C’était il y a un an. C’était hier. "Ça restera une date gravée à vie", témoigne Béatrice, Niçoise de 47 ans.
Le 24 juillet 2024, vers 17h30, sa fille Sarah, 19 ans à l’époque, a été renversée à trottinette à Nice, boulevard Gambetta. Elle a été grièvement blessée.
"Ce jour-là, pendant deux heures, je n’ai pas su si ma fille allait vivre ou mourir…"
Sarah a vécu, et largement récupéré de ses blessures. Mais pour sa mère, l’approche du premier anniversaire ravive le traumatisme.
C’est dans ce contexte qu’une information parvenue à ses oreilles l’a fait bondir. Une information relative à l’automobiliste qui a percuté Sarah, condamné le 11 septembre à 30 mois de prison, dont 12 ferme aménageables.
"J’ai appris de source sûre que ce monsieur n’avait toujours pas fait sa peine. Comment c’est possible?"
Retour au 24 juillet 2024. Sarah se rend à trottinette à son job d’été dans un hôtel niçois. Un vétérinaire ukrainien emprunte la voie réservée aux bus boulevard Gambetta, à contresens.
Sa Mercedes heurte le deux-roues au niveau de la place Franklin. Béatrice et son mari accourent sur place.
"Ma fille était consciente. Mais elle n’avait plus ses lèvres. Elle a tapé la tête la première, sans casque... Elle est partie à Pasteur en réanimation."
"Je voulais qu’il soit puni"
Le soulagement arrivera deux heures plus tard. Aucun organe vital n’a été touché. "Au final, ce sont des dents cassées, une opération du genou, la rééducation, le psy...", rembobine Béatrice.
Sarah doit faire une croix sur son année d’études au Canada. Mais elle parvient à suivre ses cours en visio, puis à regagner son campus en janvier.
Elle continue à subir des interventions chirurgicales. Elle ne conduit plus de trottinette, a passé le permis. Elle s’efforce de tourner la page.
Béatrice vit la situation différemment. "Les premiers mois, c’était affreux. Je suis restée sous le choc pendant deux semaines. Puis je passais de la sidération à des pleurs continus. Ensuite, je suis passée en mode colère. Je voulais que ce mec-là soit puni."
Le jour du procès, Sarah vient à l’audience avec son père. Béatrice n’a pas trouvé la force de l’accompagner.
L’automobiliste écope d’un an ferme pour blessures involontaires ayant entraîné plus de 3 mois d’ITT (incapacité totale de travail). Une peine à effectuer sous bracelet électronique à domicile.
Pas anodin, mais forcément insuffisant pour la mère d’une victime. "Après le jugement, j’ai essayé d’accepter."
Elle n’accepte pas, en revanche, que cette peine ne soit toujours pas exécutée.
"Cela participe du sentiment d’abandon des victimes"
Me Jean-Pascal Padovani, l’avocat du vétérinaire ukrainien, confirme que son client ne l’a pas encore exécutée.
"Il est passé devant le juge d’application des peines. Il ne s’est pas défilé à ses obligations. La peine sera appliquée. Nous attendons à présent la décision du juge. Et cela peut prendre du temps."
Plus de dix mois? "C’est un peu long, mais ça ne m’étonne pas, réagit le pénaliste niçois. Ils sont engorgés. Ils doivent traiter tous les dossiers..."
Pour la mère de Sarah, ce décalage entre le prononcé de la peine et son application est inacceptable.
"Nous, on a vécu une année de m..., ma fille n’est pas sortie pendant des mois, et lui, il continue à vivre normalement. C’est une injustice pas possible! Si ça se trouve, il continue à conduire alors qu’on lui a enlevé son permis..."
Ce n’est pas le cas, assure Me Padovani. Son client "ne conduit plus". Et la justice a saisi sa voiture. "Il est marqué par ces faits. Lui-même est père de deux enfants, et très gêné par rapport à la situation médicale de la dame."
Pas de quoi apaiser Béatrice. "Certes, il n’a pas tué ma fille. Encore heureux, c’est juste un miracle! Mais il n’y a pas de punition." Me Nicolas Gemsa, l’avocat de Sarah, regrette que les moyens annoncés pour la justice tardent à se ressentir sur le terrain.
"Cela participe du sentiment d’abandon des victimes d’accidents corporels graves que nous défendons. Il faut que les justiciables gardent confiance dans l’institution judiciaire, car le volet répressif contribue beaucoup à leur reconstruction, en complément de la réparation intégrale."
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