Dans l'ombre de Bétharram, le procès du chirurgien pédocriminel Le Scouarnec peine à mobiliser

Près de trois mois après son début à Vannes, le procès du chirurgien pédocriminel Joël Le Scouarnec n'a suscité "aucune" prise de position politique, au contraire de l'affaire Bétharram, et échoue à faire avancer la lutte contre la pédocriminalité, regrettent victimes, associations et avocats.

La rédaction avec AFP Publié le 19/05/2025 à 06:38, mis à jour le 19/05/2025 à 06:39

Près de trois mois après son début à Vannes, le procès du chirurgien pédocriminel Joël Le Scouarnec n'a suscité "aucune" prise de position politique, regrettent victimes, associations et avocats.

"Il n'y a pas eu de mobilisation de la société ni du monde politique alors que tous les éléments étaient là", dénonce Solène Podevin-Favre, codirectrice de la Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise).

Jugé depuis le 24 février par la cour criminelle du Morbihan pour des violences sexuelles sur 299 victimes majoritairement mineures, Joël Le Scouarnec "a tout avoué et ne remet pas en cause la parole des victimes: pour un procès de pédocriminalité, c'est atypique", souligne-t-elle auprès de l'AFP.

Cela aurait pu être "une occasion en or" pour "rouvrir le débat sur la lutte contre la pédocriminalité", "d'autant plus que l'affaire Bétharram a été révélée quelques jours avant" le début du procès, estime-t-elle.

Mais pour Mme Podevin-Favre, "si le monde politique s'est emparé de Bétharram, le silence est quasi complet sur Le Scouarnec (...) il ne mobilise pas."

"Pas un fait-divers"

Pourtant, rappelle Manon Lemoine, une des victimes, "l'affaire Le Scouarnec n'est pas un fait divers mais un fait politique." "On essaie de faire de lui un monstre, mais ce monstre, c'est la société qui l'a créé et qui l'a laissé perdurer", tempête la jeune femme de 36 ans, que l'accusé a reconnu avoir violé lorsqu'elle en avait 11.

Pour que la société "ne détourne pas le regard", les victimes "ont fait tout leur possible", note-t-elle. Nombre d'entre elles ont ainsi levé le huis clos de leurs audiences.

D'autres ont politisé leur prise de parole, prenant à partie l'avocat général ou la cour, comme Nicolas Gourlet, 31 ans, qui a exigé lors de sa déposition fin avril que "les choses bougent et qu'on n'ait pas un "Le Scouarnec bis" dans la nature".

Et de plus en plus de victimes parlent à visage découvert dans les médias "pour que la honte change de camp" et "aider les gens à s'identifier" à elles. Comme Manon Lemoine, qui rêve encore d'"un sursaut du monde politique" à huit jours du verdict.

Si "le procès de Joël Le Scouarnec, c'est le procès de la responsabilité de Joël Le Scouarnec, rien d'autre", Me Frédéric Benoist, avocat de l'association La Voix de l'Enfant, aimerait néanmoins que ce procès "alerte le gouvernement".

Pour qu'enfin, "il y ait une vraie politique de protection de l'enfance en matière de pédophilie", insiste-t-il, rappelant "le très faible budget" du seul dispositif d'aide en France destiné aux pédophiles, dénommé STOP. "Mais pour l'instant on est loin de la prise de conscience sociétale espérée."

"Interpeller" les politiques

Face à l'"apathie politique", Mme Podevin-Favre tente de voir le verre à moitié plein. Ainsi, en mars, "des avancées ont eu lieu, avec notamment l'avis favorable du gouvernement concernant un meilleur contrôle du FIJAIS", le fichier recensant les auteurs d'infractions sexuelles ou violentes.

"Le gouvernement n'a pas communiqué dessus, comme s'il se doutait que c'est encore insatisfaisant", remarque la codirectrice de la Ciivise.

Le procès a aussi permis de souligner "l'importance des lanceurs d'alerte" pour dénoncer des pédocriminels, estime Gabriel Trouvé, 34 ans, une des victimes de Joël Le Scouarnec, à l'issue du témoignage auprès de la cour de Thierry Bonvalot, le 13 mai.

Ce psychiatre avait dénoncé dès 2006 -en vain- le comportement suspect de Joël Le Scouarnec dont il était alors le collègue à Quimperlé (Finistère).

Gabriel, Manon, Nicolas, tous ont rejoint un collectif réunissant une cinquantaine de victimes de Joël Le Scouarnec. "Nous sommes effarés de constater que ce "procès du siècle" ne fait pas date auprès du gouvernement et, plus largement, du grand public", regrette dans un communiqué le collectif.

Lundi matin, des victimes ont donné rendez-vous aux médias pour une manifestation dans le but d'"interpeller" le monde politique. Qui a bien su "se mobiliser pour Bétharram", rappellent-elles.

“Rhôooooooooo!”

Vous utilisez un AdBlock?! :)

Vous pouvez le désactiver pour soutenir la rédaction du groupe Nice-Matin qui travaille tous les jours pour vous délivrer une information de qualité et vous raconter l'actualité de la Côte d'Azur

Et nous, on s'engage à réduire les formats publicitaires ressentis comme intrusifs.

Si vous souhaitez conserver votre Adblock vous pouvez regarder une seule publicité vidéo afin de débloquer l'accès au site lors de votre session

Monaco-Matin

Un cookie pour nous soutenir

Nous avons besoin de vos cookies pour vous offrir une expérience de lecture optimale et vous proposer des publicités personnalisées.

Accepter les cookies, c’est permettre grâce aux revenus complémentaires de soutenir le travail de nos 180 journalistes qui veillent au quotidien à vous offrir une information de qualité et diversifiée. Ainsi, vous pourrez accéder librement au site.

Vous pouvez choisir de refuser les cookies en vous connectant ou en vous abonnant.