Le 28 juin 2024, la Principauté de Monaco était placée sur la liste grise du Gafi [Groupe d’action financière, ndlr] en matière de lutte contre le blanchiment d’argent et financement du terrorisme. Voyant la sanction poindre, le gouvernement avait d’emblée admis ses lacunes, tout en insistant sur les efforts déjà entrepris pour redresser la pente à horizon 2026, dans les délais impartis. En creux, puis sans fard au fil des semaines, l’exécutif avait concédé ne pas avoir fait de ce sujet une priorité, avant de passer en "mode commando" pour combler son retard. Des lois et nouvelles réglementations avaient ainsi été actées à tour de bras en un temps record, mais pas assez vite pour démontrer une réelle effectivité sur le terrain.
La sanction du Gafi venait alors s’ajouter à celle du Comité d’experts du Conseil de l’Europe (Moneyval), qui avait également placé la Principauté sous surveillance renforcée en matière de blanchiment en janvier 2023.
Depuis, le gouvernement a mis en avant des avancées liées notamment à la création d’un service de gestion des avoirs confisqués. Avoirs nettement en hausse selon le dernier bilan avancé par le Procureur général de Monaco, Stéphane Thibault. Toutefois, le manque d’efficacité du système judiciaire reste un casse-tête. La Principauté, dépendante de la France dans la nomination de ses magistrats, devant augmenter ses effectifs – et notamment développer son Parquet – y compris au greffe.
"Le résultat d’une mobilisation de grande ampleur"
Au terme d’une réunion plénière conjointe du Gafi et de Moneyval, présidée ce vendredi à Strasbourg par Elisa de Anda Madrazo et Nicola Muccioli, le gouvernement princier s’est félicité ce samedi que "la totalité des actions qui étaient dues [dans ce premier rapport] a été considérée comme largement traitée et de réels progrès ont été relevés concernant d’autres actions dues ultérieurement dans le cadre du plan d’action arrêté avec le GAFI (...) Les résultats remarquables ainsi obtenus par Monaco dans le cadre de cette première étape sont le résultat d’une mobilisation de grande ampleur de l’ensemble des services et autorités monégasques impliqués".
De leur côté, Gafi et Moneyval soulignent les progrès accomplis par Monaco pour remédier aux "insuffisances stratégiques de son régime de lutte contre le blanchiment". "Monaco a pris des mesures (...) en renforçant la compréhension du risque en matière de blanchiment d’argent et de fraude à l’impôt sur le revenu commise à l’étranger, en améliorant l’application des sanctions en cas de violation des exigences de base et de propriété effective et en examinant les condamnations dans les affaires de blanchiment d’argent et en prenant des mesures, le cas échéant, afin de renforcer la nécessité de sanctions efficaces, dissuasives et proportionnées en matière de blanchiment d’argent."
Les organisations mondiales incitant la Principauté à poursuivre son plan d’action "en faisant preuve d’une augmentation soutenue des demandes d’identification et de saisie des avoirs criminels à l’étranger; en renforçant l’application des sanctions; en achevant son programme de ressources pour sa CRF [cellule de renseignement financier] et en renforçant la qualité et la ponctualité des déclarations de soupçons; en améliorant l’efficacité judiciaire, notamment en augmentant les ressources des procureurs et en appliquant des sanctions efficaces, dissuasives et proportionnées pour le blanchiment d’argent; et en augmentant la saisie des biens suspectés de provenir d’activités criminelles."
Le prochain rapport est programmé pour décembre 2025.
Ce qu'il faut savoir
Le 4 juin dernier, à quelques heures de la visite d’État historique du Président Macron, le quotidien La Lettre avait jeté un pavé dans la mare en annonçant la volonté de l’Union européenne de placer la Principauté de Monaco sur sa liste des pays tiers "à haut risque" en matière de blanchiment d’argent. De quoi mettre en rogne l’exécutif qui, par la voix de son conseiller de gouvernement-ministre de l’Économie et des Finances, Pierre-André Chiappori, contestait aussitôt des raccourcis journalistiques: "Cette idée qu’il y aurait eu de nouvelles évaluations de l’UE défavorables à Monaco, conduisant à cette décision brutale, c’est totalement faux".
Et précisant: "La liste européenne est mise à jour de façon régulière et de façon quasi automatique(*) pour faire suite aux évolutions de la liste dite grise. La décision, à venir ou non parce qu’il y a quand même une petite incertitude, qui pourrait venir de l’Union européenne, serait la conséquence automatique de cette décision du Gafi. Nous espérons que la sortie de la liste européenne, si nous devions y rentrer, serait aussi automatique."
Ce mardi, l’Union européenne a confirmé avoir ajouté Monaco à sa liste des pays à "haut risque".
Interrogé le 25 juillet 2024 par Monaco-Matin sur la question de l’automaticité d’un placement sur la liste de l’Union européenne après avoir été épinglé sur celle du Gafi, le ministre d’État Pierre Dartout avait éludé la question dans un sourire: "Des choses se font en ce moment et n’ont pas vocation à être médiatisées". Le 12 décembre 2024, Pierre-André Chiappori évoquait, lui, la singularité de la Principauté: "Du fait de la situation très particulière de Monaco vis-à-vis de la France, il est possible que le cas de Monaco puisse être considéré, puisse réclamer un examen plus attentif".
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