Quand le Seigneur de Monaco était tué de 43 coups de poignard dans le Palais princier... par son propre neveu
Dramatique fin d’été 1523 sur le Rocher : le seigneur de Monaco, qui était lui même monté sur le trône après avoir tué son frère, fut victime d’un guet-apens.
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André PeyrègnePublié le 07/09/2025 à 17:30, mis à jour le 07/09/2025 à 17:30
Lucien Grimaldi.DR
En cette chaude matinée du 22 août 1523, le palais semblait somnoler. Seul Lucien Grimaldi s’activait déjà. Il était seigneur de Monaco depuis 1505. (On disait "seigneur" à l’époque, et pas encore "prince").
Il était arrivé à cette fonction de manière violente : il avait… tué son frère Jean II pour lui succéder ! Dans l’aile neuve du Palais qu’il avait fait bâtir pour asseoir sa gloire, il arpentait les pièces claires.
Il était fier d’avoir résisté, en 1506, au siège de quatorze mille Génois qui étaient venus pour s’emparer Monaco. À la tête de mille cinq cents Monégasques, il avait tenu cinq mois avant que les assaillants ne se découragent et ne repartent.
Le neveu de Lucien
Ce matin-là, le 22 août 1523, un certain Barthélémy Doria s’était présenté à la porte du Palais pour être reçu par lui.
Un groupe d’hommes l’avait accompagné mais était resté à l’extérieur du Palais. Barthélémy Doria était le neveu de Lucien Grimaldi (fils de sa sœur Françoise).
Il appartenait à la branche de la famille génoise des Doria qui était installée dans la seigneurie de Dolceacqua, au-dessus de Vintimille.
Il était également le cousin du célèbre amiral de Gênes, le puissant Andrea Doria. Les deux branches de la famille avaient des visées sur Monaco et avaient décidé de coordonner leur action.
Pendant que Barthélémy Doria attendait dans la cour du Palais pour être reçu par Lucien Grimaldi, Andrea Doria, lui, s’était présenté avec quelques navires dans le port de Monaco et attendait le déroulement des événements.
Avant d’être reçu, Barthélémy, dans la cour du Palais, observait la géographie du lieu, ses entrées, ses sorties, l’emplacement des gardes, les allées et venues du personnel.
Certes, il connaissait déjà l’endroit, y étant venu plusieurs fois, mais avait besoin de faire quelques dernières vérifications.
Une carte de Monaco au XVIe siècle.DR.
Un guet-apens
Lucien finit par recevoir Barthélémy. Il accueillit d’une accolade chaleureuse ce membre de sa famille qui, jusqu’à présent, ne lui avait montré aucun signe d’infidélité.
Barthélémy expliqua qu’il avait l’intention de se rendre en France pour s’enrôler avec ses hommes dans l’armée du roi François 1er. Lucien le félicita et lui proposa de lui remettre des lettres de recommandation pour la Cour de France.
Vint le moment du déjeuner. Barthélémy était assis à la place d’honneur. On le sentait inquiet.
Avant la fin du repas, il dit à Lucien qu’il accepterait volontiers les lettres de recommandation qu’il lui avait promises. "Pourquoi attendre davantage, lui dit Lucien? Nous allons nous rendre dans mon bureau et je te les donnerai!" C’est le moment qu’attendait Barthélémy.
Selon certains récits, il demanda alors au majordome de Lucien s’il acceptait de porter un message à Andrea Doria au port.
Le but de l’opération était de se débarrasser de ce personnage qui était aussi un garde du corps de Lucien. Barthélémy et Lucien se retrouvèrent donc seuls à l’étage au-dessus, dans une pièce aux murs clairs dont la fenêtre était ouverte sur les jardins.
C’est là que les choses se précipitèrent. Lucien sortit son encrier et sa plume et commença à écrire.
Barthélémy Doria, qui se trouvait dans son dos, le prit par les cheveux, fit basculer sa tête en arrière et, sans rien dire, d’un geste brusque, lui trancha la gorge à l’aide d’une dague. Le sang jaillit.
Les événements s’accélérèrent alors. Les complices de Barthélémy Doria qui s’étaient introduits dans le Palais surgirent dans la pièce.
Lucien ne reçut pas moins de… quarante-trois coups de poignard. Son corps bascula et heurta le sol ensanglanté.
Par la fenêtre restée ouverte, Barthélémy alluma un feu pour signaler aux hommes d’Andrea que l’opération avait réussi. Puis il descendit les marches, les mains en sang.
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Les comploteurs en fuite
Dans les couloirs du Palais, c’était l’affolement. Tout le monde avait compris ce qui venait de se passer. Pour échapper au massacre, les domestiques se retrouvèrent sur la grande terrasse du Palais.
Leurs cris commencèrent à alerter la population. Les habitants accoururent alors en plus grand nombre qu’il n’était prévu. Comprenant qu’ils n’arriveraient pas à maîtriser la situation, les comploteurs s’enfuirent au plus vite.
La suite est racontée par… François 1er lui-même, dans une histoire datée du 7 octobre 1523 (citée par Thomas Fouilleron dans son Histoire de Monaco): "Le seigneur de Dolceaqua se retrouva en une place de notre cher et aimé oncle le duc de Savoie appelée la Turbie où des galères envoyèrent plusieurs gens de guerre et arquebusiers qui l’emmenèrent et le conduisirent jusqu’à ces dites galères et le portèrent jusqu’à la plage de Vintimille."
Le frère de Lucien au pouvoir
La population monégasque fit front autour de la famille Grimaldi. Il n’était pas question que le Rocher repasse une nouvelle fois à une autre famille.
On avait déjà connu ça à trois reprises dans le passé : entre 1301 et 1331, entre 1357 et 1397, entre 1402 et 1419 ! Le complot avait échoué, Monaco resterait aux Grimaldi!
Comme le fils de Lucien n’avait que… 9 mois, on fit appel au frère cadet de Lucien, Augustin Grimaldi. Il était entré dans les ordres et était devenu évêque de Grasse.
Le pape Clément VII lui accorda l’autorisation d’occuper la fonction de Seigneur de Monaco.
Et c’est ainsi que la dynastie Grimaldi fut sauvée au sommet du Rocher de Monaco.
Andrea Doria, cousin et complice de Barthélémy Doria, l’assassin du Seigneur de Monaco en 1523.DR.
Le seigneur Augustin
Augustin Grimaldi, l’homme d’Église qui n’était pas prêt à prendre le pouvoir mais assuma son rôle avec courage et détermination, prit des décisions capitales pour l’Histoire de Monaco.
S’étant fâché avec le roi de France François 1er qui ne lui permit pas d’arrêter l’assassin de son frère, il se tourna vers le très catholique roi d’Espagne Charles Quint.
Cela eut pour conséquence que Monaco fut pendant plus d’un siècle sous la tutelle de l’Espagne. Beaucoup ont oublié ce long épisode.
Au moment où on apprend que l’événement sportif du Tour d’Espagne, la Vuelta, partira l’an prochain de la Principauté, il n’est pas inutile de rappeler cet important épisode dans l’Histoire de la Principauté.
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