"Je me sens capable de passer inaperçu": on a rencontré le champion de freestyle motocross Tom Pagès avant le départ du Bol d’Or au Castellet

Au virage de la quarantaine, le freestyler FMX Tom Pagès se lance un défi très particulier: traverser sans encombre sa première course de 24 heures en mode pistard ce week-end sur le circuit Paul-Ricard.

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Gil Léon Publié le 20/09/2025 à 10:17, mis à jour le 20/09/2025 à 10:17
interview
Sur la scène varoise du Bol d’Or, Tom Pagès va découvrir un autre monde en cravachant cette Honda... jour et nuit. Photo Camille Dodet

Sur la planète FMX, il a tutoyé les sommets durant près de 15 ans. Le temps d’empiler pas moins de 9médailles d’or aux X-Games (5) ainsi qu’aux Red Bull X-Fighters (4).

Devenu une légende du freestyle motocross, Tom Pagès n’enchaîne plus backflips, frontflips et autres sauts décoiffants, mais il continue de flirter avec la limite sur deux roues. Tantôt dans le vide, quand il réinvente le parapente guidon en main, tantôt dans le bac à sable XXL de l’Enduropale du Touquet...

Et maintenant qu’il vient de souffler sa 40e bougie, dans le grand bain du championnat du monde d’endurance, au Bol d’Or, un nouveau monde pour ce touche-à-tout qui découvre au Castellet l’exercice du double tour d’horloge sur la Honda CBR 1000 RR N°87 partagée avec deux journalistes de Moto Revue et Moto Journal et un guide hors pair, le recordman Vincent Philippe (9 victoires). Contact!

Tom, quand et comment cette aventure a-t-elle vu le jour?

J’aime beaucoup la moto de piste. J’ai participé une fois au Bol d’Argent (en 2012, sur le circuit de Magny-Cours, ndlr). Et l’an dernier, j’étais déjà ici, invité à disputer les deux courses finales du Challenge Yamaha R7 Europe. De là à imaginer me lancer à l’assaut d’une telle épreuve...Franchement, je n’y songeais pas. Ça me paraissait compliqué. Trop d’entraînement, vu que je n’ai jamais couru sur une 1000. Donc la proposition de monter une équipe autour de moi pour le Bol d’Or 2025 formulée par David Dumain (le directeur des rédactions des magazines moto des éditions Larivière) à ce moment-là me surprend pas mal. Je ne l’ai pas vu venir...

Et alors? Vous hésitez un peu, beaucoup ou pas du tout?

Ah je prends quand même le temps de la réflexion avant d’accepter. Le Bol d’Or, c’est une belle endurance. La finale du championnat du monde! Il y a du gros niveau, des top pilotes, ça va très très vite. Sacré challenge en perspective. Au début, je cogite. Normal. Moi, je n’ai guère envie de devenir le chat noir de la piste. Être ridicule, voire dangereux, non merci! Je veux me fondre dans la masse. Donc il faut absolument acquérir un certain rythme.

Cette CBR 1000, vous l’avez apprivoisée?

On a fait connaissance au Castellet cet été lors d’un "track day" Honda. Juste une prise en main. Et puis les essais pré-Bol (26-27 août) ont constitué un test grandeur nature. L’occasion d’augmenter la cadence en partageant la piste avec une vingtaine d’autres équipages engagés. Il s’agit d’une moto de la nouvelle catégorie Production, assez proche du modèle de série. La principale difficulté à mes yeux: la gestion de la puissance en sortie de virage. Où doit-on remettre les gaz ici et là pour éviter le "high side" qui vous catapulte dans le décor? Au début, c’était une hantise, ça me tétanisait. Heureusement, un partenaire, Ipone, m’a prêté une moto. De quoi enchaîner quatre roulages supplémentaires: d’abord ici sur le petit tracé (3,8km), puis en Espagne, à Barcelone, Alcarras et Navarra. Chemin faisant, la crainte s’est estompée. Mais elle n’a pas disparu.

