"Nous allons devoir vivre avec le chikungunya": les propositions d’un parasitologue niçois face à la progression de la maladie

Le Pr Pascal Delaunay, parasitologue et entomologiste médical au CHU de Nice.

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Nancy Cattan Publié le 13/09/2025 à 04:00, mis à jour le 13/09/2025 à 04:00
interview
Pr Pascal Delaunay. Photo Frantz Bouton

Doit-on désormais s’attendre chaque année, à avoir des cas autochtones?

Sans aucun doute. Le moustique tigre est arrivé dans les Alpes-Maritimes en 2004. Il faut du temps pour que le système s’installe. Le premier cas autochtone est apparu en 2010. Depuis, on observe une progression logique: après quelques cas rares au début, ils sont devenus réguliers. Cela fait maintenant 4 à 5 ans que la région enregistre chaque année des cas autochtones. Il faut s’attendre à ce que ce phénomène soit de plus en plus fréquent.

Est-ce lié au réchauffement climatique?

Le climat rend le phénomène plus stable et plus fort – il est un amplificateur — mais ce n’est pas lui qui a déclenché l’installation des cas autochtones. Ce sont nos voyages, nos échanges…

Le moustique tigre est-il aujourd’hui définitivement implanté?

Oui. Il s’est installé profondément dans nos départements, trouvant des niches favorables difficiles à repérer. On ne peut pas l’éradiquer, seulement le "pondérer", en limitant au maximum sa prolifération.

Peut-on dire que nous allons devoir "vivre avec" le chikungunya?

Oui, comme avec la dengue. Il faudra apprendre à gérer chaque année des cas autochtones de chikungunya et de dengue.

Les autorités sont-elles conscientes et préparées?

Oui, l’État en a conscience depuis longtemps. Les ARS assurent un travail de surveillance et d’action, avec l’appui de l’EID (Entente interdépartementale pour la démoustication). Mais il y a parfois un décalage avec la perception de la population: pour celle-ci, le moustique tigre est surtout un "nuisible" qui gâche les barbecues et les soirées… Pour l’État, c’est avant tout un vecteur de maladies. Les deux visions sont vraies, mais elles ne portent pas sur le même problème.

Le corps médical est-il suffisamment informé et mobilisé?

Les médecins connaissent bien les symptômes de la dengue et du chikungunya. Le vrai enjeu, c’est la localisation des cas. Il faudrait une communication en temps réel, à l’échelle de 100 à 150mètres – pour préserver l’anonymat des cas. Les médecins généralistes, infectiologues, les hôpitaux sauraient si leurs patients vivent dans une zone d’alerte.

Actuellement, l’information est souvent trop vague ou trop tardive. Or c’est essentiel: si un patient est dans la zone concernée par des cas d’arbovirose, il doit absolument se protéger, éviter de sortir.

Faut-il, avec la progression du nombre de cas, s’attendre à davantage de formes graves?

Le chikungunya ne tue pratiquement pas. Les seuls cas graves concernent les transmissions au fœtus en toute fin de grossesse.

Le vrai problème, c’est la chronicité: environ 30% des personnes gardent des séquelles articulaires jusqu’à 5 ans après l’infection.

Les virus qui transmettent les arboviroses peuvent-ils muter?

Ce sont des virus à ARN, donc très instables et sujets aux transformations. C’est d’ailleurs une mutation qui a permis au moustique tigre de devenir un excellent vecteur du chikungunya lors de l’épidémie de 2006 à La Réunion. Les mutations sont suivies, elles peuvent affaiblir ou au contraire renforcer le virus — c’est imprévisible.

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