"Il copie plutôt un univers, un esprit": une experte en propriété intellectuelle nous éclaire sur le "dupe"

Face à ce marché en plein boom, les "dupes" flirtent-ils avec la légalité? Comment s'en protéger? Quels enjeux pour la fast fashion? Maître Tania de La Celle, avocate experte des questions de droit de l’innovation, du numérique et de propriété intellectuelle nous éclaire.

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Margot Dasque (mdasque@nicematin.fr) Publié le 16/06/2025 à 11:58, mis à jour le 16/06/2025 à 11:58
Au marché de Vintimille, les produits reprenant les codes des maisons de luxe s’étalent sans complexe sur les stands. Photo Cyril Dodergny

Maître Tania de La Celle est avocate experte des questions de droit de l’innovation, du numérique et de propriété intellectuelle. Son cabinet est installé à Valbonne. Comment le droit définit-il la contrefaçon? On peut la définir, en droit civil, comme tout acte de reproduction, d’imitation ou d’utilisation totale ou partielle d’un droit de propriété intellectuelle sans l’autorisation de son propriétaire. La contrefaçon est également un délit pénal. Les peines encourues vont de 3 ans d’emprisonnement et 300.000 euros d’amende à 7 ans d’emprisonnement et 750.000 euros d’amende, en fonction des droits concernés et des circonstances. En droit de la propriété intellectuelle, on distingue la propriété littéraire et artistique de la propriété industrielle. Dans le domaine de la mode, on va retrouver des droits appartenant à ces deux univers: les droits d’auteur d’un côté, les marques, dessins et modèles de l’autre. Les droits d’auteur protègent les "œuvres de l’esprit" dès le moment de leur création. Juridiquement l’œuvre protégeable est celle qui est originale et identifiée ou identifiable. Pour être originale, une œuvre doit "refléter l’empreinte de la personnalité de l’auteur". Autrement dit, on doit percevoir les choix créatifs et libres de l’auteur. Il faut donc que l’œuvre soit identifiable de manière précise et objective, et donc qu’elle soit matérialisée - raison pour laquelle idées et concepts ne se protègent pas. En ce qui concerne les marques, dessins et modèles, la protection passe par l’obtention d’un titre après un dépôt auprès d’un office qui va vérifier que les conditions requises de protection sont bien réunies. Si elles le sont, l’INPI va délivrer un titre au déposant, sorte de certificat de propriété.

Et si l’œuvre copiée n’a pas été déposée à l’INPI?

Contrairement aux marques ou aux dessins et modèles, l’œuvre bénéficie automatiquement d’une protection dès sa création, à condition d’être originale et identifiée ou identifiable. Il est utile de se créer des preuves de la paternité/maternité de l’œuvre et de sa date de création. Plusieurs moyens sont disponibles: déposer une enveloppe Soleau auprès de l’INPI, s’envoyer à soi-même l’œuvre sous pli recommandé - à ne pas décacheter -, ou encore utiliser des services spécialisés comme l’horodatage électronique ou les blockchains. Ces méthodes permettent de dater et de prouver l’origine de vos créations, ce qui peut se révéler crucial en cas de contentieux.

Les "dupes" de la fast fashion relèvent-ils de la contrefaçon?

Là où la contrefaçon copie un produit, le "dupe" copie plutôt un univers, un esprit. Les "dupes" flirtent avec la règle, et les marques de fast fashion ont bien compris l’enjeu.
Tant qu’il n’y a pas de reproduction, d’imitation ou d’utilisation totale ou partielle d’une œuvre, d’un dessin ou modèle ou d’une marque, il n’y aura pas de contrefaçon. Elles modifient souvent des détails pour éviter d’encourir une sanction.

Quid de la jurisprudence?

En cas de copie servile, y compris d’une marque, les juges n’hésitent pas à condamner les contrefacteurs comme dans l’affaire opposant Louis Vuitton à H & M pour un collier portant un signe de "V" qui, selon la Cour d’appel de Paris "remplit une fonction d’indication d’origine [...] et présente un caractère distinctif intrinsèque".

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