Un homme boule à facettes, un coupable idéal, un meurtre non élucidé d’un chauffeur de bus: retour sur l’affaire Daniel Garcia, aujourd'hui rangée dans les archives judiciaires

Deux coups de fusil qui claquent dans la nuit du 10 au 11 mai 2009 à Toulon. Au numéro 93, de la rue des Dardanelles, à quelques pas du palais de justice, personne ne bouge. Daniel Garcia, un retraité de 60 ans, gît dans une mare de sang, tué par arme à feu. Le meurtrier n'a jamais été identifié.

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Peggy Poletto Publié le 11/06/2025 à 07:30, mis à jour le 11/06/2025 à 07:40
Deux coups de fusil qui claquent dans la nuit du 10 au 11 mai 2009 à Toulon. Photo d'illustration Grock

Deux coups de fusil qui claquent dans la nuit du 10 au 11 mai 2009. Au numéro 93, de la rue des Dardanelles, à quelques pas du palais de justice de Toulon, personne ne bouge. Personne ne cherche à savoir ce qu’il se passe. Aucune porte ne s’entrouvre.

Dans cet immeuble dont l’entrée se trouve entre une épicerie éthiopienne et un restaurant, Daniel Garcia, un retraité de 60 ans, gît dans une mare de sang. L’ancien chauffeur de bus a été tué par arme à feu.

Seize ans plus tard, l’affaire Daniel Garcia est rangée dans les archives judiciaires sans coupable. Deux hommes ont pourtant fait l’objet de renvoi devant la justice.

Rencontre avec le suspect numéro 1

Il y a un voisin déjà condamné à deux reprises pour des faits criminels mais totalement blanchi par un acquittement prononcé par la cour d’assises du Var. Il y a également un occupant occasionnel de l’immeuble au casier judiciaire noirci de condamnations, qui s’est "accusé", lors d’une audience devant le tribunal correctionnel, puis mis en examen et, enfin, cité comme témoin lors du procès du voisin.

Le 11 mai 2009, des policiers mènent les premières investigations sur les lieux, s’attardent pour des relevés techniques et scientifiques sur l’interphone de la porte d’entrée, avant de s’en aller. A ce moment-là, un homme d’une soixantaine d'années, le bras plâtré et en écharpe sort du bâtiment pour fumer une cigarette.

Il est peu loquace, mais répond à nos questions, alors que nous nous sommes déplacés sur les lieux du drame. Il connaissait son voisin "Dany", la victime. Il s’entendait bien avec son voisin de palier. Ils étaient gênés tous les deux par les va-et-vient d'une "faune" bruyante de sans-abris, de consommateurs de stupéfiants, des mauvaises fréquentations de la voisine du dessus.

Le lendemain de cette rencontre relatée dans le journal, le commandant de police Eric Petit, numéro 2 de l’antenne toulonnaise de la Police judiciaire prévient que notre témoin est le suspect numéro 1 pour le meurtre de Daniel Garcia.

Un CV qui ne plaide pas en faveur du voisin

Il faut dire que le curriculum vitae de Max Chamas, le fameux voisin, ne plaide pas en sa faveur. A 65 ans, il a été condamné à deux reprises devant la cour d’assises du Var. Ce dernier est passé, pour la dernière fois, devant la cour et les jurés de Draguignan le 16 janvier 1990 où il a été reconnu coupable d’un assassinat et d’une tentative d’assassinat.

Il aurait tiré, avec une arme à feu, à travers une porte. "C’est pour cela que ce soir-là Max Chamas n’appelle pas la police. Il sait qu’avec son passé judiciaire, il ne va pas y échapper, qu’il est le suspect idéal", résume Me Jean-Claude Guidicelli qui a assuré sa défense.

Dany a été pris pour cible au cœur de la nuit, mais ce n’est qu’au petit matin, vers 5 heures, qu’un habitant fait la macabre découverte. Le témoin découvre derrière la porte presque ouverte de l’appartement du sexagénaire, un corps.

Deux décharges de fusil de chasse

Sans souffle de vie, Daniel Garcia a succombé à deux décharges de fusil de chasse de calibre 12, tirées à bout portant. Selon les enquêteurs, la victime a ouvert à son meurtrier. Le connaissait-il? Mystère. Autre énigme relevée lors des investigations: les lumières de la cage d’escalier et du couloir ne fonctionnent plus. Le compteur a disjoncté ou une personne l’a mis en position "off".

En situation de récidive, Max est placé en garde à vue, en détention provisoire, puis mis en examen pour la mort de son voisin.

Durant son troisième procès qui s’est déroulé le 21 mai 2012, aux assises, où il risque la réclusion criminelle à perpétuité avec une peine plancher de 15 ans, il affirme être innocent à son avocat.

