Le 16 mai dernier, un Bucco-Rhodanien a voulu exalter son ego par sa conception d’un train de vie dispendieux en Principauté. Sa première faiblesse ? Percevoir un salaire mensuel de 1.700 euros et franchir la frontière monégasque, à 19 ans, au volant d’une Audi S3 immatriculée en Allemagne (valeur : 65.000 euros), prêtée, sans carte grise ni accointances avec le propriétaire.
Parfait pour un candidat potentiel au contrôle policier ! Plus défiant encore déclarer aux agents de faction à au Jardin exotique la somme de 5.000 euros.
Or, ils découvrent au cours de la fouille du véhicule quasiment le triple en additionnant des liquidités dissimulées dans les vide-poches, ou enrobées sous cellophane dans le coffre arrière. Autant d’infractions reprochées pour présenter ce Vitrollais en comparution immédiate et contrarier ses intentions ostentatoires.
A l’audience, le jeune homme cultive un certain art de la persuasion afin de se présenter comme un modèle de probité. "Je n’ai jamais touché à l’alcool ni à la cigarette. Boxeur et entraîneur, je milite dans cette discipline pour permettre aux femmes d’avoir leur place dans ce sport de combat. J’ai travaillé comme commercial auparavant."
"Je suis honnête"
Depuis septembre 2024, il est en CDD à l’aéroport de Marignane et que pourrait-on lui reprocher sur son comportement ? "Cet argent provient d’économies, de sommes données par mon père, de gains accumulés aux paris sportifs. La voiture ? Un ami l’avait louée pour un anniversaire. Il me l’avait confiée pour un aller-retour Marseille-Monaco dans la journée, sans me remettre les papiers…"
Mais à trop faire avaler de couleuvres, le président Thierry Deschanels rejette les assertions gratuites du détenu. "Avec vous rien n’est clair, rabroue le magistrat. Aucun document ! Vous passez par un intermédiaire dont vous ne connaissez ni le nom ni le téléphone de la personne qui vous a prêté le véhicule."
Pas plus d’information sur la provenance des cartes prépayées, d’une valeur de 3.500 euros. "Vous savez juste qu’elles vous ont été confiées par une connaissance. Aucune déclaration administrative concernant l’argent détenu, disséminé dans l’habitacle et trouvé par les policiers. Vous aviez aussi un couteau : une arme de catégorie C interdite. Tout joue contre vous !"
Pour faire passer la pilule, le jeune homme jongle entre digressions et pensées discursives. S’ensuit une multiplication des versions. Dans ce cafouillage verbal, l’argent aurait été retiré en partie sur un compte épargne. Or, aucune opération n’apparaît sur les relevés. Arguer de largesses financières familiales ou de subsides occasionnels de salaires ou de gains perçus aux jeux de hasard : difficiles à vérifier.
Quant aux billets éparpillés dans des compartiments de l’Audi, la raison avouée est pourtant évidente : les liasses ne rentraient pas toutes dans sa sacoche… "Pourquoi transporter autant d’espèces quand on dispose de l’empreinte de sa carte bancaire sur son téléphone pour effectuer ses achats ?, tacle le magistrat. Vous êtes dans l’incapacité de nous fournir une explication crédible sur l’origine des fonds et donc poursuivi pour blanchiment.
– Je suis honnête, assure, acculé, ce natif des Bouches-du-Rhône. Aucun euro n’a une provenance illicite ? Je suis dans l’incapacité de vous fournir la ventilation de la somme, comme la véritable raison de ma venue en Principauté avec tout cet argent. Dans ma famille, c’est une habitude de conserver nos sous dans les poches. J’ai été pris par la folie des grandeurs. Je ne pensais pas d’ailleurs finir en prison…"
Et si ce personnage essayait plutôt de passer sous les radars, suppute le procureur général Morgan Raymond, désespéré par le spectacle offert à l’audience ?
"Il n’a rien à voir avec un délinquant"
"La lutte contre le blanchiment est une priorité du Parquet. Le schéma avancé concorde avec la volonté de dissimuler la provenance des 11.115 euros plus les 3.500 euros de cartes prépayées. Le véhicule de luxe ? Le prévenu se noie dans les incohérences des motifs évoqués. Il ne nous dit pas la vérité. Primo-délinquant, je requiers six mois avec sursis, une amende de 5.000 euros, cinq ans d’interdiction de territoire et la confiscation totale des espèces."
Pour contrer de telles remarques, la défense va insister sur l’immaturité de son client, conduit à se retrouver dans cette situation ubuesque au cours de sa rocambolesque venue à Monaco.
"Il est jeune et ignore la législation monégasque, comme des limites de la Principauté, admet Me Eric Passet (Barreau d’Aix-en-Provence). Mais il se devait de faire le beau avec sa belle voiture à Monaco, vitrine de la Côte d’Azur vantée et adulée sur les réseaux sociaux. Venu avec deux filles pour faire du shopping, il voulait s’afficher en photos sur ces plateformes. C’est l’erreur de casting dans votre dossier : il n’a rien à voir avec un délinquant et l’origine illicite des fonds n’est pas démontrée. C’est un enfant gâté, choyé qu’il faut restituer rapidement à sa famille."
Le tribunal a suivi les réquisitions du procureur général et le prévenu a goûté à la liberté recouvrée.
(1) Assesseurs : Maxime Maillet et Patrice Fey.
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