Production de neige, modèle économique, subventions… la cour des comptes appelle les stations de ski à une meilleure adaptation au changement climatique

La juridiction financière a examiné “comment les stations se sont adaptées”, ou pas, à des changements qui ont déjà commencé. Elle a contrôlé 42 stations de montagne, "de toutes tailles" , réparties sur les Alpes, les Pyrénées et le Jura. La cour a créé "une base de données climatiques et financières" qui reflète la situation de 200 stations en France. "Des données croisées qui n’avaient jamais été exploitées ensemble."

"Il s’agit d’un rapport passionnant, inédit et transversal", a loué Pierre Moscovici, le premier président de la cour des comptes. Cinq chambres régionales des comptes, dont celle de Provence Alpes-Côte d’Azur, y ont participé. "Ce travail est novateur et utile dans la méthode, car il permet de poser des constats chiffrés, territorialisés, sur l’adaptation des stations de montagne au changement climatique."

"Le rapport est fait pour susciter du débat public et contribue à l'information du citoyen, a assumé Pierre Moscovici. Pour le suivi à moyen terme, nous passons la balle à ceux qui décident. Mais il y a maintenant des choses à changer, sur les investissements qu’il faut dégager." Pour financer une transition climatique en montagne.

#1 Le modèle économique du ski "s’essouffle"

C’est un phénomène entamé il y a une bonne dizaine d’années, l’évolution du nombre des journées-skieurs en France est en diminution. Depuis le très bon hiver neigeux de 2008-2009, c’est une tendance de fond.

"Fragilisées par le manque d’enneigement et l’érosion de leur clientèle, de plus en plus de stations ne sont déjà plus en capacité d’atteindre l’équilibre d’exploitation."

#2 L’abondance de neige plus rare qu’avant

La hausse régulière et significative des températures ne laisse pas de place à l’idée d’un retour à une période plus neigeuse dans les années à venir.

La cour a collaboré avec le monde de la recherche, en sollicitant l’appui de spécialistes du changement climatique. Pierre Moscovici a rappelé que la hausse des températures est plus marquée en montagne, ce qui en fait des régions particulièrement vulnérables face au changement climatique.

Quand la hausse des températures atteint +1,7°C en France métropolitaine, depuis 1900, selon les données de Météo France, le réchauffement moyen est de +1.97°C dans les Alpes (et plutôt +1,88°C pour les Alpes du Sud).

#3 Adaptation? La neige de culture, “un sentier de dépendance”

"La production de neige permet de fiabiliser l’enneigement à court terme", souligne le rapport de la cour des comptes. Pour autant, "son coût est important et son efficacité tend à se réduire avec la hausse des températures: dans certains cas, la production de neige peut tendre vers une mal-adaptation".

Elle met en garde contre le risque "d’entretenir un sentier de dépendance au ski, ne laissant que peu de place à l’intervention d’alternatives".

La cour souligne l’impact sur les ressources en eau de la production de neige, estimant cet impact "sous-estimé dans de nombreux territoires".

Son rapport critique “une stratégie de renforcement de la production de neige sans tenir compte des perspectives du changement climatique, en particulier dans les Alpes".

#4 La subvention publique questionnée

Le niveau de la subvention publique est estimé à environ un quart du chiffre d’affaires des stations de montagne. Pour les plus petites stations, cette proportion atteint même 28%.

"Le changement climatique aggrave l’impact déjà important du ski sur les finances locales", a souligné Pierre Moscovici.

Selon la cour, la question de l’adaptation doit se poser aux collectivités, lorsqu’elles font des choix d’investissement public, au risque de "se priver des marges de manœuvre pour développer un tourisme "quatre saisons".

# 5 Les grandes préconisations

Mettre en place un observatoire national regroupant toutes les données de vulnérabilité est la première des préconisations de la cour des comptes, afin de rendre toutes les données accessibles aux acteurs locaux.

Repenser l’affectation des ressources du ski, développer la coopération dans les territoires, par une gouvernance plus large, pour ne pas entrer en concurrence à l’échelon local, établir un plan d’adaptation dans chaque station et conditionner les aides publiques à des critères sont autant de pistes ouvertes.