Alors que l’agence de notation Fitch ratings doit publier ce vendredi 12 septembre la note financière de la France, l’économiste professeur émérite d’économie à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne Christian de Boissieu estime qu’une dégradation d’un cran, piste la plus probable à ses yeux, serait une mauvaise nouvelle, sans déclencher pour autant un séisme financier. Décryptage.
Comment se situe la France?
Il y a trois grandes agences de notation, (après Fitch, la note de Moody’s est attendue le 24 octobre, et celle de Standard & Poor’s le 28 novembre, Ndlr). La dernière note donnée par Fitch à la France est AA-, ce qui correspond, pour faire simple, à un 17/20 quand l’Allemagne, par exemple, avec AAA, a obtenu 20/20. On sait que les agences prennent en compte l’instabilité politique, l’état des finances publiques, la capacité à rembourser la dette ou encore le risque social, sans savoir comment chacun de ces critères est pondéré. Il faut aussi ajouter que Fitch avait donné une perspective négative, au printemps, donc il faut s’attendre à une dégradation. Mais je pense qu’elle ne sera que d’un cran, ce qui nous amènerait à A +, soit l’équivalent d’un 16/20.
Pourquoi pas deux crans?
J’en serais étonné car un nouveau Premier ministre vient d’être nommé, il faut laisser le temps à la nouvelle équipe de s’installer. Toutefois, si le PS accepte d’entrer dans un futur gouvernement avec un contrat de non défiance, cela pourrait induire une stabilité politique de quelques mois mais cela signifie qu’en échange le PS demandera des concessions sur le plan budgétaire et fiscal. Et l’objectif d’un déficit de 4,6% du PIB prévu dans le budget Bayrou mort né ne sera pas atteint. Cependant je pense qu’il vaut mieux sacrifier cela pour sortir de l’instabilité politique, sans quoi les agences de notation pourraient nous pénaliser.
Les taux d’intérêt vont s’envoler?
Je pense que sur les marchés les investisseurs ont déjà intégré la dégradation, donc ce n’est pas une surprise qui pourrait déclencher une réaction de hausse instantanée. De plus les taux à 10 ans ont un peu baissé en France ces derniers jours (le 4 septembre, l’Agence France trésor a emprunté à dix ans au taux de 3,57%, Ndlr), et l’Espagne, par exemple, qui est notée un peu en dessous (A), emprunte à des taux légèrement inférieurs à la France. Enfin la France reste un grand pays capable de faire face à sa dette, le 4 septembre dernier elle n’a pas eu de difficultés à trouver des investisseurs pour 11 milliards d’euros (obligations assimilables du Trésor (OAT) à long terme, Ndlr.)
Et si la dégradation est plus forte?
Une dégradation d’un cran ce n’est pas une bonne nouvelle, mais c’est jouable. Deux crans, ce serait autre chose. Il peut y avoir un seuil à partir duquel le jugement des investisseurs se retourne. Mais ce n’est pas une science exacte. Les crises financières correspondent à des décrochages brutaux, les taux qui augmentent, les bourses qui décrochent... C’est impossible à prévoir, ce n’est pas une science exacte, tout comme les agences de notation ne s’appuient pas uniquement sur des chiffres, il y a une part de jugement des analystes.
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