire, un village des Hautes-Alpes qui surplombe le lac de Serre-Ponçon et à Auribeau-sur-Siagne, dans les Alpes-Maritimes. Tout comme leurs deux couples amis, eux aussi retraités au soleil.

Chaque année ou presque, la joyeuse bande se donne rendez-vous au cœur d’un vignoble de caractère. Au programme: dégustations, visites et bonne bouffe pour de l’œnotourisme haut de gamme. Déjà épinglés à leur palmarès: les coteaux d’Alsace, du Beaujolais et de Saint-Chinian.

Cette année, ce sont les Côtes de Provence qui ont remporté les suffrages. Ils ont élu domicile au Mas de Cotignac, un établissement "adult only" situé juste en dehors de ce village au charme provençal tant recherché. Pas moins de vingt-huit nationalités constituent cette tour de Babel varoise qui attire autant pour son pèlerinage à Notre-Dame-de-Grâces que son classement parmi les plus beaux villages de France depuis 2022.

Ce vendredi matin, les amis bouclent leurs valises. L’occasion de prendre un café avec eux pour connaître ce qui les a poussés à choisir ce type d’établissement.

" Si on a le choix entre deux hébergements, on choisit celui sans enfants ", assure en chœur la petite troupe qui avoue n’avoir jamais eu de mauvaise expérience. À Cotignac, la question ne s’est même pas posée puisque les amis ont réservé les quatre chambres disponibles. "Nous sommes des grands enfants qui veulent bien manger et jouer! ", résume la truculente Claudine. "Hier soir, on a fait des jeux et quand je suis allée me coucher, ils ont continué à brailler toute la soirée. J’aurais préféré des gosses!".

Denis donne un peu plus de sérieux au propos: "Quand on fait des enfants qui font des petits-enfants, on n’arrête jamais, donc si on peut avoir trois, quatre jours au calme, on prend! " "On est tous grands-parents, alors on mérite un week-end au calme! ", lance Annie. "Ah ça oui, les enfants, on les a supportés pendant 40 ans!", renchérit Betty.

Claudine rôde toujours: "Franchement, le cadre est plus adapté aux adultes qu’aux enfants mais il y a de quoi faire ici. Ils peuvent déterrer le basilic, casser les pots, faire le tour complet de la balançoire. Il y a tellement de déco fragile ici, tu mets un gosse là-dedans, il fait un strike!"

C’est ce qu’ont appris à leurs dépens Denis et Sylvie Gaboriau qui ont racheté l’établissement il y a onze ans. Ces restaurateurs lillois ont tenu pendant trente ans la Table du Champlain auréolée en 2011 d’un Bib gourmand Michelin. "Au début, on acceptait les enfants mais un jour, on a retrouvé deux gamines dans le jacuzzi. Les parents étaient partis promener ", grimace Denis. Une autre fois, les enfants couraient partout et jouaient avec l’eau de la fontaine au milieu des clients alors que les parents étaient scotchés sur leurs téléphones portables. Le problème, ce n’est pas tant les enfants, ce sont les parents! » "Eh bien, vous n’avez qu’à faire sans parents!", raille Claudine.

Au bout d’un an seulement, le couple décide donc de recommander à tout client de moins de moins de 16 ans de passer son chemin. Pas de frites ketchup à la carte. Ni d’animaux de compagnie d’ailleurs.

Ce virage a un effet positif sur les réservations confirme l’hôtelier. "50% de nos clients demandent ce critère. On a majoritairement des gens de 45-50 ans, qui ont fini d’élever leurs enfants en bas âge et veulent être tranquilles."

 

Il s’agit du septième hôtel de Stéphanie et Vincent Prieux: ainsi, ils ont six écrins à proposer aux familles! Photo Dylan Meiffret.

