Déjà un réflexe acquis pour les élèves de la Principauté: le passage à la borne, dès la sortie des cours, pour déverrouiller le nouvel écrin fourni par les établissements scolaires renfermant leur Graal, inaccessible depuis plusieurs heures… leur téléphone. Emprisonnés dans des pochettes fonctionnant comme des Cages de Faraday, bloquant les ondes, les appareils retrouvent eux des propriétaires hâtifs de consulter les notifications reçues tout au long de la journée.
Après les avoir laissés expérimenter pour la première fois cette nouvelle manipulation qui va devenir quotidienne, nous avons pu rencontrer et donner la parole à plusieurs collégiens et lycéens. "C’était déjà interdit l’an dernier. Avant on l’allumait juste de temps en temps pour avoir l’heure donc ça n’apporte aucun changement sur les règles. On a juste un petit soulagement quand on sort et qu’on ouvre nos pochettes", confie Flavio (*), élève de 4e au collège Charles-III. Il poursuit en donnant son avis sur cette mesure: "je trouve que c’est une bonne idée. Dans tous les cas on a déjà nos ordinateurs, donc il vaut mieux laisser de côté nos téléphones qui ne nous servent à rien."
Une règle critiquée… et contournée
Le premier retour d’expérience n’est pas unanime selon les classes d’âges et plutôt interrogatif sur la mise en place de ce nouveau système. Pour Ryan, élève en Seconde au Lycée Technique Rainier-III, "cela nous manque un tout petit peu mais je trouve que c’est une perte de temps. On fuit davantage cette réalité qu’est l’addiction plutôt que de chercher à la résoudre. Même si on n’a pas le téléphone dans le lycée, on peut tout à fait sortir pendant les pauses et l’avoir, donc ça ne change presque rien." En effet, au lycée la pause peut s’effectuer en dehors de l’établissement et donc laisser l’accès libre aux petites bornes de déverrouillage positionnées à la sortie.
Au collège, la récréation s’effectue dans l’enceinte de l’établissement, donc impossible de faire respirer son portable quelques minutes… Enfin, en théorie. Si le matin les professeurs vérifient que tout est en ordre, certains ont déjà pensé à comment contourner le système. "Pendant la récréation, on peut passer par la grille et le déverrouiller de l’extérieur, et même si c’est du bon matériel, en tapant la pochette contre un mur ou un bureau on peut l’ouvrir", explique Jules, lui aussi élève en 4e au collège Charles-III. Selon lui, surtout dans les premiers temps, certains jeunes vont contourner les règles pour continuer d’utiliser leurs portables.
Néanmoins, au collège comme au lycée, les élèves sont prévenus, ils sont largement incités à rester dans les clous. "On sait qu’il y a de grosses sanctions, donc on n’a pas envie de se faire attraper avec. Même si on n’est pas vraiment d’accord avec cette mesure, on va la respecter", tempère Pablo, lycéen en classe de Seconde.
La mesure pose question
Après une première utilisation, les élèves soulèvent certaines interrogations sur l’utilité et même la philosophie derrière la mise en place des pochettes No Phone.
Tout d’abord, l’aspect financier de l’opération. Jules se questionne: "à quoi bon mettre plusieurs dizaines de milliers d’euros pour ces pochettes au lieu de les investir sur des nouvelles chaises par exemple qui sont encore en bois et inconfortables pour étudier?".
Au lycée, les doutes se portent sur l’image des jeunes que se fait le gouvernement. "On commence à nous considérer comme des adultes, donc ce genre de punition infantile est plutôt contradictoire", déplore Ryan.
Enfin, un point surprenant dans les faits, l’interdiction d’usage du téléphone s’applique au-delà de la Terminale. Le lycée Rainier-III accueille des formations d’études supérieures, dont les promotions sont, elles aussi, dotées des nouvelles pochettes. "Pour les lycéens c’est peut-être utile, on les voyait tout le temps sur leurs téléphones, mais bon nous, on a 21 ans, on sait se gérer. C’est très infantilisant… Même si on ne va pas râler car on est des adultes, mais ce n’est pas très utile de nous imposer les pochettes alors qu’on n’utilisait pas beaucoup nos portables les années passées", estime Léa, étudiante en L3 Diplôme de comptabilité et de gestion.
Reste à voir sur le long terme si des écarts à la règle fréquents seront observés par les administrations ou si, qu’importent les classes d’âges, le rituel de la pochette deviendra un automatisme accepté par tous.
* – Les prénoms ont été modifiés.
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