"Le Suicide exalté de Charles Dickens": Philippe Delerm retrace la fin de vie du célèbre auteur britannique

Avec "Le Suicide exalté de Charles Dickens", Philippe Delerm revient sur les dernières années de l’un des auteurs les plus populaires du XIXe siècle.

Karine Michel Publié le 05/09/2025 à 15:00, mis à jour le 05/09/2025 à 15:00
interview
Philippe Delerm est un fervent admirateur de Charles Dickens. Photo HERMANCE TRIAY

On va se parler en toute franchise: un ouvrage de Philippe Delerm est un petit bijou de littérature tant sa manière d’illustrer la vie à travers ses chroniques fait rire autant que grincer des dents.

Cependant en cette rentrée littéraire, l’auteur se livre à un tout autre exercice: raconter les dernières années de Charles Dickens, un "suicide assisté" sur les planches que beaucoup ignorent.

Pas très étonnant au demeurant tant cet auteur anglais, pourtant véritable référence de la littérature, est le grand absent des bibliothèques particulières.

Avec Le Suicide exalté de Charles Dickens (Seuil), qui sort ce vendredi 5 septembre, Philippe Delerm retrace avec le ton qu’on lui connaît, les dernières années de l’écrivain.

À quand remonte cette envie d’écrire sur Charles Dickens?

L’envie d’écrire est assez récente, en revanche le compagnonnage avec Charles Dickens date… de toujours en fait. Ça fait très longtemps que ses livres font partie de ma vie. Charles Dickens est un moteur. Quand on est familier de ce qu’il écrit, on a l’impression d’avoir de l’amitié avec lui. Parce qu’il est tellement empathique, chaleureux, généreux, qu’il rentre, comme ça, dans votre vie.

Il a connu une fin de vie particulière, sur laquelle vous revenez…

Il était obsédé par le désir de faire des spectacles, des lectures de ses romans. Il en a éprouvé un bonheur incroyable, celui de rencontrer les gens comme ça, et en même temps, ça l’a épuisé. C’était de la folie pour lui, quelque chose qu’on a du mal à imaginer, et c’est lié au fait que depuis toujours, il avait envie d’être acteur.

C’est un comédien raté devenu un brillant écrivain mais qui a voulu finir sa vie sur les planches?

(Rires) Comédien raté, je ne sais pas. Mais c’est vrai que lorsqu’il était jeune, à 17, 18 ans, il a voulu s’inscrire à un concours pour devenir comédien. Pour lui, l’enjeu était si fort qu’il est tombé malade le jour du concours et n’y est pas allé. Pourtant, c’était quelque chose qui faisait partie de lui. ¨Plus jeune, son père le faisait monter sur les tables pour réciter des textes et chanter des chansons. Il paraît qu’il avait une voix délicieuse. Ce qui est étonnant pourtant, c’est que ses parents étaient sûrement fiers de lui mais ne s’en occupaient pas du tout. Et à 12 ans, ils l’ont collé dans une usine de cirage pour fixer des étiquettes sur les boîtes.

Il a finalement su déjouer la trajectoire tracée pour lui par ses parents...

Oui, c’est invraisemblable quand on y pense; le plus grand écrivain du monde en termes de notoriété – il était extrêmement populaire dans les pays anglo-saxons et aux États-Unis – était à 12 ans, dans une fabrique de cirage au milieu des rats…

Vous faites le parallèle avec Victor Hugo.

C’est son équivalent en France. Deux auteurs qui avaient une immense notoriété populaire, parce que tous les deux avaient un engagement politique très fort, en faveur des déshérités, des pauvres, des prostituées, en faveur de la condition féminine. Ils étaient aimés par le peuple.

Vous écrivez qu’il était "l’illustrateur de la vie".

Oui c’est vrai. En plus, il a eu la chance, à 23 ans, d’écrire Pickwick, qui a été un succès faramineux. Et il se trouve que Pickwick est un roman qui a été très illustré. Beaucoup de dessinateurs se sont battus d’ailleurs pour ça, car c’est un ouvrage très drôle et inventif qu’ils ont eu envie d’illustrer. Mais en fait, ce livre n’en a même pas besoin car son style est tellement imagé qu’on voit les images en le lisant. Quand je le relis, ça me fait toujours rire.

Vous relisez toujours ses œuvres?

Oui, il y a quelques auteurs comme ça qui sont vraiment toujours sur ma table de chevet. Proust, Jules Renard, Paul Léautaud et Charles Dickens.

Pour qui n’aurait jamais lu Charles Dickens, par quel livre faut-il commencer?

Je conseillerais de commencer par Pickwick, parce que si on n’est pas sensible à l’humour de ce livre, on n’est pas fait pour lire Charles Dickens. Si on passe un très bon moment, on aura envie de lire le reste.

Vous racontez la rencontre entre Dickens et Hugo. Vous qui êtes un des plus fervents lecteurs de Dickens, qu’auriez-vous aimé lui dire si vous l’aviez rencontré?

Les rencontres quand elles se font dans la littérature, elles ne se font pas vraiment dans la vie. Je ne rêve pas de rencontrer Marcel Proust parce que je pense qu’il m’aurait trouvé insupportable (rires), Dickens non plus parce que quand on aime trop comme ça, je pense que les rapports que l’on pourrait avoir dans la vie ne seront jamais à la hauteur des rapports qu’on a avec lui dans la lecture. C’est ce qui est magique dans la littérature.


Le Suicide exalté de Charles Dickens, Philippe Delerm. Seuil. 115 pages. 15,90 euros.

"Il lui manquait quelque chose"

Le Suicide exalté de Charles Dickens ou comment l’un des auteurs les plus populaires au XIXe siècle choisit d’user sa vie sur les planches pendant dix ans.

"Il aurait pu se contenter, bien sûr, du succès de ses livres, qui était immense, analyse Philippe Delerm. Mais en fait, il lui manquait quelque chose. Et ce quelque chose, c'était un contact physique avec un public."

Un besoin d’amour, de reconnaissance, qui vient de l’enfance, non? "Ce n'est pas possible autrement. Dans sa vie personnelle, il n'avait pas tout à fait réussi à rencontrer l'amour qu'il souhaitait rencontrer, ni de sa femme ni de ses enfants. Et donc, pour lui, il y avait certainement un manque quelque part."

Pendant dix ans, sur scène, Charles Dickens gardera les mêmes extraits. L’auteur des Grandes Espérances – "sans doute son meilleur roman", confie Philippe Delerm – de David Copperfield, choisit les premiers textes qu’il a rédigés: Pickwick et Olivier Twist (Oliver Twist en anglais, mais Philippe Delerm prononce le titre en français).

Deux textes à l’opposé: "Pickwick, un texte très drôle, et Olivier Twist un ouvrage très tragique, dont l’action se déroule dans l’ombre de la pègre, dans la pauvreté et la corruption. Mais ces livres sont un peu tous les deux emblématiques de la condition humaine".

Le succès ne sera jamais démenti. Le public toujours au rendez-vous. "Dès le début, il a eu des salles combles, des salles de 2.000 places sans sonorisation. Mais cette vie pleine d’ivresse, de rencontres et de partage, le condamne à moyen terme: dans ses dernières tournées, il devait rester allongé toute la journée, il prenait de la drogue pour pouvoir monter sur scène…"

Il meurt d’une attaque d’apoplexie le 9 juin 1870. "Il laisse bien plus qu’une trace. Son existence consumée éclaire encore les nôtres", écrit Philippe Delerm.

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