"Quand je prends un dossier, je ne suis pas là pour, personnellement décider si mon client est innocent ou pas. Mon rôle est d’étudier chaque pièce du dossier, émettre des doutes basés sur le contenu de ce dossier et défendre mon client. Là, il y avait de gros doutes. Il était le coupable idéal sur le papier", relève Me Guidicelli.

Les faits se sont déroulés dans la nuit du 10 au 11 mai 2009, au numéro 93, de la rue des Dardanelles à Toulon. Illustrations André Dupeyoux.

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"Pourquoi j'aurais tué Dany?"

Devant les jurés, Max plaide sa cause, avec ses mots. "Pourquoi j'aurais tué Dany? Il n'y a aucune raison, c'était un collègue. D'ailleurs j'aurais pas pu lui tirer dessus: je suis daltonien, et si je lève les lunettes, je vous vois trois fois". Quant aux résidus de poudre relevés sur sa main droite, l’autre bras étant plâtré le soir du drame, il explique être descendu en tenant la rampe.

Présentes en mince quantité, ces traces seraient compatibles selon le rapport. "Cela ne veut pas dire que c'est de la poudre. Pour moi, c'est V.!", se défend Chamas.

Eric Verbist n’est pas un inconnu de la sphère judiciaire. Il est même un habitué des salles d’audience du tribunal correctionnel. Ce grand gaillard de 38 ans a lui aussi été mis en examen pour l’assassinat de Daniel Garcia dans des circonstances rocambolesques.

L'apparition de Mirror man en suspect numéro 2

Connu sous le nom de Mirror man, il se trimbale à cette époque dans Toulon avec une veste composée de morceaux de miroirs récupérés sur des boules à facettes. En plus de sa carcasse de gars solide, il porte cette création de plus de 20 kg, parfois même sur son deux-roues également couvert de… miroirs.

Après l’interpellation de Max Chamas, Eric Verbist se présente pour la énième fois à l’huissière d’audience de la chambre correctionnelle de Toulon et dit venir pour le meurtre de Daniel Garcia. Il s’accuse. Branle-bas-de combat. Agitations autour du trentenaire. Mirror man est finalement arrêté dans un squat, placé en garde à vue et mis en examen. Il y a deux suspects pour un crime.

Lui aussi a été trouvé avec des résidus de poudre sur ses vêtements. Lui avait l’habitude de se rendre chez la voisine du dessus avec qui Daniel Garcia et Max Chamas étaient en conflit par rapport à des nuisances causées par les allées et venues de marginaux.

Il l'a jeté par dessus la rambarde

Lui avait d'ailleurs molesté Max Chamas, l’autre mis en cause, quelques semaines avant le crime, en le poussant violemment dans les escaliers. Le bras dans le plâtre? C’était Eric Verbist. Il lui avait brisé le poignet gauche en le jetant par-dessus la rambarde.

Les expertises psychiatriques diligentées pour les deux individus sont rendues: Eric Verbist, placé sous curatelle, est qualifié de schizophréne, Max Chamas est plutôt considéré comme paranoïaque et son discernement est estimé altéré au moment des faits.

Eric Verbist alias Mirror man a bénéficié d'un non-lieu dans l'affaire Daniel Garcia Illustration archives VM.

Deux non-lieu et un renvoi de... Max Chamas aux assises

Au terme de l’instruction, le magistrat chargé du dossier prononce un non-lieu au bénéfice des deux mis en cause. Le parquet de Toulon fait appel et seul Max Chamas est renvoyé devant la cour d’assises du Var; Eric Verbist étant entendu comme simple témoin.

"Le seul mobile qu’on trouve à Chamas, c’est son passé pénal. Un passé qu’on vous demande de juger au présent", a plaidé Me Guidicelli.

"Du fait de son casier et des traces de poudre, on lui a dès le début collé l'étiquette d'assassin, en négligeant la piste d'Eric Verbist, qui avait un mobile pour tuer Garcia", a avancé Me Emmanuelle Ami-Jeaume, intervenant également en défense.

Le voisin est acquitté et le coupable n'a pas été identifié

Le 25 mai 2012, Max Chamas, qui risque la perpétuité, va attendre durant deux heures le verdict. Les jurés et les magistrats se sont prononcés. NON COUPABLE. L’homme est acquitté.

Détenu depuis de longs mois et innocenté, le sexagénaire a engagé une procédure d’indemnisation contre l’Etat pour les longs mois passés en prison.

Max Chamas est décédé le 7 septembre 2024. Il avait 80 ans.

Le meurtre de Daniel Garcia n’a jamais été élucidé à ce jour. L'arme du crime n'a jamais été retrouvée.

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