Il y a trois mois, les élus du Conseil national faisaient appel aux lumières de Jean Leonetti, maire d’Antibes et pionnier des législations françaises sur la fin de vie.
Ce mercredi 11 juin dans l’hémicycle, les conseillers nationaux devaient se prononcer sur le projet de loi n°1081 relative au développement des soins palliatifs et à l’accompagnement de la personne en fin de vie.
Un texte adopté à l’unanimité des élus présents(*) qui a quasiment mis tout le monde d’accord. Tout d’abord parce qu’il vient combler un vide législatif en Principauté. L’exposé des motifs du texte souligne que "notre ordonnancement juridique ne contient pas de disposition législative régissant la fin de vie. Il ne contient qu’un seul texte à caractère réglementaire, le Code de déontologie médical".
Une analyse complétée par le Haut Commissariat à la protection des droits, des libertés et à la médiation. "Nous nous réjouissons que ce texte vienne combler un vide juridique à Monaco. En effet, les seuls textes actuellement applicables en la matière sont d’une part, l’article 1er de la loi n° 1.454 du 30 octobre 2017 relative au consentement et à l’information en matière médicale et, d’autre part, les articles 36 et 37 du Code de déontologie médicale."
La notion "d’obstination déraisonnable" introduite
Et à Franck Lobono – rapporteur du texte et président de la Commission des intérêts sociaux et des affaires diverses – de préciser les contours de ce projet de loi.
"L’article 1 pose en principe directeur le droit pour toute personne malade au respect de sa dignité", présente-t-il. "Ce texte introduit des avancées majeures qui visent notamment à consacrer pour les personnes en fin de vie le droit d’accéder aux soins thérapeutiques nécessaires pour soulager leur souffrance physique et psychique", poursuit l’élu. Outre le fait de réaffirmer le droit à l’accès aux soins palliatifs et au respect de la dignité du patient – mais aussi la reconnaissance du rôle des bénévoles et des associations dans l’accompagnement des personnes – les articles du projet de loi introduisent la notion "d’obstination déraisonnable".
"Résultent d’une obstination déraisonnable les actes et traitements médicaux qui, au regard des données acquises de la science, apparaissent inutiles ou disproportionnés", dispose l’article 15. Aussi, le texte oblige les professionnels de santé amenés à exercer dans une structure de soins palliatifs à suivre une formation. Pour les autres – dont les médecins – pratiquant dans un établissement de santé, un établissement médico-social ou à domicile, ils devront suivre une sensibilisation à ces pratiques.
Encadrer le consentement
Le texte instaure par ailleurs "des règles de consentement particulières en matière d’obstination déraisonnable", indique Franck Lobono. Ainsi, pour respecter les souhaits des patients et refuser un quelconque acharnement thérapeutique, une déclaration de volonté de fin de vie aux conditions précises est instaurée.
Celle-ci devra être réalisée "par une personne majeure atteinte d’une affection mettant en péril le pronostic vital et assistée pour se faire par un médecin de son choix". Dans le cas où le recueil du consentement serait impossible auprès du patient en raison de son état de santé, le partenaire lié par un contrat de vie commune au même titre que le mari ou la femme pourra exprimer les doléances de la personne concernée. Que ce soit du côté du Conseil national ou du gouvernement, tous saluent un progrès pour l’offre de soins en Principauté.
"Je me félicite, ce soir, de l’aboutissement de ce processus législatif qui vient apporter une réponse respectueuse de la condition humaine, conforme à nos institutions et qui, vous me permettrez cette touche plus personnelle, revêt un sens tout particulier pour moi en tant que médecin", déclare le conseiller de gouvernement-ministre de la Santé et des Affaires sociales Christophe Robino, soulignant que le "devoir du médecin ne s’arrête pas lorsque guérir n’est plus possible. Il se poursuit, autrement, avec cette exigence éthique de soulager".
Le ministre se satisfait également que "l’hydratation et la nutrition artificielles et, de manière plus générale, tous les actes ayant pour seul effet le maintien artificiel de la vie, sont des actes et traitements médicaux qui ne s’inscrivent pas dans le régime de l’obstination déraisonnable".
L’aide à mourir pas au goût du jour
Avant de clore les débats, Thomas Brezzo, enjoignant les propos de Franck Lobono, appelle à ce que les "meilleurs moyens soient consacrés aux soins palliatifs" au CHPG pour mettre efficacement en œuvre les dispositions du projet de loi. "Le premier des besoins figure dans l’ouverture de lits supplémentaires et la mise en place de tout l’environnement et l’accompagnement qui fait l’honneur de notre système de santé. J’invite le gouvernement à s’y engager."
Le président du Conseil national réaffirme à cette occasion que – malgré les volontés de l’élu Christophe Brico qui appelait à "aller plus loin" pendant les débats, revendiquant le fait de pouvoir choisir "quand et surtout avec qui on termine son existence" – l’euthanasie n’est pas une "demande de la population ni des professionnels de santé".
"Lorsque le patient bénéficie d’une prise en charge en soins palliatifs de qualité, légiférer sur l’aide à mourir n’est pas une nécessité."
* étaient absents Karen Aliprendi, Jade Aureglia, Marie-Noëlle Gibelli et Balthazar Seydoux, pour le vote des deux projets de loi.
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