"À ce stade, le tunnel de Tende est condamné"
Les routes de la Roya ont été comme bombardées... Comment désenclaver la vallée?
On a des pistes, aux sens propre et figuré. Avec le Conseil départemental, on va essayer de fortifier la piste forestière du Terris, au niveau des gorges de Paganin, pour reconnecter la haute et la basse vallée.
L’enjeu, c’est d’avoir des voies d’accès un peu normalisées avant l’hiver pour assurer le ravitaillement, un peu de circulation, et acheminer tous les matériaux, matériels et engins nécessaires pour travailler.
C’est une course contre-la-montre avec l’hiver?
Un peu, oui. C’est ce que je dis tous les jours à la SNCF. Moi aussi, ma préoccupation, c’est de rétablir le plus vite possible la ligne de chemin de fer coupée à Saint-Dalmas.
Il y a une fragilité majeure au niveau du pont, un effondrement au niveau des piles, et le tunnel est encombré par de la boue, des pierres et des embâcles. Il faut avancer plus vite sur ce chantier, pour avoir des axes de circulation fortifiés avant l’hiver.
À quand le retour du train des Merveilles entre Tende et Saint-Dalmas? On parle de mi-février...
C’est, à ce stade, le calendrier de la SNCF. Mais je leur dis tous les jours: "Il faut accélérer ce chantier. Il faut travailler la nuit, les week-ends." C’est compliqué pour eux. Il y a un conflit d’usages entre ces travaux, le trafic voyageurs et la draisine qui achemine vivres et foin, sur une ligne qui mériterait d’être un peu modernisée. Il faut arriver à bien articuler tous ces sujets. Et aller vite.
Les habitants estiment que cela ne va pas assez vite, justement...
Le travail de coopération avec les Italiens est précieux. On a rétabli le trafic voyageurs entre Limone et Tende. On est en train de rétablir le trafic fret, avec la filiale italienne de la SNCF fret (Captrain Italia).
On pourra ainsi réapprovisionner Tende en marchandises et en fioul. On a aussi rouvert avec les Italiens la route-piste dite de l’Amitié, qui va de La Brigue à Rialdo. Ce n’est pas parfait, mais on peut l’utiliser tant qu’il n’y a pas de chutes de neige.
C’est l’oxygène des habitants de la vallée qui l’empruntent pour aller en Italie. Le problème, c’est qu’on n’a pas cinquante voies d’accès! Au tunnel de Tende, les voies d’accès sont effondrées. Là aussi, c’est un spectacle de désolation terrible...
Le tunnel est-il condamné?
À ce stade, oui. Toute une partie de la montagne s’est effondrée à l’entrée du tunnel routier. Et le chantier du deuxième tunnel est évidemment stoppé. Il y aura des travaux pharaoniques à engager.
C’était déjà mal engagé... Faut-il d’ores et déjà envisager une autre solution que le tunnel de Tende dans dix, quinze, vingt ans?
Non. Il faut reprendre le dialogue avec les Italiens sur ce sujet. Voir comment reconstruire l’entrée du tunnel côté français. Et remettre à plat la relation franco-italienne sur la ligne de chemin de fer, la gestion des inondations, des feux de forêt...
Comment se passe cette relation?
Elle se passe bien. Le dialogue est plutôt facile avec les Italiens. Mais il y a plein de sujets à remettre sur la table, comme la convention de 1970 sur cette ligne [ferroviaire] entre Cuneo et Vintimille... Il faut un regard un peu renouvelé.
Cette tempête est une opportunité pour offrir une deuxième vie à cette ligne, qui apparaît vitale?
Je pense que oui. Ce débouché sur la Méditerranée, entre Cuneo et Vintimille, c’est un élément d’attractivité intéressant pour les Italiens. En plus, cette ligne est magnifique!
Ce type d’événement doit nous amener à renouveler les approches sur ces lignes. On voit bien aujourd’hui que, si on n’avait pas cette ligne de chemin de fer, on serait bien embêté...
Une pétition qui rassemble déjà plus de 43.000 signatures réclame les moyens lourds du Génie militaire pour reconstruire les routes de la Roya. L’armée va-t-elle revenir?
Jeudi prochain, nous serons à Tende avec le préfet des Alpes-Maritimes, le préfet de région et le gouverneur militaire, pour faire un point précis sur les sujets compliqués dans la haute vallée de la Roya: les gorges de Paganin, les ponts...
On sollicite à nouveau le Centre national des ponts de secours, qui avait fait une expertise trop rapide. On voit bien où l’on pourrait installer quelques ponts Bailey [ouvrages de conception militaire, ndlr] à Tende, à Fontan. Cela nous permettra de raccommoder un peu les liaisons.
Le gouverneur militaire va voir dans quelle mesure on peut faire intervenir le Génie militaire. Nous mobilisons aussi les ingénieurs civils spécialisés haute montagne du Ministère de la transition écologique, en appui des services du Département.
La topographie est très compliquée... Il faut aller vite, avant l’hiver, avant la neige.
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