Ils avaient quatre, sept ou neuf ans. D’autres à peine plus grands. Ce soir-là, ils ont été blessés physiquement ou psychologiquement. Ce sont des enfants du 14 juillet: Ornella, Kenza, Inès, Perle ou encore Mathias. Des survivants.
Presque huit ans après la tragédie, ils vont, à l’instar des adultes, prendre leur courage à deux mains, et déposer par visioconférence de Nice, à la barre de la cour d’assises spécialement composée de Paris au procès en appel de l’attaque terroriste au camion-bélier en 2016. En première instance, quelques mineurs avaient témoigné, mais ils étaient déjà de grands adolescents. Il n’y avait pas d’enfants, ce sera une première.
"Décidé au cas par cas"
De très jeunes mineurs à la barre d’un procès terroriste: libérateur ou inconscient? "Je ne suis pas apte à dire si c’est bien ou pas, mais je pense que cela aurait dû être décidé au cas par cas, avec le courrier d’accord d’un psychologue", réagit Me Océane Dufoix, l’avocate de Mémorial des Anges, l’association fondée par Anne Murris. Cette dernière renchérit: "Nous avons des enfants dans l’association, et ça n’est pas venu à l’idée de leurs parents".
Celia Viale, coprésidente de Promenade des Anges est, elle aussi, dubitative. "Nous sommes inquiets pour les enfants, il aurait fallu l’avis d’un pédopsychiatre", lance la jeune femme. Qui enchaîne: "Je n’ai pas d’avis tranché, mais je trouve qu’au moins, les audiences devraient être à huis clos pour les enfants".
"C’est un droit" de l’enfant
"Il y avait environ 3.000 enfants le soir de l’attentat et on ne parle que d’une poignée d’entre eux aujourd’hui, ceux qui ont voulu le faire, ceux qui ont choisi de témoigner", objecte Me Marie-Pierre Lazard. L’avocate raconte le processus au sein de l’association Une voix des enfants, présidée par Hager, maman de Kenza, l’un des bambins qui va prendre la parole: "On a informés les enfants et les familles qu’ils avaient cette possibilité. Et il y a ceux qui ont dit: moi je veux parler". "C’est un droit! Un droit fondamental depuis 1989 et la convention internationale des droits de l’enfant", rappelle l’avocate niçoise.
Kenza, quatre ans en 2016
En première instance en 2022, Kenza, aujourd’hui âgée de 11 ans, avait déjà voulu raconter son histoire, son traumatisme, son "14 juillet". Elle n’avait pas eu le droit. "Ça avait été refusé, elle avait été tellement frustrée, tellement dépitée, triste et frustrée de ne pas pouvoir témoigner", soupire Me Lazard. "Kenza avait quatre ans le jour de l’attentat et elle a plus de souvenirs que sa mère!", souffle l’avocate niçoise. Le 14 juillet, sa maman dit s’être jetée sous le camion qui roulait, implacable, sur la promenade des Anglais, en protégeant son enfant de son corps.
"Pour les enfants qui en ont besoin, qui en ont envie, parler au procès sera libérateur", argumente encore Me Lazard. Aucun enfant n’a été incité à le faire, insiste-t-elle. "Il y a un petit garçon, qui s’appelle Lazard qui voulait parler et qui, finalement, ne le fera pas, il ne se sent plus. Seul Mathias son jumeau va témoigner. Le soir de la tragédie, Lazard était en train de jouer avec son copain Yanis, l’un des enfants tués dans l’attentat. Lazard a vu le corps de son copain à terre, dans le cri et le sang. Il a vu, ensuite, le corps de son petit copain dans les bras de son père. Il est encore extrêmement traumatisé", se désole l’avocate.
Le 14 juillet 2016, le terroriste au camion a fait 86 morts, plus de 450 blessés et des milliers de personnes traumatisées. Quinze enfants ou adolescents sont décédés ce soir-là et plus de 700 ont dû être suivis psychologiquement.
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