Quel est ce nouveau record du monde de plongée profonde à saturation établi à Toulon?
Des militaires du "Centre expert plongée humaine et intervention sous la mer" ont simulé une plongée profonde à saturation à 200 mètres de fond. Ils ont passé dix jours dans un caisson hyperbare.
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Mathieu DalainePublié le 30/03/2025 à 11:22, mis à jour le 31/03/2025 à 08:47
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"Ouverture du panneau." Il est 10h, ce vendredi 28 mars, au Centre expert de plongée humaine et d’intervention sous la mer (Cephismer), situé sur la base navale de Toulon.
L’histoire de la pénétration sous-marine est en train de s’écrire. Quatre militaires s’extirpent du caisson hyperbare dans lequel ils sont enfermés depuis dix jours, tels des spationautes de retour sur Terre.
Leurs camarades de la Marine nationale applaudissent à tout rompre. Anaëlle et Chloé, respectivement trois et deux ans, tombent dans les bras de leur papa, le capitaine de corvette Romain.
"Ils viennent de battre un record du monde", s’enthousiasme Arnaud Le Béguec, commandant du Cephismer. "C’est la première fois qu’une plongée en saturation est réalisée à 200 mètres de profondeur, au recycleur électronique."
Afin de valider cette prouesse technique – de prime abord, assez obscure pour les profanes – la petite équipe n’est pas allée chercher la Méditerranée bien loin.
Grâce à une cuve en eau capable de reproduire une pression de 20 bars, située juste sous leur caisson, c’est la mer qui est venue à eux.
Une pièce cylindrique de quelques mètres carrés
Pour autant, cette simulation de plongée, préparée depuis des mois, ne fut pas une partie de plaisir.
Quand bien même, d’ailleurs, seules trois "sorties humides" de quelques heures ont été réalisées par les militaires dans cette drôle de sphère remplie de liquide à 8°C, soit la température de l’Atlantique à 200 mètres de fond.
Car une fois les excursions réalisées dans la cuve, tout le monde a dû s’installer dans l’enceinte du caisson hyperbare pendant 7 jours et 12 heures.
Et prendre son mal en patience, histoire de respecter scrupuleusement le délai de décompression et pouvoir "remonter à la surface" sans danger.
Le caisson hyperbare du Cephismer, dans lequel l’opération a été menée, permet de reproduire les conditions de plongées en mer avec une mise en pression progressive.
Photo Valérie le parcPhoto Valérie Le Parc.
Dans une pièce cylindrique de quelques mètres carrés seulement, où pour tout aménagement se trouvent quatre bannettes, quatre sièges et les commodités, on imagine combien le temps a pu paraître long. D’autant que téléphones et ordinateurs y étaient proscrits, à cause des risques liés aux batteries au lithium.
"Ce sont des enfants à l’intérieur: ils mangent, ils dorment, ils vont aux toilettes, ils jouent", rigolent Arnaud Le Béguec. Les distractions? Des jeux de société donc, des livres… et les hublots donnant sur l’extérieur. Mais pas que.
"Il y avait un médecin avec nous. On a dû réaliser tout un tas de tests physiologiques et cognitifs pour évaluer les risques de ces plongées sur la santé", souligne le capitaine de corvette Romain, pas mécontent au passage d’avoir abandonné sa "voix de canard" dans l’atmosphère chargée d’hélium du caisson.
La température corporelle d’un plongeur est ainsi tombée à 35,8°C après son passage dans la cuve, ce qui est anormalement bas… et livre déjà quelques pistes d’amélioration pour éviter les phénomènes d’hypothermie dans le futur. "On est conscient qu’on va devoir améliorer le matériel si on veut repousser les limites physiologiques de nos plongeurs", note le commandant.
Un projet militaire à horizon 2030 ou 2035
Mais au fait, à quoi servent ces plongées, si ce n’est pour la gloire de ces descendants directs de Cousteau et des Mousquemers?
"La première étape, c’était de vérifier que le concept opérationnel était bien viable", expose Arnaud Le Béguec. "Ensuite, l’idée, à horizon 2030 ou 2035, c’est que soit développé pour la Marine nationale un caisson permettant aux plongeurs de vraiment descendre à 250 mètres. Il serait mis en œuvre depuis un navire support."
L’intérêt de cette installation à plusieurs millions d’euros: pouvoir par exemple porter assistance à un sous-marin en détresse ou, pour les plongeurs démineurs, être capable de traiter une munition.
Le tout, sans limitation de durée pour les plongées, puisque les hommes-grenouilles bénéficieraient alors de leur sas à portée de palmes.
Mais dans l’immédiat, c’est une autre opération test, plus profonde encore, qui attend les "souris de laboratoire" du Cephismer l’an prochain. Pour un nouveau record?
L’intérieur du caisson hyperbare dans lequel trois plongeurs, accompagnés d’une médecin, ont passé dix jours.Photo Valérie Le Parc.
Qu’est-ce que la plongée à saturation?
La technique de plongée utilisée par les hommes du Cephismer, dite " à saturation ", permet de passer plus de temps dans les grandes profondeurs.
Son principe ? Une fois l’organisme saturé en gaz neutres (azote, hélium ou hydrogène, suivant la profondeur), les plongeurs doivent rester confinés dans des atmosphères sous pression pendant plusieurs jours avant de remonter à la surface.
Mais, avant cela, et si leur caisson hyperbare le permet, rien ne les empêche de répéter les sorties à la mer puisque leurs tissus sont d’ores et déjà "saturés".
À l’inverse, les techniques dites d’incursion, semblables à la plongée loisir, obligent les hommes-grenouilles à remonter en surface en respectant de longs paliers de décompression pour donner le temps à l’organisme de "dégazer".
Après un séjour à 200 mètres, cette phase dure entre 4 et 7h. Et là, la répétition des plongées, très nocive pour la santé, doit alors être limitée.
Une première, vraiment?
En 1988, La Comex battait le record du monde de plongée à saturation en atteignant la profondeur de 534 mètres. La différence par rapport à la marque établie par le Cephismer, outre que l’excursion avait été réalisée en mer.
"Eux, ils étaient reliés à la tourelle par un ombilical, un tube qui leur fournissait le mélange gazeux à respirer", explique Arnaud Le Béguec, commandant du Cephismer. "Nous, on a coupé le câble: nos plongeurs sont autonomes, avec un recycleur électronique qu’ils emportent sur leur dos".
En 2019, Laurent Ballesta avait également coupé le câble, mais à 144 mètres de profondeur "seulement", contre 200 mètres pour le Cephismer.
À noter tout de même, là aussi, que le photographe avait accompli son exploit au fond de la Méditerranée.
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