Plus haute juridiction française, le Conseil d’État va à son tour se pencher sur la "Jeanne d’Arc de Nice". Selon nos informations le ministère de l’Intérieur a décidé de se pourvoir en cassation dans cette affaire qui oppose l’État à la régie métropolitaine Parcs Azur.
Cette statue monumentale, dorée à l’or fin, avait été commandée "sans publicité ni mise en concurrence" à l’atelier Missor pour orner le nouveau parc de stationnement inauguré, en octobre 2024, par la régie métropolitaine. Un marché à 170.000 euros hors taxes qui, selon les services de l’État en charge du contrôle de la légalité, aurait dû faire l’objet d’une mise en concurrence.
La justice saisie par le préfet
L’ancien préfet des Alpes-Maritimes, Hugues Moutouh, avait dès lors saisi le tribunal administratif. En première instance, les magistrats lui avaient donné raison. En janvier dernier, le marché de commande de cette "Jeanne d’Arc niçoise" avait été annulé. La statue de Jeanne d’Arc était donc vouée à disparaître du paysage public de la capitale azuréenne. Du moins jusqu’à ce que la cour administrative d’appel de Marseille n’en décide autrement. Parcs Azur et l’atelier ayant fait appel de la décision rendue par le tribunal administratif de Nice.
Les magistrats phocéens avaient dû s’y prendre à deux fois et s’y mettre à sept pour trancher le débat passionné autour de cette statue. Sur le plan politique l’affaire s’est en effet muée en bataille rangée autour de la défense d’une icône nationale. Une souscription avait été lancée, avec le soutien du maire de Nice Christian Estrosi, pour racheter la statue avec des fonds privés. L’extrême droite avait de son côté manifesté à ses pieds. Ce n’est pourtant pas cet emballement qui a rendu l’affaire si difficile à juger. D’un point de vue du droit, la question de savoir s’il faut systématiquement en passé par une mise en concurrence pour acheter une œuvre d’art qui, par définition, est unique ne s’était en réalité jamais posée.
Ultime voie de recours
Face à ce dilemme juridique, la cour administrative d’appel de Marseille a délivré le 17 juillet dernier un arrêt aux allures de jugement de Salomon. Elle donnait cette fois raison à la régie métropolitaine tout en soulignant qu’elle avait commis une "erreur" - mais pas un "vice d’une particulière gravité", là est la nuance - en faisant l’économie d’une mise en concurrence.
L’affaire aurait pu s’arrêter là. Sauf à utiliser l’ultime voie procédurale encore ouverte: un pourvoi en cassation. L’État avait deux mois pour former un tel recours. Jusqu’au 17 septembre donc. Selon nos informations, il aura fallu attendre les derniers jours de ce délai légal pour que la direction des libertés et des affaires juridiques du ministère de l’Intérieur prenne le relais de la préfecture des Alpes-Maritimes et saisisse le Conseil d’État.
La plus haute juridiction française en matière administrative va donc, à son tour se pencher, sur l’affaire "Jeanne d’Arc". Mais pas sur le fond du dossier. Son rôle, d’ici quelques mois, se bornera à vérifier si l’arrêt rendu par la cour administrative d’appel de Marseille respecte la loi à la lettre. Mais si telle n’est pas le cas, la "Jeanne d’Arc de Nice" pourrait avoir droit à un troisième "procès".
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