Aujourd’hui, vous vous sentez prêt?

On ne l’est jamais assez. On préférerait toujours rouler plus. Là, je me sens capable de passer inaperçu dans le paquet. Mais attention: cette fois, nous partons pour deux tours d’horloge, par pour une vingtaine de minutes d’entraînement...

Justement, comment appréhendez-vous cet effort ultra-long par rapport à un run FMX?

Je vais m’appuyer sur mes coéquipiers! (Il rigole) Bon, trêve de plaisanterie, on ne va pas faire des relais XXL comme les pros. Chez nous, le réservoir est d’origine. Ça limite la distance entre chaque ravitaillement: 15 ou 16 tours, soit environ 30-35 minutes. Et l’équipage compte quatre pilotes contre trois en EWC (la catégorie reine). Eux, ils enquillent des relais d’une heure minimum. Le Trophée Production, c’est parfait pour débuter, apprendre, progresser.

Un jour avant la mise à feu, quel genre de pression ressentez-vous? Est-elle aussi forte qu’à l’abord d’une finale des X-Games où vous visez la médaille d’or?

(Du tac au tac) Rien à voir! Celle-ci, j’arrive à la gérer. J’espère juste être au niveau, avoir le rythme. Pas d’enjeu vital. Si je me rate, il n’y aura pas de dépression ensuite. ça sera stressant, OK, mais je vais mieux le vivre. Aux X-Games, je jouais ma carrière. En freestyle, je ne m’accordais aucun droit à l’erreur. Je flippais à l’idée d’être déçu, de ne pas pouvoir récolter les fruits de mon travail après tant d’efforts, tant de sacrifices. Au moment d’y aller, cette angoisse me rendait malade. Ça m’empêchait presque de dormir les semaines précédentes.

Avec Vincent Philippe, votre capitaine de route, le courant passe bien?

Garçon super sympa. Très attentionné. Pas avare en conseils. Je ne demande jamais de tuyaux à d’autres pilotes d’habitude. Avec lui, on échange naturellement. Il défriche le terrain, explique tout de A à Z: les trajectoires, les rapports de boîte, les points de réaccélération. À chaque séance, il part le premier afin de gommer tous les petits défauts. Cela vous permet ensuite de prendre la piste avec une moto réglée aux petits oignons. Vous avez la partition en tête. Reste juste à la réciter en évitant les fausses notes.

Prendre le départ ce samedi à 15h, ça vous brancherait?

Cet été, lors de mes premiers tours d’essais, impossible d’envisager ça. Je me sentais à des années-lumière des spécialistes de l’endurance. Maintenant, j’ai un meilleur feeling sur la moto. Je ne redoute plus de me faire bousculer. Mais de toute façon, l’homme de la situation, c’est Vincent. Il connaît la musique. Durant l’emballage initial, il va se faufiler comme un poisson dans l’eau.

Dans votre esprit, il s’agit d’une expérience unique? Ou pourrait-il y avoir une suite?

Ne mettons pas la charrue avant les bœufs, chaque chose en son temps. On va d’abord voir comment se déroule ce baptême du feu dans la cour des grands. Je me pose encore quelques questions. Par exemple, comment vais-je traverser la nuit? Quel sera mon état de fatigue en fin de course? Lundi, il fera jour et j’aurai tout le temps de réfléchir à l’avenir...

À propos de cette nuit à nulle autre pareille, du samedi au dimanche, vous pensez réussir à fermer l’œil?

Dormir? Ça dépendra du camping. La nuit du Bol ou des 24 Heures du Mans, je l’ai déjà vécue en spectateur. C’est Mad Max, quoi! À un moment, il faudra tout de même s’allonger, recharger les batteries. Si je n’enlève pas mes bouchons d’oreille, peut-être que j’arriverai à enchaîner quelques microsiestes...

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