L'État monégasque pourra bientôt indemniser les victimes d'infractions, crimes et délits en cas de non solvabilité de leurs auteurs
Le Conseil national a voté ce jeudi un projet de loi autorisant l’Etat à indemniser les victimes de divers crimes, infractions, délits et violences en cas de non solvabilité de leurs auteurs. Explications.
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Yannis DakikPublié le 12/12/2023 à 10:02, mis à jour le 12/12/2023 à 10:15
Les élus ont voté à l’unanimité le projet de loi n°1074.Photo d’archives Cyril Dodergny
Le Conseil national a voté ce jeudi un projet de loi n°1074, permettant aux victimes d’être indemnisées par l’état pour pallier l’insolvabilité des auteurs de certaines infractions pénales. Un texte qui vient finalement combler une longue attente de plusieurs années. "Il constitue une avancée majeure destinée à venir en aide aux victimes qui rencontrent des difficultés pour obtenir de la personne condamnée le paiement des dommages-intérêts qui leur ont été octroyés par une décision de justice", a souligné la rapporteure Christine Pasquier-Ciulla en séance jeudi.
Initialement prévu dans le cadre des infractions à caractère sexuel, le périmètre du texte a été nettement élargi, se sont félicités les élus. L’association d’Aide aux victimes d’infractions pénales, l’Union des femmes monégasques, l’association des Femmes leaders mondiales Monaco, et l’association Action innocence Monaco ont notamment participé aux échanges afin d’apporter leur expertise sur le sujet.
Que dit ce texte?
Concrètement, elle s’applique à une personne physique ayant fait l’objet d’une décision définitive exécutoire (qui n’est plus susceptible de faire l’objet d’une opposition ou d’un recours) d’une juridiction monégasque (ou d’une juridiction étrangère si la victime est de nationalité monégasque) qui n’est pas parvenue à obtenir réparation financière par l’auteur du préjudice. La victime doit ensuite adresser, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, une mise en demeure à la personne condamnée à lui verser l’intégralité des dommages et intérêts ou de la provision.
Parallèlement, dans un souci d’information et de clarté, le projet de loi stipule que "la juridiction monégasque qui prononce la condamnation devra l’informer de son droit de saisir le Directeur des services judiciaires d’une demande d’indemnisation ainsi que de la possibilité de saisir les services de l’État en charge de l’aide aux victimes, ou toute association conventionnée d’aide aux victimes".
L’auteur des faits toujours redevable
L’indemnisation de la victime par l’État n’intervient donc qu’en cas d’insolvabilité de l’auteur de l’infraction. Et dans cette logique, le texte rappelle que cette substitution de l’état ne libérera en aucun cas l’accusé de payer les sommes dues. De la même manière que si la victime devait finalement être indemnisée par l’auteur des faits, elle devrait en toute logique procéder au remboursement des sommes qui lui auront été versées par l’État.
Une indemnisation rapide et accélérée
C’est l’une des grandes satisfactions de la commission qui a travaillé de concert avec le gouvernement sur ce projet de loi. Initialement prévu à 3 mois, le délai imparti au directeur des services judiciaires pour rendre sa décision est passé à trente jours pour les décisions rendues à Monaco afin d’accélérer le versement des dédommagements.
Des mesures complémentaires
Si le texte a été voté à l’unanimité, d’autres mesures devraient (au plus vite, espèrent les élus) le compléter. Comme, notamment, l’élargissement de l’indemnisation aux victimes d’infractions pénales dont la plainte aurait fait l’objet d’un classement sans suite. Et ce, en raison de l’incapacité d’identifier l’auteur de l’infraction alors que "les faits et le préjudice subi sont matériellement établis". C’est une "double injustice puisqu’en l’absence de condamnation, son statut de victime ne sera pas reconnu par la justice et elle sera, en conséquence, privée de la possibilité de réclamer une indemnisation", a martelé la rapporteure Christine Pasquier-Ciulla, avant d’inviter le gouvernement à engager des réflexions à ce sujet.
Autre précision à apporter à ce projet de loi : la liste des pièces devant être fournies par les victimes à l’appui de leur demande, qui n’a pas encore été dévoilée. Un texte d’application devrait éclaircir ce point ainsi que le barème d’indemnisation, largement réclamé par les élus au gouvernement sans succès.
(1)Les victimes de crimes et délits contre les personnes, sans que ces infractions ne doivent nécessairement être commises à l’égard d’un ancien ou actuel conjoint, partenaire d’un contrat de vie commune, cohabitant ou encore ascendant ou descendant, comme l’exigeait initialement le projet de loi, les victimes d’actes de terrorisme et les victimes de traite des êtres humains.
Le barème d’indemnisation et les points d’amélioration attendus par les élus
Nathalie Amoratti-Blanc: "Je regrette, comme l’ensemble de mes collègues, que ce barème d’indemnisation ne nous ait pas été communiqué lors de l’étude de ce texte. Et ce, malgré de nombreuses demandes de notre part. Lorsque l’on voit les délais de publication concernant certains textes d’application nécessaires pour être en conformité avec les directives de Moneyval concernant la lutte anti-blanchiment, je m’inquiète très sincèrement du délai potentiel concernant ce barème… J’invite donc le gouvernement à publier dans les plus brefs délais ce texte d’application en rappelant que le barème d’indemnisation devra être en adéquation avec les préjudices subis par les victimes."
Béatrice Fresko-Rolfo: "J’en profite ce soir pour rappeler au gouvernement l’importance de la formation de tous les acteurs qui auront à prendre en charge les victimes d’infractions pénales. Une attention particulière doit être portée sur les mécanismes mis en place pour le recueil de leur parole, surtout lorsqu’il s’agit de personnes vulnérables ou rendues vulnérables par les circonstances. Je parle bien évidemment des enfants, des personnes âgées, des personnes sous influence et de tous ceux qui sont en situation de handicap."
Christine Pasquier-Ciulla: "Il reste cependant à réfléchir à l’indemnisation des victimes dont l’auteur de l’infraction n’est pas identifiable et ne peut donc pas être condamné. Ces victimes ne sont pas prises en charge par le dispositif actuel car cela aurait complexifié et donc retardé énormément le vote du texte. Nous travaillons sur le sujet et je suis convaincue, forte de cette première très bonne expérience, que nos réflexions communes permettront d’aboutir très bientôt à une solution."
La décla’
"Il ne peut être admis que les victimes bien souvent, après le procès, renoncent à faire valoir leur droit à être indemnisées plutôt que d’être confrontées à nouveau à leur agresseur. Le respect et la protection dus aux victimes doit, en toute circonstance, constituer la pierre d’assise de toute politique pénale.", Pierre Dartout, ministre d’état, lors de la séance à propos de ce projet de loi.
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