"Plutôt positif pour les familles"

Pour certains, la réflexion va plus loin. Jérémy préfère les vacances sans enfant, ou plutôt sans leur omniprésence. "Je recherche un respect de l’espace commun, sans parents qui laissent leurs enfants tout faire sous prétexte qu’eux-mêmes ont besoin de repos et sans difficulté à remettre cela en question", tranche-t-il en pointant le poids que cela peut représenter pour ceux qui ne se trouvent pas dans cette dynamique. "Je préfère des échanges variés qui ne se focalisent pas uniquement sur la parentalité, évitant ainsi une norme implicite autour de ce sujet." Une position qui demande à ne pas faire de généralités: "Si la présence d’enfants peut être enrichissante, certaines parentalités trop laxistes ou égocentrées créent des tensions que je préfère éviter." On y revient. La figure parentale serait donc le repoussoir pour certains d’entre nous? Pour Anna, le regard des autres est lourd, parfois trop. "J’ai deux enfants, je n’imagine pas partir sans eux, même un week-end. Mais il est vrai que l’on ressent une forme d’appréhension selon les hôtels, on peut se sentir très observés si l’on est les seuls parents avec enfant. Alors avoir des lieux identifiés pour les adultes, je trouve cela plutôt positif pour les familles, au final, ça laisse la possibilité à ceux qui ne veulent pas côtoyer de petits de se retrouver."

Les espaces réservés aux adultes seraient donc la solution? Pour le sociologue Gérard Neyrand, responsable Centre interdisciplinaire méditerranéen d’études et de recherches en sciences sociales, il s’agit de l’illustration d’un paradoxe. "On vit dans cette ambiance sociale un peu contradictoire à l’égard des enfants: certes on les valorise beaucoup mais on a tendance à vouloir préserver des espaces pour les adultes." Une réaction logique à un phénomène de "surcharge sur l’éducation parentale" selon l’expert. Pour le dire vulgairement: les parents ont la pression. "Ce qui est difficile c’est que la formation des enfants renvoie à un nombre croissant d’acteurs entre les instituteurs, les éducateurs dans les temps de loisirs... Mais on n’a jamais autant pointé le fait que les parents sont les seuls responsables de l’éducation." Dans ce contexte, la quête d’un espace sans enfant peut prendre la forme d’une parenthèse bienvenue pour les pères et mères. "C’est un équilibre", sourit Jeanne, jeune maman. "Pendant longtemps j’ai rêvé d’un week-end spa avec mon époux. Alors maintenant que l’on peut faire garder notre bébé, je ne vais pas m’effaroucher si l’on opte pour un hôtel adult only! Il ne faut pas voir le mal partout."

Cette bande d’amis se retrouve une fois par an dans un vignoble. Tous grands-parents, ils s’offrent une parenthèse ici au Mas de Cotignac. Photo Frank Muller.

"Pour capter une clientèle plus jeune"

René-Marc Chikli préside le Syndicat des entreprises du tour-operating (Seto). En tant que professionnel du tourisme il regarde la tendance "adult only" évoluer à l’étranger.

L’offre "adult only", c’est tout sauf nouveau en fait, non?

Absolument. C’est une formule qui s’est développée dans les années quatre-vingt-dix dans les grands resorts des Caraïbes. L’idée repose sur le tout inclus avec cet objectif de capter une clientèle plus jeune qui cherche de la quiétude pour ses vacances.

Ce n’est pas un pari risqué pour les établissements?

Non, on parle de grands volumes de clientèle. Les groupes ne se concentrent pas uniquement sur cette clientèle. Ils ont plusieurs hôtels et décident d’en passer certains en adult only. Je pense par exemple au Tikida Beach à Agadir qui a opéré ce tournant. Mais d’autres Tikida sont présents sur la destination pour accueillir le public.

Ce type de séjour est-il recherché?

Il ne concentre pas l’essentiel de la demande, mais il est entré dans les mœurs des clients français, oui. Depuis une quinzaine d’années on constate une évolution de l’offre.

Est-il plus cher pour le même nombre d’étoiles?

Non, il n’y a pas de vice caché. Les tarifs sont équivalents. Ce que l’on assure aux clients c’est qu’il n’y aura pas d’enfant qui se jette dans la piscine.

Quelles sont les destinations phares du genre?

La République dominicaine, les Baléares, les Maldives et les Caraïbes.

Quelles nouveautés remarquez-vous?

Le produit de base reste le même. Mais on voit qu’un développement intéressant se concentre sur le spa voire la balnéothérapie dans ces établissements.

Est-ce qu’à l’extrême opposé une offre "family only" se dessine?

Pas vraiment, les familles se retrouvent dans la formule classique sans se poser de questions. C’est le produit qui donne un sens au type de clientèle. Mais sinon il y a Disney!

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