"Je ne ferai pas Pâques": la colère des éleveurs sans abattoir dans les Alpes-Maritimes

Depuis l’incendie d’une partie de l’abattoir de Puget-Théniers en novembre 2024, l’activité est au point mort. Les professionnels tirent la sonnette d’alarme à l’approche des fêtes pascales : la situation n’est pas tenable.

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Margot Dasque Publié le 08/04/2025 à 20:15, mis à jour le 09/04/2025 à 09:48
"C’est une catastrophe pour la filière viande locale, on est en crise." Photo d’illustration Philippe Arnassan

Le torchon brûle. Depuis l’incendie d’une partie de l’abattoir de Puget-Théniers, le seul des Alpes-Maritimes, les professionnels se retrouvent le bec dans l’eau. C’était le 16 novembre 2024. À bientôt cinq mois d’arrêt total de l’activité, la colère monte chez les éleveurs comme Thierry Froehlich.

Entre Tourrette-Levens et Guillaumes, il tente bon an mal an de tenir bon la barre. "C’est une catastrophe pour la filière viande locale, on est en crise", assure le référent de la Confédération paysanne qui, à l’approche des fêtes pascales, regrette le flou dans lequel ses consœurs et confrères doivent avancer: "Il y a un manque de communication, nous ne sommes pas tenus au courant de l’avancée des travaux. On nous a indiqué une possible réouverture fin juin mais sans garantie… On ne peut pas tenir dans ces conditions."

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D’autant plus qu’avec la menace de la fièvre catarrhale, certains professionnels, comme lui ont augmenté leur cheptel: "De 20% dans mon cas. Avec les naissances, mon cheptel peut monter à 200, 250 bêtes."

Sauf que voilà, dans ce secteur la case abattoir n’est pas accessoire.

Perte de revenus, chômage technique, fragilisation des circuits de proximité... Les conséquences de la fermeture de la structure pèsent lourd dans le quotidien des agriculteurs.

Aller à Digne, Gap ou Sisteron

Quid d’un plan B? Les abattoirs les "plus proches" se trouvent à Sisteron, Digne et Gap. Des destinations qui requièrent une logistique complexe: "Pour les éleveurs moyens la rentabilité est complexe à atteindre avec de tels frais de routes, on ramène peu de bêtes à chaque trajet et nous avons quinze jours pour écouler la viande." Bref, le compte n’y est pas. Et encore moins pour ceux qui viennent de plus loin.

"On essaie de mettre en place une collecte d’ovins dans notre secteur de l’est Var mais on en a pour 3 heures à 3 heures 30 de route. Alors que Puget-Théniers c’est une heure… On nous parle de bilan carbone, ce n’est vraiment pas l’idéal", reconnaît Nicolas Perrichon, éleveur ovin à Tourrettes dans le Var.

Lui n’a eu d’autre choix que de vendre ses bêtes "sur pied": "Je ne ferai pas Pâques."

Au-delà de la reprise d’activité, Thierry Froehlich voit en ce nouveau départ une manière d’améliorer l’existant: "Nous souhaitons avoir un siège au niveau de la commission décisionnaire, certains outils ne sont pas calibrés pour tous par exemple. Nous voulons travailler ensemble."

Un vœu transmis par la Confédération paysanne 06 par courrier au président du département des Alpes-Maritimes Charles Ange Ginésy et au maire de Puget-Théniers, également président du syndicat mixte de l’abattoir du Mercantour, Pierre Corporandy.

"La plus rapide possible"

Contacté par nos soins, le Département a réagi par écrit: "La préfecture des Alpes-Maritimes a été sensibilisée pour envisager une réouverture la plus rapide possible. Les services du Syndicat mixte de l’abattoir mettent tout en œuvre avec les services de l’État pour obtenir cette autorisation qui répond à des normes strictes. Les usagers de l’abattoir réunis au sein de l’Association des usagers de l’abattoir créée à cet effet sont étroitement associés aux décisions en cours."

"Les travaux nécessaires"

Également visée par la missive, l’association des usagers de l’abattoir de Puget-Théniers affirme sa pleine confiance en l’action des collectivités (1). Jean-Pierre Cavallo, éleveur à Fontan, la préside.

Et ne s’en cache pas: les cinq membres du bureau sont affiliés à la FNSEA (2).

S’il dit ne pas comprendre la prise de position de la Confédération paysanne, il affiche un discours optimiste: "Nous avons eu une visite sur le terrain fin mars. On a pu exprimer nos besoins, nos réalités. Comme notamment le fait qu’il n’était pas simple de manœuvrer là-bas avec des remorques."

Pour lui, la patience va payer.

Un discours rassurant que tient également le maire de Puget-Théniers: "Je comprends l’inquiétude générée par cet arrêt. On est particulièrement attachés à ce que cela redémarre au plus vite mais dans les meilleures conditions possible."

Concernant les délais, deux phénomènes se télescopent, explique l’élu: les échéances inhérentes au dossier de sinistre et la remise aux normes de certains outils – comme le dégrilleur – qui était déjà latente.

"Nous sommes en train de faire les travaux nécessaires." S’il préfère ne pas se prononcer sur une date de réouverture, il l’assure: "Nous avons de belles ambitions pour l’abattoir. Avec, pourquoi pas la création d’un label qualité sur le Mercantour…"


1. L’abattoir est financé à 95% par le Département et à 5% par la commune de Puget-Théniers.

2. Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles.

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