Claude Palmero saisit la Cour européenne des droits de l'homme, l’avocat du Prince Albert II réagit

Les avocats de l’ex-administrateur des Biens de la famille princière, Claude Palmero, ont saisi la Cour européenne des Droits de l’Homme après son renvoi. L’avocat du Prince livre sa version.

Thomas MICHEL Publié le 13/01/2024 à 07:51, mis à jour le 13/01/2024 à 07:54
Administrateur des Biens de la famille princière depuis 2001 – dans la continuité de son père André –, Claude Palmero a été remercié par le prince Albert II en juin 2023. Capture d’écran France TV

Il laissait planer la menace depuis octobre via ses avocats, Mes Pierre-Olivier Sur et Marie-Alix Canu-Bernard. Ce vendredi, Claude Palmero a confirmé avoir saisi la Cour européenne des Droits de l’Homme le 11 janvier 2024 "pour dénoncer les violations de la Constitution monégasque ainsi que des standards d’indépendance et d’impartialité de la justice qu’exige le Conseil de l’Europe" (lire ci-dessous), à la suite de son éviction par le prince Albert II du poste d’administrateur des Biens de la famille princière en juin 2023.

"Cette procédure devrait conduire la Principauté à respecter à l’avenir les principes de séparation des pouvoirs et d’indépendance de la justice, corollaires indispensables de la lutte contre la corruption et l’établissement d’un État de droit", poursuit le communiqué des avocats de Claude Palmero, qui se positionne donc comme un lanceur d’alerte.

"M. Palmero semble s’inquiéter de tout cela depuis qu’il a été mis fin à ses fonctions", réplique sobrement l’avocat du prince Albert II, Me Jean-Michel Darrois, qui a accepté de répondre aux questions de Monaco-Matin ce vendredi.

"Tous les documents étaient à son nom"

Jusque-là, le Palais avait fait preuve d’une grande réserve. Réaffirmant sa confiance en la justice et refusant d’entraver son processus, le Prince avait toutefois confié, en novembre dernier à Monaco-Matin, avoir déposé une plainte au pénal avec ses sœurs, la princesse Caroline et la princesse Stéphanie. Une plainte inédite à l’encontre d’un employé de la Maison souveraine, née d’un audit alors mené par une société indépendante et "mettant en lumière des faits, des pratiques de gestion, qui interpellent".

"Comme à tout mandataire, il a été demandé à M. Palmero de faire un rapport de sa gestion après son départ. Et il a été très compliqué d’obtenir des informations", révèle aujourd’hui Me Jean-Michel Darrois. "Tous les documents étaient au nom de Claude Palmero, du moins tout ce que l’on a trouvé, pointe l’avocat parisien. C’était selon lui pour assurer la confidentialité des Biens de la famille princière et pour protéger le Prince."

Un patrimoine réparti notamment dans des sociétés qui investissaient dans des fonds de private equity , comme de simples sociétés civiles. "Or, il aurait fallu que tout cela revienne automatiquement au Prince!", souligne Me Darrois. Impossible dès lors que les titres de propriété apparaissaient au nom de Claude Palmero et faute d’explications.

Pour sa défense, Claude Palmero avance notamment qu’il lui était impossible d’accéder à son bureau et ses dossiers, les portes du Palais lui étant fermées. "Au contraire, il a emporté dans des cartons des tas de documents qui relevaient de l’Administration des Biens", assure Me Darrois.

"Une très grande partie du patrimoine a été restituée"

Glaciale, l’ambiance entre les parties n’aura jamais été propice à la conciliation. Dès juillet 2023, Claude Palmero a ainsi saisi, en vain, le Tribunal Suprême de Monaco pour contester sa révocation ad nutum et obtenir sa réintégration.

"M. Palmero semblait considérer qu’il était administrateur des Biens à vie, coupe court Me Darrois. Mais comme dans toute monarchie, les rois et les princes ont le droit d’organiser leur Maison souveraine. De la même manière qu’il l’avait nommé pour succéder à son père, le Prince pouvait mettre fin à sa mission sans raison [...] M. Palmero multiplie les procédures mais, pour l’instant, les perd toutes."

Le 18 septembre 2023, une plainte était donc déposée à Monaco au nom de la famille princière pour abus de confiance et vol. Le but: obtenir de Claude Palmero des explications mais surtout la restitution de sociétés et documents.

