Il est rarissime de voir un prévenu, évidemment menotté à son arrivée dans le box afin d'être jugé en comparution immédiate, sourire et afficher une sympathie… peut-être feinte? Il apparaît même d’une humeur badine, à l'aise dans ses pensées comme dans ses propos. Pourtant, quand il a été contrôlé par les policiers le 13 avril, au niveau du Jardin exotique, il transportait dans son véhicule dix sachets de cannabis qu'il venait juste d'acquérir. Plus surprenant, les agents se sont aperçus que ce conducteur faisait également l'objet d'une procédure d'extradition demandée par la Moldavie! Ignorait-il cette mesure, comme il l'a prétendu à l'audience?
Avec sa bonhomie incessante, il veut en quelque sorte rassurer la présidente Aline Brousse (*), surtout inquiétée par la quantité de haschisch possédée. Aurait-on mis les mains sur un énième trafic de stupéfiants? Ce personnage originaire de l’Est est formel: il consomme des cannabinacées en faible quantité et uniquement le soir dans un but thérapeutique,
"Était-ce la période des soldes?"
« Il y a deux ans, j'ai eu un grave accident et je ne puis dormir depuis sans cette dépendance à la substance.
- Combien avez-vous payé chaque paquet, demande, méfiante, la magistrate?
- Une dizaine d'euros par unité.
- Était-ce la période des soldes? Car en général, c'est beaucoup plus cher. Ces sachets n'étaient-ils pas destinés plutôt à la revente avec un substantiel bénéfice?
- Je conteste toute intention de trafic. Je ne savais pas que cette détention de chanvre pouvait me conduire en prison. Ce soir-là, je me rendais chez un ami à Beausoleil. Je me suis simplement trompé de route à la bifurcation pour Monaco. Je n'ai rien à me reprocher. J'ai 33 ans et je travaille sur des chantiers en tant qu'ingénieur sous contrat et déclaré avec un salaire de 2.500 euros mensuel.
- Vous avez été condamné récemment pour violation de domicile avec menaces dans votre pays…
- Je ne savais pas que j'avais été jugé en 2024. »
Dès les réquisitions, la représentante du Parquet général n'observe aucune condition favorable pour le détenu. Car les faits reprochés relèvent bien d'une infraction à la législation. "Monsieur ment, conclut rigoureusement la procureure Christine Mutiloa. Il hausse les épaules aux questions des policiers et des sachets sont même découverts dans les poches du véhicule. Visiblement, le coupable était là à dessein pour faire du trafic. Il a d'ailleurs de très bons contacts niçois pour acheter le produit à bons prix. Outre des transactions, c'est aussi un consommateur régulier. Deux mois ferme plus une interdiction de territoire pendant cinq ans."
"Ni il ment, ni il cherche à dissimuler"
Dans sa plaidoirie, son avocat estime que la caractérisation des faits pour en faire une session n'est pas caractérisée. "Mon client, relate Me Robin Svara, a tout fait pour justifier son identité avec son passeport. S'il y a eu quelques battements entre les questions et réponses, c'est à cause de l'incompréhension de la langue. Ni il ment! Ni il cherche à dissimuler! Les quantités sont cohérentes avec une consommation personnelle. Seule la qualité du produit est douteuse. Ce qui explique le prix bien en deçà du tarif pratiqué. Le prévenu est venu en France pour gagner plus d'argent. Il n'a pas de casier…"
Et de rajouter pour crédibiliser sa défense: "Quant à sa condamnation en Moldavie, où il est attendu, elle n'a rien à voir avec des stupéfiants. La sanction réclamée est sévère. Songez plutôt au sursis."
Au moment du jugement, le tribunal a requalifié les faits de trafic en détention pour consommation personnelle. Dès lors, la peine requise a été très allégée et le prévenu écope d'un mois avec sursis et d’une interdiction de territoire monégasque pendant un an. La procédure d'extradition ne devra, en aucun cas, excéder quarante jours après l'arrestation.
Assesseurs: Evelyne Husson et Cyrielle Colle.
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