"M. Palmero a alors donné des explications et rendu des titres de sociétés. Aujourd’hui, une très grande partie du patrimoine de la famille princière a été restituée", relate M. Darrois, précisant que des parts avaient été rendues avant la plainte mais regrettant qu’elles ne l’aient pas été immédiatement. Avant l’escalade médiatique.

Ces dernières semaines, les parties ont eu à se réunir autour d’une même table pour signer des bordereaux de transfert de parts et différents actes.

Mais la plainte à l’encontre de Claude Palmero reste pendante. Si, dans l’absolu, elle peut être allégée de motifs, elle a vocation à aller à son terme selon Me Darrois. "Juridiquement, même si des explications arrivent avec retard, les faits restent constitutifs d’un abus de confiance. Et nous n’avons pas encore les explications sur tout."

"L’oncle Picsou dépasse les bornes"

"Il est stupéfiant qu’un homme qui prétend être le serviteur du Prince s’attaque ainsi à la Principauté et essaye de la déstabiliser", s’étonne l’avocat à l’évocation de l’atteinte à la réputation de cette affaire pour la Principauté, qui plus est alors que le nom de Claude Palmero apparaît dans des procédures en cours comme celle des "Dossiers du Rocher".

Dans les couloirs du Palais, qu’ils aient apprécié travailler avec lui ou non, peu parlent mais beaucoup se disent déçus et surtout agacés. Avec une question en suspens: "Pourquoi faire un tel scandale?".

Réfutant tout enrichissement personnel, Me Pierre-Olivier Sur a, lui, martelé à Monaco-Matin l’intégrité de son client, désormais affublé du surnom "Oncle Picsou" par certains à Monaco. "C’est un serviteur dévoué et un homme simple. Son train de vie est modeste. Il n’a jamais recherché la fortune et il est absolument incorruptible."

"Qu’importe ce qu’il est, il dépasse les bornes à vouloir affaiblir le Prince", peste un proche du Palais.

* Capital-investissement dans des sociétés non cotées à différents stades de leur développement.

La Principauté de Monaco a adhéré au Conseil de l’Europe le 5 octobre 2004 et peut faire l’objet d’une saisine auprès de la Cour européenne des droits de l’Homme depuis le 30 novembre 2005. Ce 11 janvier, Me Pierre-Olivier Sur a donc porté une requête exposée sur deux pages au nom de Claude Palmero "car il ne bénéficie pas des garanties du procès équitable devant les juridictions monégasques et en particulier en raison de la violation du principe d’indépendance du pouvoir judiciaire à l’égard du pouvoir exécutif en vertu du principe de séparation des pouvoirs".

Une saisine qui ne fait pas vaciller l’avocat du prince Albert II, Me Jean-Michel Darrois. "L’État monégasque ira défendre sa Constitution, et la CEDH appréciera un système qui fonctionne depuis longtemps." Les arrêts de l’organe judiciaire du Conseil de l’Europe n’ayant pas force exécutoire, ils ne peuvent conduire à l’annulation ou la modification automatique d’une décision nationale (en l’occurrence du Tribunal suprême monégasque). Face à la manifeste impossibilité de remettre la situation en état, c’est-à-dire réintégrer Claude Palmero dans ses fonctions, la jurisprudence tend plutôt à trouver une solution équitable par voie d’indemnisation. Me Pierre-Olivier Sur espérant que la CEDH passe un message fort à la Principauté sur la base de la violation des articles 6 & 1 de la Convention.

Pour ce faire, l’ex-bâtonnier de Paris appuie sur "l’effet vexatoire" du renvoi "à effet immédiat" de Claude Palmero, intimé par une lettre d’un aide de camp du Prince, le 6 juin 2023. "Il a également été procédé dans ses bureaux à diverses mesures de contrainte, fouilles et saisies, dans l’arbitraire le plus total (c’est-à-dire sans que cela ne résulte ni d’une décision judiciaire ni d’un contrôle judiciaire)", peut-on lire dans la requête de Me Sur, qui fustige également la valse des juges du Tribunal suprême au cœur de l’été, et notamment la nomination d’un "président de continuité parfaitement inconnue du droit monégasque" à la place de Didier Linotte. L’usage voulant que ce dernier aille au bout de son mandat. "Pourquoi une telle précipitation? Pour reprendre en main la désignation des magistrats qui seraient chargés de l’affaire Palmero! [...] Une hâte très révélatrice qui a permis au Prince défendeur de faire nommer un rapporteur ad hoc pour son propre procès!"

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